Après le vote suisse

Après le vote suisse

Jeudi 13 février 2014, par Etienne Tarride

Le vote des suisses a donné lieu à une avalanche de commentaires, souvent marqués plus par la passion que par la raison. Etienne Tarride donne ci-dessous une analyse différente, cherchant à remonter aux sources du problème.

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Il est sans doute possible de tirer de nombreuses conclusions du vote Suisse relatif aux règles d’immigration. Il faudra y réfléchir posément plutôt que d’adopter une position toute faite.

Pour ma part, je retiens d’abord de cet épisode une leçon essentielle : Quand les peuples de l’Europe, membres ou non de l’Union Européenne sont interrogés au suffrage universel sur la construction en cours, ils manifestent leurs refus ou, au moins, leurs réserves. Tel est le cas du peuple Suisse qui s’est refusé à valider les résultats contraignants d’une négociation avec l’Union Européenne, tel fut le cas des peuples déjà inscrits dans cette Union, les Français et les Hollandais qui ont voté « non » en 2005, mais aussi les Irlandais et les Danois qu’il a fallu faire voter autant de fois qu’il était nécessaire pour obtenir enfin un « Oui » à l’Europe ou à l’Euro.

Il est essentiel de constater que les peuples Européens ne veulent pas de l’Europe de Bruxelles. Ils ne veulent ni de l’Union Européenne telle qu’elle est, ni surtout des perspectives qui se dessinent d’une intégration plus lourde encore.

Nous avons assez dit et écrit pourquoi. Il est temps de chercher non plus seulement à combattre cette Europe mais de rechercher d’autres perspectives d’avenir.

La méfiance des peuples à l’égard de l’Europe s’explique assez facilement par les vices de construction qui remontent au Traité de Rome et ont été aggravés notamment par « l’Acte Unique » :

- Du fait du monopole de proposition des directives conférés à la Commission Européenne, les peuples ont le sentiment d’ailleurs parfaitement exact d’être atteints en permanence par des règles étranges qui ne dépendent en rien de leurs élus. Ils commencent donc à se demander à quoi peut servir de voter.

- Du fait de la priorité absolue reconnue en matière économique à la concurrence libre et non faussée. Chacun constate que les Gouvernements et les parlements élus ont perdu leurs pouvoirs d’aide aux secteurs en difficulté et donc l’essentiel de leurs moyens de lutte contre le chômage et la pauvreté.

- Enfin, et c’est sans doute l’essentiel, les transferts de pouvoirs par les Etats aux instances communautaires sont irréversibles. Ils ne constituent jamais des délégations rétractables. Tel est le sens profond du traité de Rome, de l’Acte Unique ou du Traité de Maastricht. Ceci est vrai aussi pour les pays extérieurs à L’UE tels la Suisse . Les Suisses ont pensé, à juste titre au demeurant, que le pouvoir de régulation de l’immigration qu’ils avaient accordé à l’Union Européenne serait irréversible s’ils ne l’annulaient pas quand il en était encore temps. Cette idée est plus vraie encore pour les Etats membres.



Le choix à faire dans les années qui viennent est beaucoup plus simple qu’on ne le croit. Il ne s’agit pas d’accepter et de renforcer l’intégration Européenne ou de la combattre. Il s’agit d’assister à l’effondrement de cette construction ou de la reprendre sur d’autres bases. Sans doute était il souhaitable au milieu du XX ème siècle de mettre en cause les Nations et d’en limiter les pouvoirs le poids des Nations pour en finir avec une époque tragique, c’est une concession que nous pouvons faire. Cette nécessité n’existe plus aujourd’hui, il faut en revenir à un principe éternel : les nations d’Europe ont une réalité, une langue et une Histoire liée à cette langue, l’Europe ne se fera pas contre elles. Il faut aussi convenir que face aux puissances émergentes et aux puissances aujourd’hui dominantes, les Nations Européennes sont liées par des civilisations communes et des intérêts communs qui justifient une entente plus profonde entre elles qu’avec le reste du monde. Ceux qui oublient l’une ou l’autre de ces réalités en cultivant l’Européisme ou le Nationalisme se condamnent à l’échec.



Notre devoir est donc de revisiter le traité de Rome, celui qui a créé la CEE, de proposer une nouvelle structure et d’adopter si nécessaire une nouvelle Constitution Française par le biais d’une Constituante afin notamment de donner au peuple français de consolider son indépendance dans un continent solidaire.



Dissoudre la Commission Européenne d’abord. La Commission, par son rôle même, est la clef de l’échec actuel. Il n’appartient qu’aux chefs d’Etats et de Gouvernement élus par les peuples et contrôlés par les Parlements de définir et de proposer les Directives Européennes. Faut-il que ces propositions soient effectuées à l’unanimité ou à la majorité qualifiée ? La majorité qualifiée apparaît d’imposer, l’unanimité étant la garantie contrairement à ce que pensent les souverainistes que toute Directive est irrévocable. C’est après les examens par les parlements nationaux qu’il est nécessaire que l’unanimité prévale pour l’adoption de la Directive pour une durée limitée par le Conseil, conformément et dans les limites du « Compromis de Luxembourg ».

Revoir les objectifs que l’Union se fixe. Le plein emploi et le revenu minimum sont des objectifs infiniment plus importants que la concurrence libre et non faussée. L’Union Européenne se doit de permettre les aides d’Etat aux secteurs en crise et la possibilité pour ces mêmes Etats de favoriser par leurs commandes les entreprises , notamment les PME à l’image du « Small business act » aux Etats Unis.

L’Europe doit aussi porter au nombre des ses impératifs la défense des langues Nationales Européennes, garanties de la pérennité de cultures millénaires qu’il serait criminel de condamner à l’oubli.

L’Europe doit reconnaître le droit de chacune des nations qui la composent à une Défense Nationale puisque l’un des enseignements les plus indiscutables de l’Histoire est que la Défense est Nationale ou n’est pas.

Enfin et surtout, l’Europe à construire doit abandonner l’image d’un Etat en devenir pour adopter un fonctionnement contractuel. Ceci signifie d’abord qu’aucune Directive ne doit être adoptée pour une durée supérieure à dix ans sauf à être expressément confirmée ou modifiée en fonction des résultats. Ceci signifie aussi que les pouvoirs nationaux doivent disposer du droit de suspendre pour une durée déterminée les textes issus des directives s’ils estiment qu’un intérêt national majeur est en jeu.

A partir de ces changements profonds, l’Europe peut retrouver la confiance des peuples. Des peuples et non d’un peuple Européen mythique.

Asseoir une Europe contractuelle sur la Démocratie là est le vrai rêve. Ce rêve suppose pour devenir réalité un travail de réflexion et de mise au point de longue haleine. Je n’ai la prétention que d’en aborder les principes.

Etienne Tarride