Hollandin et la lampe merveilleuse

Hollandin et la lampe merveilleuse

Vendredi 23 janvier 2015, par André Bellon

Hollandin et la lampe merveilleuse

Le Président François Hollande a assumé son rôle de chef de l’Etat face à une série d’évènements monstrueux. On ne peut que s’en féliciter. Mais que signifie cet enthousiasme soudain vis-à-vis d’un Président normal qui se comporte normalement ? Qu’est-ce à dire de la perception qu’en avaient précédemment les citoyens ?

Une esquisse de reconstitution du peuple était apparue le 11 janvier.
On peut s’interroger, évidemment, sur l’exploitation politique de l’évènement dans un contexte national et international particulièrement dangereux. On peut surtout s’étonner de l’inflexion du discours des principaux responsables. Là où, hier encore, les choses apparaissaient impossibles, soumises à des contraintes insurmontables, le ciel semble merveilleusement s’éclaircir, comme par l’intervention d’un bon génie porteur de tous les espoirs et offrant toutes les possibilités.

Quinze jours auparavant, le budget national n’admettait aucune contestation, les ministres cherchaient désespérément le sou manquant, chacun tremblait devant la grosse voix de Bruxelles qui demandait plus de rigueur. D’où viennent alors les crédits qui vont, parait-il, répondre aux besoins de l’armée et de l’éducation nationale ? Qui permet cette arrivée miraculeuse et qui va la vérifier ?

Quinze jours auparavant, la politique économique et monétaire européenne, en conformité avec les traités soutenus par tous les gouvernements de l’Union, empêchait toute politique de relance. Quel magicien permet aujourd’hui à la banque centrale de mener une action contraire, parait-il, à ses propres statuts ? Et quelle fée va contrôler cette nouvelle politique ?

Quinze jours auparavant, les enseignants étaient sommés de s’adapter à l’élève, ils sont aujourd’hui appelés à être le remède aux maux de la société. On les invite à valoriser la citoyenneté, mais on cherche parallèlement des « accommodements raisonnables avec les communautés ». Le premier ministre aurait le droit de parler d’« apartheid » dans les banlieues, mais il serait interdit d’évoquer et de lui reprocher ces propos dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Comment donc concilier ces discours contradictoires ?

Comme sous l’effet de la fameuse lampe d’Aladin, tout n’est plus qu’enchantement. S’inquiéter de la pertinence des discours et des objectifs sera-t-il fustigé au nom de l’union nationale ? L’essentiel est, dit-on, de rester rassemblés. Certes, mais autour de quoi ? La France unie, slogan mitterrandien, ne saurait-elle trouver son sens dans la seule reconnaissance de l’autorité des chefs ?

En bref, un mouvement populaire sans précèdent semble déboucher, du moins à court terme, sur les attitudes les plus révérencieuses que nous ayons connu depuis longtemps à l’égard des chefs, sans doute amplifiées par le jeu versatile, toujours réducteur et simplificateur des médias. En tout cas, si la solidarité est nécessaire dans des phases difficiles, devant des dangers réels, elle ne saurait se traduire par la révérence et la soumission. Rien ne remplace la cohésion du peuple librement décidée. A la valorisation des chefs, préférons la réaffirmation collective du peuple et de sa souveraineté politique.