REVISION DE LA CONSTITUTION ET TRAITES
Jeudi 21 mai 2015, par
Dans le cadre des débats sur la Constitution, notre ami Louis saisi fournit ci-dessous un article sur la nécessité du référendum en matière de révision constitutionnelle.
REVISION DE LA CONSTITUTION ET TRAITES
En démocratie, le pouvoir constituant originaire appartient au peuple qui l’exerce directement en adoptant la constitution initiale par la voie du référendum.
En matière de révision constitutionnelle, il doit en être de même selon la théorie démocratique précitée qui rejoint, en l’occurrence, le fameux principe du parallélisme des formes. L’on doit conserver le même auteur d’un texte qui l’a créé lorsqu’on veut l’abroger ou le modifier : c’est la reprise de la règle de la manière dont s’est exercée la compétence initiale. Mais il faut aller encore plus loin si l’on veut marquer notre attachement à la souveraineté du peuple. En effet, comme dans la Constitution du 24 juin 1793, le peuple devrait même avoir l’initiative de la révision constitutionnelle lorsqu’un nombre significatif de citoyens le décident, à charge, pour les gouvernants, de convoquer ensuite le corps électoral pour le convier à s’exprimer par référendum (1). Mais force est de constater que toutes les constitutions françaises qui se sont succédées après 1793 n’ont jamais plus reconnu au peuple son droit d’initiative en matière de révision constitutionnelle.
Ainsi, s’agissant de la modification du texte constitutionnel, l’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958 fait l’économie de l’intervention du peuple, non seulement en amont – absence de tout droit d’initiative – mais aussi souvent en aval. En effet, le Président de la République, dans la deuxième phase d’adoption d’un texte de révision de la constitution – après le vote identique obtenu dans chacune des deux chambres – peut décider discrétionnairement, s’agissant d’un projet de révision déclenché sur proposition du Premier Ministre, de soumettre le texte à la votation du Congrès réuni à Versailles qui doit l’adopter alors à la majorité qualifiée des 3/5 des suffrages exprimés.
En matière de traités, engagements ou accords internationaux, cette situation est grave car des pertes de souveraineté au profit d’organismes internationaux peuvent être consenties par la France par la voie du Congrès lorsque, après que ceux-ci aient été soumis à l’examen du Conseil constitutionnel, celui-ci déclare qu’ils comportent une ou plusieurs clauses contraires à la constitution et que leur ratification ne saurait donc être envisagée qu’après révision de la Constitution. Le choix est ainsi fait de l’effacement de la Constitution devant un Traité, c’est le second qui doit prévaloir sur la première, laquelle doit plier et être rendue conforme au Traité.
Selon cette voie, la France ratifia les 7 et 8 février 2008 le Traité de Lisbonne, après que le Congrès réuni à Versailles ait adopté la Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution (article 88-1) pour intégrer le transfert des compétences accepté par la France au profit du traité sur l’Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Ce Traité n’était en fait que la reprise, sous une autre appellation – « traité modificatif » puis enfin « traité de Lisbonne » - du Traité constitutionnel européen pourtant rejeté par le peuple français le 29 mai 2005. Malgré son appellation, le Traité de Lisbonne reprend, quant au fond, le même dispositif que le TCE rejeté en 2005, sauf que là où le TCE remplaçait tous les traités précédents par leur fusion dans un nouveau, le traité de Lisbonne conserve les traités existants mais en les modifiant très substantiellement : ainsi le traité de Rome de 1957 sur la Communauté européenne est rebaptisé « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », tandis que le Traité de Maastricht de 1992 sur l’Union européenne conserve son nom. Mais, en fait, ce sont plusieurs centaines de dispositions des traités CE et UE qui ont été modifiées avec la signature de 36 protocoles et 26 déclarations associés aux Traités. Tous les commentateurs s’accordent pour souligner la complexité rédactionnelle très élevée du Traité de Lisbonne.
Il y a donc lieu, en matière de Traités constituant des abandons de la souveraineté de notre peuple et du choix de son destin, de revenir vers le détenteur de la souveraineté dans une démocratie et donc de consulter le peuple :
– D’une part en prohibant toute révision constitutionnelle sans l’accord du peuple ;
– D’autre part en prévoyant que la ratification de tout traité rendu possible après une modification de la Constitution ne puisse être possible que par un référendum populaire.
A l’occasion de la matière concernant les traités, il sera également utile de prohiber plus généralement, quel que soit l’objet de la révision constitutionnelle, toute modification de la constitution sans le recours au peuple, à la suite de l’abus du recours à la procédure du Parlement réuni en Congrès (22 réformes constitutionnelles sur 24 ont été ainsi adoptées sans consultation du peuple).
PROPOSITIONS
Article 1er :
Tout projet ou proposition de révision de la constitution, après son adoption en termes identiques par chacune des deux assemblées, ne peut être définitivement adopté(e) que par référendum.
Article 2 :
« L’alinéa 3 de l’article 89 permettant le recours au Congrès pour modifier la constitution est abrogé. »
Article 3 :
« L’alinéa 2 de l’article 88-5 permettant le recours au Congrès pour autoriser la ratification d’un traité portant sur l’adhésion d’un Etat à l’Union européenne et aux Communautés européennes est abrogé. »
Article 4 :
L’article 54 de la Constitution est ainsi modifié :
« Tout traité ayant préalablement fait l’objet d’une déclaration de non conformité à la constitution par le Conseil constitutionnel et ayant entraîné la modification de celle-ci pour sa validité, ne pourra être ratifié qu’après une autorisation consentie par le peuple par la voie du référendum. »
Louis Saisi
Paris, le 4 mai 2015
(1) Nous n’abordons pas, dans le cadre de cet article, le problème du référendum d’initiative populaire qui appellerait des développements trop importants par rapport au sujet central qui nous occupe ici (Constitution et Traités) car il exigerait une critique de fond de la révision de l’article 11 de la Constitution découlant de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la 5ème République (réalisée, une fois de plus, par la procédure du Congrès réuni à Versailles).