Rétablir la souveraineté

Rétablir la souveraineté

Samedi 8 août 2015, par Francis Lenne, Tribune libre

"Pour changer de Constitution". Francis Lenne.

Notre souveraineté ne nous appartient plus. Elle nous a été dérobée, au fil des lois et des pseudo réformes de la Constitution de 1958. Nous subissons une Constitution vieillotte qui accorde tous les pouvoirs aux partis politiques et à leurs « élites », carriéristes de la « politique », une Constitution qui ignore tout des évolutions de la société et des possibilités que ces évolutions offrent à chacun de participer utilement, concrètement, aux progrès de la démocratie. Ses modifications n’ont fait qu’aggraver cette situation, comme nous allons le voir.

La Constitution eut ses mérites pour extraire le pays du marasme national de 1958 dans lequel les partis politiques d’alors nous avaient plongés. Mais elle fut de nouveau dévoyée par les partis, Phénix maléfiques renaissant de leurs cendres. Il nous faut donc changer de Constitution.


Le pouvoir Constituant appartient en droit au peuple, constitutionnellement souverain.

Cependant, au fil des Constitutions, ce sont les détenteurs du pouvoir qui se le sont attribué, via les partis politiques, entreprises uniquement motivées par la capture de ce pouvoir à tout prix et par le maintien de leurs "élites" à ces postes. Les prétextes qui leur ont permis de "justifier" juridiquement cette dérive sont nombreux et perfides : auto-délégation de la souveraineté à travers de soi-disant "représentants", simulacres d’accord de souveraineté accordée "au peuple" par de rares référendums dont les textes sont imposés, pseudo-expression des citoyens, pris pour des niais, se résumant à dire OUI ou NON, ou à ne pas voter, ou à voter blanc, ce qui reste inutile.

Même avec 45 millions d’électeurs potentiels, avec notre actuel régime dit "démocratique", si tous s’abstenaient, à trois près, alors deux votes OUI contre un seul NON suffiraient pour que le OUI l’emporte avec 66,66% des voix ! Et, pire, c’est le Conseil constitutionnel, juge « suprême » en matière de droit constitutionnel, composé lui-même de professionnels de la politique dont la désignation échappe au peuple, qui tente de justifier cette situation. Voir le site du Conseil constitutionnel à ce sujet. Pourtant, ces soi-disant "sages" constatent le désintérêt des électeurs pour les urnes. Mais ils se refusent évidemment à en analyser les véritables causes et à en tirer les conséquences, leur fromage est trop alléchant. Les explications oiseuses sur les dits « inconvénients techniques » sont pitoyables : les conséquences, ils l’ont bien compris, elles seraient pour eux. Et bien sûr, ils omettent aussi de parler de cette « souveraineté » accordée avec des pincettes et bafouée, comme en 2005 avec le référendum sur le traité européen, rejeté par les citoyens mais rétabli en douce par le Parlement, félonie restée impunie par le pseudo-juge constitutionnel, dit « suprême ».

Comment penser que des « modifications » à un système politique qui date de près de soixante ans, imposées à nous par ceux à qui le pouvoir appartient, permettraient de faire bénéficier chacun de nous des progrès accomplis depuis le siècle dernier. Pour s’en convaincre, il suffit de noter que nul n’accepterait plus de disposer, malgré toutes les modifications imaginables, d’un véhicule, d’un ordinateur ou d’un téléphone datant de cette époque. C’est pourtant ce que nos soi-disant « représentants », soutenus par des élites à leur solde, tentent de nous faire croire !

Qui peut encore prétendre que des modifications portées à cet instrument téléphonique d’un autre âge (1958, tout comme notre Constitution) pourrait le transformer en téléphone portable connecté de multiples façons aux réseaux mondiaux de communication ! Même un enfant peut le comprendre. On pourrait multiplier les exemples. C’est pourtant ce type de système politique archaïque, qui régit notre quotidien à chaque instant, qui nous est imposé. Nous ne devons plus nous y soumettre, nos « représentants » sont dans l’incapacité, ou plutôt dans le refus, de changer de système, tant les partis politiques sont avides de pouvoir et s’y accrochent. C’est donc à nous d’agir.

Comprenons-le, jamais les élus ne proposeront un changement de Constitution dont la rédaction serait assurée par les citoyens libres, dégagés de l’emprise mortelle des partis politiques. Il ne reste qu’une solution "pacifique" et juridiquement inattaquable : ne plus JAMAIS voter pour un candidat présenté par un parti politique, mais seulement pour des candidats libres et qui s’engagent à le rester. Mais beaucoup de citoyens ont été tant leurrés et ont tant eu le cerveau lavé par les discours lénifiants, manipulateurs, des partis politiques, que beaucoup de ceux qui votent encore pour eux ne parviennent pas à se libérer de leurs chaînes, ou se refusent à admettre qu’ils ont été floués, trompés. S’abstenir ou voter blanc ne sert toujours à rien, les partis ont encore, en 2014, fait mine de reconnaître le vote blanc, mais finalement il ont détourné le projet de loi initial pour qu’il reste inutile comme expression démocratique. Alors, faute de pouvoir constituant enfin accordé à des citoyens libres, il ne resterait plus un jour qu’à faire valoir ce droit fondamental que la Constitution nous accorde grâce à son préambule, avec l’article 2 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : le droit de résistance à l’oppression. Nous devons espérer que le peuple français ne sera pas contraint à cette extrémité.

Voici la présentation, d’époque, de notre Constitution qui eut ses mérites mais que nous subissons depuis trop longtemps. Chacun jugera du modernisme de ce texte !

Illustrons cette vétusté et cette perversité de la Constitution actuelle, qui régente notre vie, régule nos droits et contraint nos libertés par quelques exemples, mais il en existe bien d’autres : tout d’abord celui de la question prioritaire de constitutionnalité (dite QPC).

Elle est régie par l’article 61-1 de la Constitution, entré en vigueur le 1er mars 2010 : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. ». On notera tout d’abord le terme « peut », ce qui signifié que rien n’oblige le Conseil constitutionnel à étudier, ne serait-ce que par une simple lecture, la requête qui lui est soumise. Mais il y a plus grave : il faut aussi que, préalablement et pour les textes contestés, le Conseil d’État veuille bien lui transmettre.

C’est donc cette instance administrative, dont les membres sont cooptés par les personnages au pouvoir, ou une autorité judiciaire, la Cour de cassation, qui décide si ce que les détenteurs de ce pouvoir concoctent est susceptible d’être jugé ! Et ceci, de plus, sans avoir à justifier des raisons de ce refus ni à le motiver. Nous sommes bien dans le règne de l’arbitraire. Au-delà du flou, à l’évidence volontaire - faisons confiance aux rédacteurs au pouvoir -, que cet article 61-1 présente : (qu’est-ce qu’une « disposition législative », quels sont les textes concernés, les textes constitutionnels le sont-ils, etc) les textes déjà validés par le Conseil constitutionnels ne sont pas concernés si, dit la loi, la question ne présente pas un « caractère sérieux » ou s’il n’y a pas de « changement de circonstance ».

En réalité, seuls les textes votés par le Parlement sont considérés comme concernés : il s’agit des lois et lois organiques ainsi que des ordonnances ratifiées par le Parlement. Mais le Conseil d’État a décidé que « les lois autorisant la ratification d’un traité ne peuvent pas être contestées ». Exit donc la décision du peuple dit « souverain » de ne pas vouloir de ce traité européens lors du référendum de 2005. Les gens au pouvoir ont passé outre, en utilisant un subterfuge : le bon vouloir du Conseil d’État, dont ils désignent les membres !

De même, les textes constitutionnels adoptés ne peuvent pas être contestés, ni les règlements des assemblées . Ainsi, les élus se votent sans crainte les textes qui les concernent et le juge suprême se juge lui-même : le peuple peut encore passer son chemin. Tout ceci a été constaté par nombre de juristes, mais sans que rien ne soit modifié, si ce n’est pour accentuer le pouvoir du juge constitutionnel. Bien sûr, il faut pour les élus mimer que cet article de la Constitution constitue une « avancée démocratique ». Au 1er mars 2015, selon se site du Conseil constitutionnel, les citoyens avaient déposé plus de 10 000 questions prioritaires de constitutionnalité, mais seulement 2 360 ont été traitées par les instances de filtrage, et seules 465 ont finalement été soumises au Conseil constitutionnel, et ce sont en tout et pour tout 145 textes qui ont été jugées non conformes à la Constitution, soit moins de 1,5% des requêtes. Faut-il donc croire que 98,5% des citoyens sont fous ?

Non, le pouvoir se protège bien. Ce fut le cas avec la pseudo-loi sur le vote blanc, dont le projet initial prévoyait la reconnaissance comme suffrage exprimé, mais qui fut dévoyé et qui ne le reconnaît pas, malgré son titre mensonger de « loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections » ! En dépit des recours auprès du Conseil d’État, puis le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité pour atteinte au droit fondamental de vote, contre une loi qui refuse l’expression reconnue d’un suffrage pourtant légitime, le Conseil d’État n’a même pas daigné transmettre ce recours au Conseil constitutionnel. Le refus, par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, de saisir le Conseil constitutionnel n’est susceptible d’aucun recours. Peuple de France, passez votre chemin !

Enfin, l’article 11, nouvelle version, qui devait donner aux citoyens la possibilité de demander un référendum, non seulement n’est pas applicable à la révision de la Constitution mais, de plus, il est si alambiqué et lourd dans sa mise en œuvre que les plus éminents juristes s’accordent pour le considérer comme impossible à mettre en pratique ! Là encore, les partis politiques et leurs élus ont placé d’infranchissables barrières pour se protéger de l’expression démocratique des citoyens. De même, les procédures de révision constitutionnelles prévues à l’article 89 sont dévoyées. Cet article prévoit en effet une « procédure normale », le recours au référendum, et une « procédure abrégée », qui permet au Congrès du Parlement d’adopter la loi constitutionnelle. En réalité, c’est la procédure abrégée qui a été imposée par les gens au pouvoir. Ainsi, la révision de 2008, pourtant très importante, n’a pas fait l’objet d’un référendum. Il n’y a plus de « procédure normale » pour interroger la peuple français sur ses aspirations. Peuple de France, passez votre chemin !

Eh bien non, non ne le passerons pas.