Cercle de Guéret - Contrôle et révocabilité des constituants

Cercle de Guéret - Contrôle et révocabilité des constituants

Mardi 11 août 2015, par Cercle de Guéret (Creuse)

Le 29 novembre 2011, pour la préparation de la réunion publique à Romainville [1], le Cercle de Guéret avait déjà évoqué l’objet de cet article [2] avec le passage suivant :

« - les constituants, comme n’importe quel mandataire, doivent être révocables en cours de mandat.

Sur ce dernier point, quelques précisions…

Initialement, le constituant doit se tenir à ses engagements pris lors de la campagne électorale devant les électeurs. Mais, bien entendu, la Constituante doit être un lieu de débat permettant à certains de ses membres de mettre en lumière des idées insuffisamment mises en avant – voire pas du tout – jusqu’ici, ce qui obligera des mandataires à revoir certaines de leurs positions. Régulièrement, ces derniers devront se représenter devant les citoyenn(ne)s pour faire valider leurs prises de positions lors des délibérations.

Les citoyen(ne)s auront connaissance des débats de la Constituante. Parmi ces dernier(e)s, certain(e)s changeront d’avis sur des questions essentielles. Il faut donc leur donner la possibilité d’exprimer leur nouvelle perception des choses et permettre un basculement de majorité lors du processus constituant.

Les mandataires/constituants doivent être sous le contrôle des citoyen(ne)s du début jusqu’à la fin du processus constituant. »

L’article de l’historienne Florence GAUTHIER, « La Convention, nouvelle assemblée constituante, 22 septembre 1792 - 22 août 1795 », publié sur ce site nous donne une illustration historique du contrôle des citoyen(ne)s sur les constituants :

« En France, cet échec belliciste provoqua la censure des citoyens contre les 22 députés girondins, qui furent “rappelés pour avoir perdu la confiance des électeurs”, lors de la Révolution des 31 mai - 2 juin 1793.

Il s’agissait d’une application remarquable de cette institution précieuse du commis de confiance [3], qui, lorsqu’il a précisément perdu cette confiance, est destitué ! C’est ce qui arriva à ces 22 députés girondins et aux ministres de ce même parti, qui furent assignés à résidence avec interdiction de se représenter aux élections.

Notons que les historiens qui ignorent l’institution, fort ancienne, du commis de confiance interprètent cet épisode comme ils le peuvent, mais ne cherchant guère du côté des institutions de la souveraineté populaire, mais plutôt du côté des “coups de force”, la Révolution des 31 mai - 2 juin 1793, au lieu d’être comprise comme l’expression même de la conscience des citoyens, sombre dans le “coup d’État” !

On aura compris que la Convention, élue en septembre 1792, se maintenait et qu’elle avait remplacé les 22 députés qui avaient “perdu la confiance des électeurs”. Elle était toujours constituante et ce fut le parti de la Montagne qui forma le gouvernement. »

2 Messages

  • Cercle de Guéret - Contrôle et révocabilité des constituants

    Le 16 septembre 2015 à 19:28 par Francis Lenne

    Le coup du "commis de confiance" (c’est semble-t-il ainsi qu’il faut nommer maintenant certains coups d’État, coups de force ou une insurrections selon cet article).
    Les historiens, à l’exception de l’auteure, sont de bien piètres sémanticiens pour avoir ignoré selon elle cette institution remarquable en décrivant les épisodes de la Révolution. On y découvre également que "Le premier acte de la Convention montagnarde fut d’achever immédiatement la Constitution qui fut votée le 24 juin 1793 : la Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen, que la Gironde avait tenté de supprimer, fut rétablie, ainsi que la souveraineté nationale." Bigre. Ces Girondins, ces pelés, ces galeux, méritaient donc bien la guillotine. Exit Condorcet, qui en fit partie, et qui fut l’un des inspirateurs de la Déclaration. Certes il en critiqua la version finale pour son côté patriarcal, mais ce fut lui qui défendit le mieux la cause des femmes en montrant que la seule attitude rationnelle était de donner aux femmes l’égalité des droits pleine et entière, parmi bien d’autres progrès de l’esprit humain. Condorcet fut cependant conduit à la mort par ces "Jacobins Montagnards" bardés de vertus, après que le Montagnard François Chabot ait fait voter par la Convention le 8 juillet 1793 un décret d’arrestation contre lui.
    L’auteure affirme ailleurs que "La Montagne mena une politique démocratique et sociale : en une année, cette politique républicaine a supprimé la féodalité en France en opérant une réforme agraire en faveur des paysans, y compris pauvres et sans terre"
    En réalité, les Montagnards mirent une certaine ardeur à combattre l’idée de la "loi agraire". C’est Danton qui, le 21 septembre 1792, fit décréter le maintien des propriétés. C’est Barère qui, le 18 mars 1793, fit décréter la peine de mort contre les partisans de la loi agraire. La loi du 10 juin 1793 autorisa certes le partage gratuit des biens communaux par tête d’habitant. Ce morcellement permit à un certain nombre de privilégiés de devenir propriétaires, mais Albert Soboul, dans "la 1re République" (p. 130), nous dit que le plus grand nombre ne tira pas profit de cette législation.
    On comprend mal (ou trop bien, dogmatisme, quand tu nous tiens) cet acharnement à accorder aux Montagnards toutes les vertus, vertus qui, sous notre regard du XXIe siècle, ne peuvent être accordées à aucun des mouvements révolutionnaires (Girondins compris) qui conduisirent à l’assassinat des Girondins puis à la Terreur. Respectons au moins leurs actions les plus remarquables pour la défense des libertés et des droits dont nous bénéficions aujourd’hui et qu’à nouveau, les partis menacent. Ils n’ont plus l’excuse de la nouveauté révolutionnaire mais les dogmatismes idéologiques, en prennent pour prétexte l’histoire, présentent les mêmes dangers que ceux auxquels succombèrent les révolutionnaires d’alors. Nous n’aurons plus les mêmes excuses.
    Revenons au 2 juin 1793. Ce jour là, 80 000 Parisiens « en colère » assiègent l’assemblée de la Convention. Il s’agit essentiellement de gardes nationaux en armes et des sections parisiennes de sans-culottes manipulées par Marat, qui a préparé cette insurrection. Il a le soutien des Montagnards, de la Commune de Paris et du club des Jacobins, ainsi que de bourgeois enrichis par la vente des biens nationaux. Les assiégeants réclament la destitution et l’arrestation des députés girondins (ainsi nommés par Lamartine car plusieurs sont originaires du département de la Gironde ; groupés autour de Brissot et Vergniaud, il sont alors connus sous le nom de Brissotins).
    Ce coup d’État (pardon de coup du commis de confiance) du 2 juin 1793 est l’expression d’une volonté : celle de Robespierre.
    Les Girondins, adeptes d’un pouvoir décentralisé, estimaient que la Révolution ne pouvait être assurée que si elle prenait une attitude ferme face aux différents monarques européens. Ils les somment donc de disperser les émigrés. En cas de refus, ils préconisent la guerre. Le 25 mars 1792, l’ultimatum remis par la France à François II pour faire disperser les rassemblements d’émigrés en Rhénanie est repoussé. La guerre est inévitable et la politique des Girondins arrive à sa conclusion. Allant dans le sens de Brissot, l’Assemblée dans sa presque totalité vote la guerre le 20 avril 1792. Une dizaine seulement des sept cent cinquante députés refuse. La guerre est déclarée à l’empereur du Saint-Empire romain germanique et à la Prusse, alliée de l’Autriche. Cette guerre dans laquelle toutes les nations d’Europe furent entraînées allait durer vingt-trois ans. Pourtant les Girondins avaient envisagé d’arrêter le cours de la Révolution après la victoire de Valmy du 20 septembre 1792 et, grâce à ce succès sur les Prussiens et avec l’instauration de la République proclamée deux jours plus tard, ils espéraient que le conflit se terminerait, évitant que le pays, déjà très affaibli, ne sombre dans le chaos.
    Les Girondins, majoritaires au gouvernement, sont cependant acculés par les groupes de pression parisiens et restent impuissants à mobiliser leurs propres partisans dont la plupart sont en province. Les événements se précipitent entre le 1er et le 15 avril 1793. Le 3 avril, Robespierre demande devant la Convention la mise en accusation des "complices du général Dumouriez", déclaré traître à la patrie à la suite de la proposition d’appel au peuple, « et notamment Brissot », attaque réitérée le 10 avril : l’incorruptible prépare dès cet instant son "coup du commis de confiance".
    Le 5 avril, le Club des Jacobins, présidé par Marat, adresse aux sociétés affiliées une circulaire les invitant à demander la destitution des députés ayant voté en faveur de l’appel au peuple lors du procès de Louis XVI : c’est la première phase du « coup du commis de confiance » robespierriste. En réaction, le 13 avril, la Convention vote à un très large majorité la mise en accusation de Marat, ce Montagnard qui sait parfaitement manœuvrer les sans-culottes des sections parisiennes, par 226 voix contre 93 et 47 abstentions. Toutefois, le tribunal révolutionnaire (que Marat avait fondé !) l’acquitte, sans surprise, le 24 avril. Maladresse girondine.
    Le 15 avril, 35 des 48 sections révolutionnaires de Paris présentent à la Convention une pétition réclamant le retrait de 22 députés girondins : deuxième phase du « coup du commis de confiance ». Les Montagnards, s’appuyant sur cette pétition "spontanée", tentent alors, le 31 mai 1793, d’organiser une insurrection populaire autour de l’Assemblée pour abattre leurs rivaux Girondins. Robespierre, leur chef, engage ce conflit sous le prétexte de craindre qu’une interruption du processus révolutionnaire risquerait d’entraîner une restauration la monarchie. L’objectif de Robespierre est simple : prendre le pouvoir ; la troisième phase « coup du commis de confiance » est engagée.
    L’insurrection du 31 mai n’aboutit qu’à la suppression de la Commission des Douze. Les Girondins, au pouvoir, avaient mis sur pied à la Convention cette Commission des Douze chargée d’enquêter sur les pétitions allant contre eux-mêmes qui circulent dans les sections parisiennes de sans-culottes.
    Le 2 juin, une nouvelle insurrection soigneusement préparée par Marat s’appuie sur les sections parisiennes de sans-culottes et sur la garde nationale qui encerclent l’assemblée : fin de la troisième phase du « coup du commis de confiance ». Les députés sortent pour adjurer les manifestants de rentrer dans leurs sections, mais le sans-culotte Hanriot, à la tête de la garde nationale, menace de faire tirer les canonniers sur eux : coup de force militaire (pardon, coup du commis de confiance) nécessairement commandité. Les élus menacés reprennent place dans les travées de l’assemblée et votent sous la contrainte la mise en état d’arrestation de vingt-neuf des leurs comme l’exige les insurgés. Les Girondins sont arrêtés et retenus à leur domicile, puis s’enfuient et tentent de faire réagir les provinces contre ce coup d’État (pardon, ce coup du commis de confiance). Ils n’en auront pas le temps, la plupart seront rattrapés et guillotinés. Le "coup de commis de confiance" a atteint son objectif : les rivaux de Robespierre sont éliminés, la place est libre.
    Les Montagnards ont alors les mains libres et ce sera pendant 13 mois la Terreur, puis la Grande Terreur, sous la dictature du Comité de Salut public, avec un gouvernement de onze membres dirigé par Maximilien de Robespierre. "Aucun de nous n’a vu alors les faits, les accidents, très affligeants sans doute, que l’on nous reproche ! Nous avions les regards portés trop haut pour voir que nous marchions sur un sol couvert de sang" avouait le Montagnard Billaud-Varennes. L’Être Suprême reconnaîtra les siens. Reconnaissons que Robespierre a pu perdre le contrôle d’une répression qu’il déclencha mais dont les crimes lui furent odieux.
    Si nous parvenons à faire mettre en place une Assemblée constituante formée de citoyens libres (en particulier libres de penser par eux-mêmes sans la tutelle des partis), espérons qu’elle n’aura nul besoin d’un Montagnard désintéressé et incorruptible, flanqué d’un Marat et de sa garde républicaine, pour la remettre dans le droit chemin, en lui refaisant le coup du commis de confiance.

  • Cercle de Guéret - Contrôle et révocabilité des constituants

    Le 3 février 2016 à 22:21 par Cercle de Guéret

    @Francis Lenne

    Quand une personne écrit un "commentaire" à prétention historique, il faut faire preuve de la plus grande humilité. Surtout si cette personne n’a pas le titre d’historien et n’est pas un spécialiste de la période évoquée dans le commentaire, ce qui semble être votre cas (Brevet d’études militaires supérieures. Diplôme d’état-major. Cours de l’Ecole supérieure de guerre aérienne. Diplôme d’études approfondies de techniques spatiales (1992). Fonction : Général de brigade aérienne).
    Comme il est toujours souhaitable de citer ces sources, ce qui est le contraire de votre pratique.
    Nous attendons avec impatience votre prochain "commentaire" pour le dernier article de F.G. publié samedi dernier (Révolution française : souveraineté populaire et commis de confiance : http://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article1170)
    Nous laissons aux membres de l’APUC et aux citoyens le soin de se faire leur propre opinion sur les travaux et les écrits de l’historienne Florence Gauthier : http://www.lecanardrépublicain.net/spip.php?auteur4

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