De la réalité de la pensée européenne

De la réalité de la pensée européenne

Samedi 9 janvier 2016, par André Bellon

On se demande souvent ce que fait l’Europe devant ce que ses responsables appellent bizarrement "le déficit de démocratie".

Nous avons sélectionné, dans un fascicule intitulé "Le processus constitutionnel, instrument pour la transition démocratique" et émanant du Conseil de l’Europe. Cet organisme est, en quelque sorte, la fabrique idéologique de la construction européenne. Lors d’un colloque organisé en octobre 1992 par le Conseil de l’Europe, le professeur Miguel Herrero de Minon, membre du parlement d’Espagne, a déclaré ce qui suit :

Un comité d’experts pourra préparer le texte de la constitution sans perte de temps et en toute connaissance des critères techniques, et, une fois approuvé par référendum, le texte acquerra sa légitimité démocratique. Il va de soi que la campagne référendaire devra être bien préparée et reposer sur l’accord de tous les partis politiques sans lequel le consensus populaire ne pourra être obtenu. Néanmoins, si l’on adopte cette démarche, on court le risque d’exclure certaines forces politiques et sociales et de mettre en échec la fonction d’intégration de la Constitution.

En revanche, l’élaboration d’une constitution par une Assemblée constituante a le mérite de dégager un consensus entre toutes les forces politiques, consensus qui sera éventuellement consacré par un référendum, mais cette formule comporte trois risques :

1. garantir un consensus chimérique au dépens de la précision technique (engagements apocryphes) et même de la déontologie politique (inflation démagogique) ;

2. créer des clivages entre les forces politiques (comme en Espagne en 1931 ou au Portugal en 1975) ; ou

3. produire un texte qui sera ensuite rejeté par le pays lors du référendum (comme en France en 1946).

Par conséquent le système le plus approprié, pour élaborer un texte constitutionnel, serait de nommer, dans un premier temps, un comité d’experts, chacun d’entre eux bénéficiant de la confiance de la grande majorité des forces politiques. Les experts seraient, si nécessaire, en droit de consulter des conseillers étrangers. Le travail des experts serait suivi d’un débat à l’Assemblée constituante sur I’ensemble du texte. Toutefois, il est à noter que tout amendement détaillé du texte pourrait avoir des conséquences imprévisibles et réduire à néant le travail du comité. Enfin, une fois approuvé, Ie texte serait soumis à un référendum populaire, à I‘occasion duquel tous les partis politiques s’engageraient en faveur du « oui ».

Ce texte est particulièrement révélateur d’un pensée qui n’a cessé de se répandre depuis et qui allie le rôle des "experts" à la recherche d’un consensus. Le peuple, dans cette vision du débat, a, au mieux, le droit de donner son aval final.

Nous reproduisons, par ailleurs, en pièces jointes la couverture du fascicule et la photo de texte.

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