Vote Blanc : l'exigence démocratique

Vote Blanc : l’exigence démocratique

Vendredi 25 mars 2016, par Stephane Guyot

Vote Blanc : l’exigence démocratique

87% des Français considèrent que les responsables politiques ne se préoccupent pas, ou peu, des gens comme eux. Et vous ?

41% des Français ne veulent voter ni pour Hollande, ni pour Sarkozy. Et vous ?

L’acte électoral est devenu en France comme dans l’ensemble des démocraties occidentales une pratique ordinaire. On a tendance à le banaliser et ne plus y faire attention, tant il parait acquis et évident. Or, l’acte de vote n’a rien d’anodin. A travers lui, les citoyens ont le sentiment de participer à la vie de la cité et de donner un avis qui sera évidemment pris en compte. Quand une dictature accède enfin à la liberté, la première mesure de ce progrès est la tenue d’élections non truquées qui permette à tous de s’exprimer librement. Le vote devenant le symbole d’une démocratie vivante et respectueuse de tous.

Mais au-delà de la symbolique, le vote est considéré comme un acte d’appartenance à la Nation. C’est un des rares rites d’intégration à la société laïque qui réponde au besoin d’identification à la collectivité.

En effet, si depuis 1875 le vote est organisé le même jour, un dimanche, sur l’ensemble du territoire, ce n’est pas seulement pour des raisons pratiques. Faire voter tous les français le même jour, un jour chômé, c’est leur faire prendre conscience que parce qu’ils vont faire le même jour le même acte, ils font partie de la même communauté.

Le jour de l’élection, le cérémonial du bureau de vote et son ambiance de kermesse créent le théâtre d’une volonté populaire qui s’exprime. L’imagerie révolutionnaire du peuple qui détient une part du pouvoir est toujours présente dans notre inconscient collectif. L’espace d’une journée, elle alimente le sentiment que l’ordre hiérarchique peut être renversé. C’est l’héritage de notre culture où le vote est l’acte unique et hautement symbolique, de légitimation de la République. La participation des citoyens en est la condition de sa pérennité.

Cependant, le pouvoir politique ne reconnaît plus la dimension symbolique de l’acte électoral et le réduit facilement à un acte purement comptable. Dès lors, entre une classe politique qui s’intéresse davantage aux moyens de son élection, voire de sa réélection, et des citoyens qui revendiquent une liberté de pensée et d’expression, ceux-ci ont-ils réellement les moyens de manifester leur opinion dans la mesure où elle ne vient pas uniquement cautionner des propositions qu’ils jugent inadaptées ? Est-il même possible d’exprimer démocratiquement une quelconque forme de désaccord sans prendre le risque d’alimenter par défaut une candidature toute aussi inadaptée que les autres ?

Dans un système où le pouvoir politique est élu par décision du peuple, la véritable question qui se pose est de comprendre si le citoyen vote par adhésion pour un candidat ou par simple rejet d’un autre. Or, il faut bien l’admettre, le vote par rejet est devenu une pratique majoritaire chez les électeurs. L’élection présidentielle de 2012 aura été l’illustration parfaite de cette problématique de fond. Nombre de commentateurs s’accordent à dire que les électeurs ont majoritairement voté CONTRE le président sortant et non pas POUR François Hollande.

Déjà, en 2002, la forte contestation à gauche élimine Lionel Jospin et propulse le Front National au second tour de l’élection Présidentielle face à un Chirac qui l’emportera avec un score de Corée du Nord. C’était le fameux « 21 avril ». Aucune leçon n’a été tiré de ce premier coup de semonce.

Les récentes élections Régionales ont également prouvé les limites d’un système où le vote ‘’Contre’’ aura été érigé en véritable mot d’ordre, devenant parfois même le seul projet politique des candidats du second tour. Dans un tel système, et quelque soit le vainqueur du scrutin, les électeurs français en sont toujours les grands perdants car, dans une très large majorité, ils ne font que voter par défaut, contre quelque chose, au lieu de voter pour une offre qui les enthousiasmerait.

Ils sont ainsi des millions le 13 décembre dernier à avoir voté contre : contre la gauche, contre la droite, contre le FN, contre le système...mais finalement, ils n’ont voté pour personne.

Quelle peut être la valeur d’une démocratie où les citoyens ne votent plus pour leurs représentants mais utilisent leur droit de vote uniquement pour sanctionner les élus en place ? Ne serait-il pas plus sain, plus juste, de permettre aux électeurs d’exprimer leur choix librement par adhésion en leur offrant la possibilité, s’ils le jugent utile, de refuser ces choix ?

Cette option indispensable et volontairement oubliée de notre système électoral existe pourtant : le vote blanc.

Le vote blanc apporte en effet un regard nouveau sur nos pratiques. Son message est clair et sans ambiguïté : ‘’Aucun des choix proposés ne me convient’’. En d’autres termes, ‘’je veux participer, je veux voter, mais je refuse de cautionner l’un ou l’autre des candidats en présence’’.

Ce mode d’expression vient directement bouleverser les pratiques habituelles selon lesquelles l’électeur se résigne souvent à voter pour ‘’le moins pire’’ des candidats. Il induit en outre une dimension totalement révolutionnaire en politique en portant la potentialité qu’aucun candidat ne soit élu. Ce simple bout de papier, blanc et sans la moindre inscription, recèle ainsi un pouvoir bien plus puissant que celui de l’élection : le pouvoir d’invalidation.

On comprend aisément que face à l’éventualité d’un tel scénario catastrophe, nos parlementaires n’aient toujours pas légiféré en faveur de la reconnaissance du vote blanc. Imaginez-vous quelqu’un scier la branche sur laquelle il est confortablement assis ?

Ceci explique en grande partie la frilosité du législateur et la loi du 21 février 2014 relative au vote blanc. Une fausse loi, sans conséquence, qui continue à ignorer les bulletins blancs du décompte des résultats et trouve tout son sens dans la citation de Staline, grand démocrate dans l’âme. Nos parlementaires se reconnaitront...

Mais la démocratie implique une liberté d’expression qui elle-même passe par le droit au mécontentement. Car ne pas être d’accord est un avis à part entière qui doit être pris en compte au même titre que les votes de validation.

Le vote blanc représente à la fois la manifestation d’une insatisfaction raisonnable et la possibilité de sortir d’un choix étriqué, imposé. Il ne s’agit pas de supprimer les formations politiques mais de les obliger à être conscientes de la réalité de l’électorat. Quand le vote blanc n’est pas pris en compte, les états-majors politiques imposent et les électeurs subissent ; quand le vote blanc est pris en compte, les politiques proposent et les électeurs choisissent. Ainsi, en permettant que le vote blanc s’exprime librement et à égalité avec les autres choix électoraux, le politique ouvre la voix au dialogue entre l’électeur et l’élu.

De son coté, l’électeur qui marque son désaccord en votant ‘’blanc’’ ne rejette pas les partis politiques, il en exige de la qualité.

Il refuse ainsi d’entretenir la tradition républicaine du ‘’voter pour le moins pire’’ et impose un nouveau concept démocratique, celui du citoyen exigeant.

Stephane Guyot