REFLEXION SUR PROUDHON, LA LIBERTE ET LE DROIT D'AUTEUR

REFLEXION SUR PROUDHON, LA LIBERTE ET LE DROIT D’AUTEUR

Lundi 11 avril 2016, par Alain Souloumiac, Tribune libre

"La propriété, c’est le vol !" a affirmé Proudhon.

Avant lui Rousseau avait déjà déclaré : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, que de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne. »

Ces idées font encore partie des stéréotypes sous lesquels nous vivons. Il a été répété que Proudhon aurait dit cela. Et non seulement on l’a cru, mais on en a été habité et cela a formaté nos esprits. Cela est devenu un des grands poncifs du socialisme et du "Programme Commun" : le malheur de l’homme vient du droit de propriété.

En fait, ce n’est pas exactement ce que pensait Proudhon, particulièrement sur la fin de sa vie. Il considérait certes que la grande propriété immobilière, fondée sur la force, les seigneuries et l’héritage bloquait le progrès humain. Il visait sans doute les 1% qui aujourd’hui encore détiennent la richesse du monde. Ces 1% ont pris le contrôle des appareils d’État, dans presque tous les pays.

Anarchiste, un peu Brassens, il n’aimait guère toutes les limites que l’ordre public avançait, ici ou là, voire partout, pour entraver la liberté.

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Proudhon a certes prononcé cette phrase. Mais, généralisé, le propos est sorti de son contexte. "La propriété, c’est le vol", repris par Staline a conduit à un des totalitarismes les plus terribles de l’histoire humaine.

Nos erreurs d’interprétation sont sans doute la cause d’une grande part des maux qui nous assaillent aujourd’hui. La liberté est de plus en plus menacée. La presse est extraordinairement soumise. Nos conversations sont écoutées. Nos biens appartiennent au crédit. Nos créations sont pillées. On déménage nos entreprises. On nous jette à la rue. Nous fonçons vers des temps où nous ne voulons pas aller.
Proudhon a également affirmé : « La propriété, c’est la liberté ». Les révolutionnaires de 1789 avaient bien compris que c’était la propriété qui distinguait l’esclave et le citoyen ; c’était ce que Locke avait rattaché à l’habeas corpus (autre appellation trompeuse) : la propriété de son corps, de sa pensée, de son travail laborieux et de son travail créateur.

L’homme est libre et citoyen parce qu’il est propriétaire de son travail.

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Avec une grande idée de la propriété, au moment où Rousseau dénonçait le mouvement des enclosures, Beaumarchais bâtissait le caractère sacré du droit d’auteur. C’est ce droit dont l’Unesco a célébré la journée internationale le 23 mars dernier.

Avant même l’apparition de la Déclaration de 1948, c’est grâce au droit d’auteur que Victor Hugo a fondé le premier droit universel des êtres humains (Convention de Berne 1886). A la même époque, l’idée que la liberté de la presse est sans limite prend souche. Les intellectuels engagés apparaissent. Zolla écrit : « J’accuse ».
Selon Camus, l’intellectuel n’est plus obligé de se maintenir au service de ceux qui font l’histoire, il peut devenir « au service de ceux qui la subissent ». La liberté libre a un sens. Je suis Charlie. Indigné. Podemos. Debout !

C’est sur ces bases, avec la liberté, l’égalité et la fraternité, qu’on peut reconstruire autre chose, un avenir où les êtres humains se retrouvent.

A condition de cartographier le XXIe siècle, et non plus le XIXe ou le XXe.

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