Goodyear : une libre opinion

Goodyear : une libre opinion

Dimanche 14 février 2016, par Etienne Tarride, Tribune libre

Des syndicalistes de la société Goodyear ont été condamnés à des peines de prison ferme pour avoir « séquestré » des cadres de l’entreprise pendant une durée de trente heures.

Cette décision sévère au regard de la Jurisprudence habituelle en matière de conflits sociaux étonne et scandalise nombre de gens.

A l’inverse , des commentateurs font valoir que la séquestration est un délit grave qui doit être fermement réprimé

Ils ont raison les uns et les autres.

La séquestration est un délit grave, réprimé par cinq ans d’emprisonnement maximum selon l’article 224-1 du Code pénal, voire de vingt ans de réclusion criminelle si elle dure plus de 7 Jours ( 224-2). Mais en l’espèce il ne s’agissait pas d’une séquestration. Les 2 cadres de Goodyear n’étaient nullement retenus dans un lieu secret et empêchés de communiquer vers l’extérieur notamment pour prévenir leurs proches. Ils étaient retenus dans une salle de l’entreprise au vu et au su de la France entière réunie autour des postes de radio ou de télévision. Il était inimaginable, dans ces conditions qu’ils soient maltraités ou même que leur retenue s’éternise. Leur situation, en bref, n’avait rien à voir avec l’esprit du délit de l’article 224.

Les luttes sociales ne justifient pas tout, c’est vrai. Elles peuvent néanmoins expliquer bien des choses. Il est infiniment regrettable que le parquet n’en n’ait pas tenu compte. Le parquet dispose de « l’opportunité des poursuites » ce qui signifie qu’il peut, s’il est saisi d’une infraction, décider de ne pas poursuivre. C’est ce qui s’imposait en l’espèce, en constatant que les faits reprochés ne constituaient pas, à proprement parler une séquestration.

Les salariés de Goodyear, mais aussi les cadres qui ont, rappelons le, refusé de porter plainte, sont victimes d’un de ces abus de langage que nous commençons à entendre trop souvent. Non, les usagers des transports ne sont pas « pris en otage » par des grévistes ». Non les automobilistes ne le sont pas plus par des camionneurs qui organisent des barrages. Non, les touristes ne sont pas « exécutés » par des terroristes. Ils sont assassinés.

Les mots tuent quelquefois. Ils peuvent aussi emprisonner, nous en avons la preuve.

Quand j’avais dix ans, et que je cassais un verre ou une assiette, mes parents me consignaient dans ma chambre. A douze ans c’était le professeur qui me faisait passer des jeudis entiers en colle, à vingt ans l’adjudant qui m’ordonnait de rester huit jours au « petit château ». Je n’étais pas pris en otage pour autant.

Etienne Tarride

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