Suite aux manifestations et aux violences du 1er mai
Jeudi 3 mai 2018, par ,
Les deux articles d’André Bellon et de Pascal Geiger qui suivent sont des réactions convergentes après les évènements du 1er mai. Il importe de réfléchir et de réagir après ce qui pourrait bien conduire à des dérapages graves.
Voir aussi ces textes sur http://www.lienenpaysdoc.com/evenements/886-d%C3%A9veloppement-de-la-dette-ou-d%C3%A9veloppement-d-un-r%C3%A9seau-social-%C3%A9cologique-et-%C3%A9conomique.html#.Wu1DrpcuBqM
Une fois de plus, suite aux évènements qui ont émaillé le défilé du 1er mai, la violence est à l’ordre du jour.
Une fois de plus, le débat nécessaire sur la violence est escamoté par une opposition caricaturale entre ceux qui la justifient sans réfléchir à ses conséquences et ceux qui la condamnent à bon compte sans s’interroger sur ses causes.
Que la société qui nous est imposée soit en elle-même une violence est un fait malheureusement indéniable. Fondée sur le profit et la concurrence dont chacun souhaite être bénéficiaire, l’explosion des inégalités sociales générée par la mondialisation n’est que violence faite aux citoyens et à ceux qui vivent de leur travail.
Mais expliquer n’est jamais justifier. Les violences qui se sont manifestées le 1er mai visaient les syndicats ouvriers, et n’apparaissent que comme l’expression de la violence pour la violence.
Au-delà des récupérations évidentes par le pouvoir en place, elles ne peuvent être perçues que comme une tentative pour imposer par la force un pouvoir minoritaire.
Dans ce cadre, on oublie la violence principale : celle qui est faite à la souveraineté populaire pourtant rappelé par la Constitution. Elle s’est exprimée avec la plus grande brutalité en bafouant la volonté des peuples français et néerlandais exprimés en 2005 lors des référendums contre le Traité Constitutionnel européen, ce qui renforce une construction européenne antidémocratique. Elle s’est manifestée plus insidieusement à l’élection présidentielle en donnant un pouvoir sans contrôle à un Président qui n’a recueilli que 18% des votes des inscrits au premier tour.
La lutte pour la réappropriation de la démocratie par les citoyens doit être la réponse à la violence sans frein d’un pouvoir sans limites.
La violence des Black Blocs, lors du défilé du 1er mai, comme l’attentisme des forces de l’ordre et l’hésitation de leur hiérarchie à la contenir ont profondément choqué la plupart de nos concitoyens.
Ces événements vont sans aucun doute alimenter la polémique entre ceux qui veulent règlementer drastiquement le droit de manifester et ceux qui pensent que ce droit fait partie de notre bloc de constitutionnalité.
En vérité et même si les services de l’Etat considèrent ce droit comme un droit fondamental, il n’est pas explicitement inscrit dans notre Constitution. Il fait simplement l’objet de lois ordinaires qui évoluent au gré des humeurs du pouvoir en place.
Mais, il n’en reste, cependant, pas moins indispensable à la liberté d’expression et un moyen de pression à l’égard dudit pouvoir politique. En ce sens, il fait partie des instruments à la disposition du citoyen pour affirmer l’exercice de sa souveraineté.
Personnellement, tout en condamnant ces violences qui touchent plus dans leur chair les « citoyens ordinaires » que les organisations et les institutions auxquelles elles s’adressent, je les perçois comme des éruptions cutanées, symptômes parmi d’autres d’une maladie qui ronge la démocratie et dont la caractéristique principale consiste à soustraire au peuple l’exercice de la souveraineté dont il est naturellement le dépositaire.
Car, que l’on ne s’y méprenne, les Black Blocs, originaires de différents pays européens, sont avant tout issus de mouvances libertaires et anarchistes dont l’idéal est de porter la souveraineté au niveau de l’individu et non à celui du peuple. Et en cela, ils rejoignent paradoxalement l’idéologie de ceux qu’ils combattent et qui représentent le grand capital.
L’abandon par le corps politique, au profit du lobbying économique, de la conduite de la Nation ; l’incapacité de certains corps intermédiaires telles que les organisations syndicales à établir un réel contre-pouvoir social à l’hégémonie néolibérale ; le transfert insidieux du champ d’intervention du corps associatif aux afficionados du secteur marchand sont d’autres réactions inflammatoires agressant notre démocratie. Elles attaquent notre système immunitaire, notre bien commun, notre République.
Notre démocratie souffre de pléonéxie (la volonté de quelques-uns à vouloir plus que leur part) et de chrématistique (la volonté de certains voire des mêmes à s’enrichir pour s’enrichir), alimentant ainsi les deux principales sources de violence : l’enracinement à un haut niveau d’un chômage de longue durée et l’augmentation de la pauvreté et du nombre de travailleurs pauvres.
On s’affole et on s’insurge contre cette violence produite lors des manifestations du 1er mai, à juste titre, car il est à craindre que demain chaque manifestation soit entachée de tels débordements.
Mais on évite de voir cette autre violence plus sourde faite à nos concitoyens, celle consistant à les déposséder de leur droit souverain pour satisfaire la volonté d’un « quarteron de technocrates bruxellois » dont l’unique ambition est d’instaurer une souveraineté européenne au détriment des souverainetés nationales.
Une souveraineté européenne - non représentative d’un imaginaire peuple européen compact et homogène (façonné à partir de ses fameuses bases chrétiennes tant évoquées) mais - encadrant l’ensemble de ces souverainetés individuelles que tente de forger la pensée néolibérale telle que l’imaginait F. Hayek (faire du travailleur un individu isolé face à l’employeur et du citoyen un simple gameur désintéressé de toute ambition collective).
La prochaine réforme constitutionnelle qui sera présentée, le 9 mai, au conseil des ministres ne va pas freiner cette dynamique. Loin s’en faut.
Il est urgent que nos concitoyens se mobilisent pour exiger l’élection d’une Assemblée Constituante, seul remède efficace contre cette maladie néolibérale qui sape les fondements de la souveraineté populaire.