France Telecom, pouvait-on prévenir la crise sociale ?

France Telecom, pouvait-on prévenir la crise sociale ?

Lundi 2 juillet 2018, par Michel Dana, Tribune libre

On se souvient de la déclaration scandaleuse de Didier Lombard, alors PDG de France Télécom, parlant de "mode du suicide" après la vague de décès dans l’entreprise dont il était responsable. Au moment où va s’ouvrir le procès des dirigeants de cette entreprise, la tribune ci-dessous de Michel Dana est particulièrement opportune.

Le renvoi devant la justice après 10 ans d’enquête de sept anciens dirigeants du groupe France Télécom remet sous les feux des projecteurs une période douloureuse pour l’entreprise et pour l’ensemble de son corps social.

Au-delà du débat sur la culpabilité de ces personnes, il convient de s’interroger sur les circonstances qui ont permis à de tels drames de se produire sans que personne ne les voit arriver avant qu’il ne soit trop tard.

France Telecom est en effet l’archétype du basculement du service public à la française ayant une culture d’excellence technique et sachant relever des défis, vers le capitalisme mondial libéral le plus effréné, tout en faisant des compromis hasardeux avec la culture de l’entreprise et le statut des personnels qui à l’époque étaient majoritairement des fonctionnaires.

La consanguinité des managers tous issus de la même école, et y ayant suivi la même formation, le mode de management quasi militaire hérité des administrations techniques, issu du modèle mis en place par la Convention, l’inexpérience des représentants du personnel mis en place par la loi seulement 2 ans avant les faits, tous ces éléments ont conduit à un système fragile incapable de détecter et de relever les signaux faibles qui existaient bien avant que la crise n’éclate.

La récente loi travail passé à la hussarde par le gouvernement Macron va encore fragiliser la capacité des représentants du personnel à traiter avec le soin nécessaires les problèmes liés aux conditions de travail. Cela conduira inévitablement à une judiciarisation des conflits du travail puisque le juge pénal sera seul en mesure d’arrêter le comportement nocif de certaines équipes de direction. Encore faudra-t-il que les représentant du personnel aient le courage de se lancer dans de telles procédures longues et couteuses.