Laïcité

Laïcité

Mercredi 21 novembre 2018, par Loïck Gourdon

Du « toilettage » sarkozyen au « lifting » macronnien, Haro sur la loi de 1905

Si l’on en croit Le Journal du Dimanche du 05 novembre 2018, après avoir indiqué vouloir poser à l’Islam de France « un cadre et des règles » Emmanuel Macron envisage, en parallèle, d’appliquer un « lifting » à la Loi de 1905. L’Opinion, quant à lui, révèle le contenu de l’avant projet du texte. A l’évidence parce qu’on craint de s’en prendre ouvertement à la neutralité de l’Etat, on biaise, et dans la pure tradition jésuite, la réécriture des articles des articles entre 18 et 36 définissant le « régime des cultes ». De fait on abolit hypocritement la Séparation des Eglises et de l’Etat en introduisant des mesures qui permettent, cette fois, le financement direct des activités cultuelles.

A cet égard, l’article 19 de la Loi du 9 décembre 1905 est essentiel, c’est en effet sur son actuelle ambigüité que se fondent certains élus pour justifier l’investissement de fonds publics dans la construction ou la restauration d’édifices religieux et de lieux de culte.

Or la première mouture de l’article 19 de la Loi du 9 décembre 1905 est très claire : « seules les réparations de monuments historiques classés » peuvent être prises en charge l’Etat ou les Collectivités. Dans la pensée du législateur cette restriction signifiait que s’il est légitime, dans l’intérêt général, d’entretenir le patrimoine national, il ne l’est pas d’accorder un privilège financier à une religion qui ne doit engager que ses fidèles et non la puissance publique.

Et comme par hasard - mais en politique y-a- t- il un hasard ?- c’est bien la rédaction dit article 19 qui a été modifiée par la Loi du 24 décembre 1942 de la main du Maréchal Pétain, article promulgué alors que la France n’était pas en République et qui pourtant n’a été abrogé, ni par la droite, ni par la gauche et qui permet le contournement de la Loi de Séparation en toute légalité. « Elles [les Associations] ne pourront sous quelque forme que ce soit, recevoir de subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne pourront pas être considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques ».

Force est de constater que le législateur de 2018 met les pas dans ceux de son prédécesseur de 1942. L’heure n’est plus aux inventaires mais à la « rénovation énergétique » qui pourrait donc être directement subventionnée.

Bien sûr ces libéralités - quand on aime on ne compte pas- seraient assujetties à la « qualité cultuelle » des Associations concernées, en quelque sorte labellisées par la délivrance de « patentes cultuelles ». Il va falloir créer un corps de Contrôleurs de qualité cultuelle. En l’espèce, le principe de séparation mute en principe d’ingérence, à quand la nomination des Evêques comme sous le Concordat, en attendant celle des Rabbins et des Imams. Pour l’instant, en termes de contrôle, on en resterait au renforcement de la « police des cultes » chargée de réprimer à grand renfort d’amendes les infractions à l’ordre public de la part de prédicateurs religieux.

Autre avancée pour les cléricaux, autre reniement de la Loi de Séparation, l’opportunité donnée à une association cultuelle de tirer des revenus locatifs de ses immeubles, l’objectif « étant de « favoriser la diversification des ressources et l’amélioration de l’autonomie des cultes. » En outre, les financements, dons d’entreprises ou de particuliers, venant de l’étranger devront être déclarés.
Par ailleurs un dispositif anti « prise de contrôle inamicale » serait créé, il s’agirait d’un outil juridique afin d’empêcher pour éviter « la captation de l’enceinte culturelle par des prédicateurs radicaux. » en insistant sur la nécessité d’une délibération collégiale en cas de changement des statuts ou de cession d’un bien.

Conclusion provisoire : le financement des cultes sur les deniers publics intervient nécessairement au détriment des services sociaux universels dans lesquels les mêmes sommes auraient pu être investies. Cela revient à faire reculer le principe d’égalité. Ces financements remettent en cause l’universalisme et renforcent le communautarisme.

La religion n’offre pas à elle seule le « supplément d’âme » à un monde sans âme. On ne peut la dissocier des dogmes porteurs de violence et d’intolérance. N’oublions jamais que la laïcité permet l’expression religieuse ou celle de l’incroyance et qu’elle repose sur l’édifice juridique de la Loi de Séparation. Accepter se remise en cause c’est entrer dans la soumission volontaire. Laïques, soyons vigilants, face aux imposteurs, faisons vivre la « Laïque », faisons vivre la « Sociale ».

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