Une pandémie peut en cacher une autre

Une pandémie peut en cacher une autre

Mardi 23 juin 2020, par Damien Loup

Après le coronavirus, la grippe aviaire ?

Alors qu’on peinait à voir l’urgence d’une telle adoption dans le contexte d’une crise sanitaire, économique et politique que nous traversons, la loi « visant à lutter contre les contenus haineux sur internet » a été définitivement votée le 13 mai 2020 par le Parlement. Sous couvert de prévenir la diffusion de propos incitant à la haine et à la discrimination, ce texte imposait aux hébergeurs de sites internet et de réseaux numériques, sous peine de sanctions pénales, une obligation de retrait de tout contenu signalé comme haineux dans un délai de 24 heures, délai ramené à une heure (sic.) en matière de provocation à des actes terroristes ou d’apologie de tels actes ainsi que de diffusion des images pédopornographique.

Un dispositif légal qui, en ne prévoyant aucun contrôle d’un juge, aboutissait en réalité à conférer à des entreprises privées comme Facebook ou Google un véritable pouvoir de censure : eu égard au caractère particulièrement imprécis et extensif des notions de « contenu haineux » et, plus encore, d’apologie de terrorisme, et au délai particulièrement bref prévu par la loi, il était en effet fort à craindre que les opérateurs, pour éviter toute mise en cause de leur responsabilité pénale, n’en viennent à censurer tous les contenus qui leur seraient signalés. Une arme dont on imagine la portée dévastatrice à l’heure où l’on assiste au retour en force de la censure sous toutes ses formes.

Une fois n’est pas coutume et avec un remarquable sens historique, le conseil constitutionnel a, le 18 juin 2020, censuré la quasi-totalité de ce dispositif, relevant que « le législateur a porté à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi ».

Si on ne peut que se réjouir de cette déclaration d’inconstitutionnalité, on ne peut que regretter qu’une fois encore, au risque d’alimenter la rhétorique réactionnaire sur le prétendu gouvernement des juges, ce soit au Conseil constitutionnel qu’il ait incombé de rappeler la nécessité de protéger la liberté d’expression. Une situation qui, s’il était encore besoin, souligne la profonde immaturité démocratique de notre société. Dans une société où la liberté est le principe, ce n’est pas en prétendant que les opinions les plus dérangeantes ne doivent pas exister mais, bien au contraire, en les soumettant au débat d’idées, qu’on les combat efficacement.

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