Justice et pouvoir régalien

Justice et pouvoir régalien

Vendredi 17 juillet 2020, par Etienne Tarride

Les Français, dans leur majorité, pensent que notre Justice va mal et qu’elle est influencée par le pouvoir politique. Ils ne croient pas en son indépendance. Ils ont plutôt tort que raison sauf sur un point important.

La Justice Française rend des milliers de décisions dans les domaines civils, commerciaux, en droit du Travail, en matière sociale qui n’appellent pas de critiques de principe. Là est son activité dominante et son indépendance y est respectée. Certes, les parties succombantes ont tendance à développer des idées complotistes et à estimer que le pouvoir est intervenu en faveur de leur adversaire. Il s’agit là d’idées fausses, en ces matières les magistrats ne subissent pas de pressions. Toute décision de Justice fait au moins 50 % de malheureux donc de révoltés, ce n’est pas une raison suffisante à leur emboiter le pas.

Seule la Justice pénale pose un problème. Un problème lourd mais différent de ce que la plupart des gens pensent dans un grand nombre d’affaires dont personne ne parle, les affaires courantes qui ne mettent en cause aucune personnalité connue. Les Juges sont aussi des gens comme les autres qui ne résistent pas toujours à la pression des masses. Ils ont la main plus ou moins lourde pour tel ou tel délit ou telle ou telle catégorie de justiciables en fonction de l’air du temps. Sauf à faire rendre la Justice par des robots qui ne tiendraient aucun compte de la personnalité des délinquants ce qui serait la pire des injustices, cet état de choses est inéluctable.

Une vraie question politique se pose. Elle ne concerne qu’un nombre très restreint de dossiers mais passionne, à juste titre, l’opinion publique, les affaires pénales qui concernent les personnalités connues et particulièrement les personnalités politiques. Dans ce domaine aujourd’hui, il est clair que personne ne croit que le pouvoir politique n’exerce pas une influence déterminante sur l’autorité judiciaire. Cette perception est-elle exacte ou s’agit-il, là aussi de complotisme ?

On voit mal comment les Gardes des Sceaux successifs pourraient invoquer la notion même de « Politique Pénale » s’ils s’interdisaient toute influence. On voit mal comment le cabinet du Garde des Sceaux pourrait faire remonter jusqu’à lui les informations que détiennent les Parquets sur les procédures en cours s’il ne se réservait pas d’au moins donner son avis aux Juges du siège sur des affaires particulières ne serait-ce qu’en passant par ce même Parquet.

Tous les Gardes de Sceaux successifs ont eu l’occasion de faire la savante distinction entre leur influence régalienne sur le fonctionnement général des juridictions et l’interdiction, qu’ils affirment respecter scrupuleusement, de s’immiscer dans une affaire particulière. Peu importe que ce soit vrai ou faux, personne ne les croit.

La seule manière de respecter la séparation des pouvoirs et de faire en sorte que les citoyens le croient est de couper de manière définitive et totale le lien direct entre les juridictions, Parquet compris, et le pouvoir exécutif.

Il doit être une fois pour toutes rappelé que la « politique pénale » relève du seul pouvoir législatif qui vote les Lois définissant les crimes et les délits et qui prévoient les peines applicables.

Il doit être décidé que les fonctions du Ministre de la Justice seront limitées à la gestion économique et financière de la Justice, à l’établissement de son budget, à la construction et l’entretien de ses bâtiments et de leurs dépendances, à la gestion des carrières des personnels non-magistrats de la Justice.

Il doit être rappelé que la carrière des magistrats doit relever du seul Conseil Supérieur de la Magistrature.

Enfin, et comme il est nécessaire que certaines informations que des enquêtes ou instructions révèlent remontent au pouvoir exécutif dans l’intérêt national le plus strict, il sera nécessaire pour le gestion et le contrôle des parquets de modifier leur autorité de tutelle afin que ces informations d’intérêt puissent être portés à la connaissance du Président de la République et du Premier Ministre par une institution nouvelle, le Chancelier de la République, choisi parmi les magistrats, les avocats, les avoués ou les notaires en exercice ou à la retraite, nommé et le cas échéant révoqué par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Le Chancelier de la République sera la seule autorité à laquelle les magistrats du Parquet seront autorisés à communiquer des informations et à recevoir des instructions en retour.

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