Les samedis du néo confinement N°3 par écrit

Les samedis du néo confinement N°3 par écrit

Samedi 21 novembre 2020, par André Bellon, Anne-Cécile Robert

De nombreux correspondants nous ont demandé d’avoir le texte des dernières vidéos par écrit. Vous les trouverez ci-dessous.

André Bellon – Vie politique

Qu’est-ce que la politique ? Si on se réfère aux grands anciens, en particulier Aristote, « c’est la capacité collective dans la recherche d’un certain bien » et puis c’est l’idée que « l’homme est un animal politique ».

Il faut revenir à ces idées de base face à la crise d’aujourd’hui. Nous sommes dans une crise politique depuis des décennies, mais qui s’est accentuée récemment. Nous en voyons les symptômes : l’Assemblée nationale ne sert à rien ou presque et il y a une remise en cause progressive des libertés publiques. Face à cela inutile de chercher un parallèle dans les années passées. Nous sommes dans une situation totalement nouvelle qui est la disparition même du politique.

On a beaucoup parlé des années 1980 pendant lesquelles, sous l’impulsion de personnages comme Reagan, Madame Thatcher ou Mitterrand, s’est répandu le néolibéralisme sur le monde. Et on a beaucoup dit, non sans raison d’ailleurs, que le néolibéralisme était un stade nouveau du capitalisme et le marché total. C’est vrai. Mais est-ce la question principale ? La question principale, c’est que, en abstrayant l’économie des sciences sociales, il a fait du social un adversaire, un ennemi. On combat le social. Et c’est d’ailleurs pourquoi on l’a remplacé par le sociétal, c’est-à-dire des questions qui touchent à l’individu et qui, jusque-là, étaient des affaires privées.

Il n’y a plus de politique au sens du combat social, c’est-à-dire l’organisation de la société comme le prétendait Aristote. Et c’est cela qu’il faut dire parce que le dire c’est déjà le combattre. De plus c’est proclamer que la solution, c’est la recréation du citoyen et du peuple et des relations dans ce qu’on appelle la politique.

Simplement deux mots là-dessus à propos de ceux qui, soit sincèrement pour certains, soit cyniquement pour d’autres, veulent régler la question, non pas en recréant le citoyen et le peuple, mais en remettant en cause l’instrument qui permettait d’exprimer le citoyen dans le cadre du peuple, c’est-à-dire le suffrage universel. Cette histoire du tirage au sort est, quelque part, un allié de ceux qui détruisent la vie politique. On peut faire passer n’importe quoi en tirant des « gens » au sort. Ce ne sont pas des citoyens, ce sont des gens.

Je prends deux exemples très rapidement. Le député Pieyre-Alexandre Anglade a proposé, il y a quelques temps, de faire une « convention citoyenne » sur l’Europe. En gros, il cherche à nous refaire le coup de 2005 avec le Traité Constitutionnel Européen. Par ailleurs, des associations diverses proposent -rien que ça ! – de faire une convention citoyenne sur les institutions. Comme si les institutions n’étaient pas le problème de chaque citoyen.

Chaque citoyen doit y participer et c’est pour cela que nous avons fondé l’Association pour une Constituante. Non pas pour faire demain l’élection d’une Constituante, mais pour créer ce cheminement qui prend en compte la nécessité de recréer la politique.

Tel est l’enjeu du moment. Vive la République !

Anne-Cécile Robert – Débat et combat

Depuis l’assassinat du professeur d’histoire Géographie Samuel Paty, on voit se multiplier des tribunes, des textes, des post, sur la République et sur la laïcité. L’une des choses les plus frappantes à la lecture de ces textes, c’est que, très rarement, ils se répondent. C’est-à-dire que chacun développe son argumentaire sans forcément prendre le soin de répondre aux arguments de l’autre. Chacun court dans son couloir, en quelque sorte.

Certains même, à la faveur des réseaux sociaux, se laissent aller à des anathèmes faciles, des amalgames, des phrases émotives ou émotionnelles – « je suis énervé, j’en ai marre, ce texte est idiot, … » -. Tout cela ne contribue pas, malheureusement, à construire le nécessaire débat. D’autant plus nécessaire que nous sommes confrontés à des défis très graves comme rarement nous avons eu à en relever depuis des décennies et qui concernent nos libertés, la démocratie, et parfois même, on l’a vu malheureusement, des questions de vie et de mort.

Contrairement à une impression répandue, ces débats ne sont pas nouveaux. Depuis les Lumières, il y a des gens qui discutent sur l’apport des Lumières et leurs limites ; depuis qu’on est en République, il y a des gens qui la critiquent, il y en a qui préfèrent au modèle républicain la démocratie anglo-saxonne ; depuis que les philosophes de la renaissance ont remis au gout du jour la raison, certains estiment que la raison ne suffit pas, qu’il faut laisser une place aux sentiments et à la foi. Tous ces débats sont anciens, ils sont aujourd’hui renouvelés par la mondialisation ou par le retour d’une forme de religiosité liée au fait que la société de marché est extrêmement desséchante et c’est lié aussi à la montée de courants religieux radicaux, les évangéliste, les islamistes, les intégristes catholiques.

Mais tout cela n’est qu’une question de forme. Les questions sont toujours les mêmes depuis 200 ou 300 ans et elles tiennent en fait à la conception qu’on a de l’être humain. Pense-t-on que l’être humain est un être autonome, rationnel, libre et solidaire ? Dans ces perspectives, considère-t-on que les déterminismes jouent un rôle et si oui lesquels, l’économique, le social, les déterminismes culturels et religieux, les appartenances ethniques ? Toutes ces questions importantes nécessitent un débat mené avec sang-froid. Précisons : il faut que chacun évite de caricaturer les positions de l’adversaire ou même de créer un adversaire caricatural pour faciliter ses propres attaques ; que chacun essaye d’analyser l’argumentaire de l’autre et d’y répondre méthodiquement, enfin que chacun essaye de formuler ses propres arguments avec rigueur.

Il s’agira de mener un débat, mais il s’agira aussi d’un combat. Pourquoi ? Parce comme depuis des siècles, nous ne serons pas d’accord, pas d’accord sur la raison, sur la République, … Ce n’est pas un drame à partir du moment où on est capables de mener ce combat avec des arguments intellectuels et politiques et qu’on reconstruit à cet égard l’espace public et politique. La difficulté de la période actuelle est que l’espace démocratique a disparu sous les coups de butoir de l’idéologie du marché et des thèses de la fin de l’Histoire. Il faut donc reconstruire cet espace public démocratique sans avoir peur. On a des différences politiques, on a des opinions et des idées différentes. Ce n’est pas un drame, c’est normal et c’est ce qui fait le sel de la démocratie.

Le défi d’aujourd’hui, c’est de reconstruire l’espace politique républicain et d’assumer chacun cet idéal politique qui est la discussion libre et raisonnée.

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