Un référendum pour faire quoi ?

Un référendum pour faire quoi ?

Jeudi 24 décembre 2020, par André Bellon

Référendum ? Certains dénoncent déjà une manœuvre politicienne. Emmanuel Macron ne cherche-t-il pas, peut-être à son corps défendant, à retrouver une légitimité plutôt brinquebalante ? Ou imagine-t-il compenser par une vote positif un résultat qui s’annonce plus qu’incertain aux élections régionales ?

Référendum ? Sur quel sujet ? Plusieurs pistes avaient auparavant été diffusées grâce à la presse, mais elles semblaient soulever des débats internes et des contradictions difficiles. C’est alors que l’éclair de génie est apparu : seule la question du climat pouvait susciter un large soutien populaire. Elle reposait sur un problème assez largement reconnu comme un défi majeur. Elle séduisait la jeunesse. Elle inquiétait les plus âgés. Elle soulevait l’enthousiasme de la presse conforme et même les sceptiques n’osaient pas trop monter le bout de leur nez. La bonne idée quoi !

Alors que la tenue même du référendum est encore incertaine, que le texte qui devrait être soumis à débat n’a pas été rédigé, il peut donc paraitre absurde et présomptueux de prendre position pour le NON. Je vais pourtant le faire. C’est qu’en effet, ce n’est pas le fond de la question, c’est le principe même de la démarche qui pose un problème tout à fait fondamental. Principe en contradiction avec le combat que nous menons depuis plus de 13 ans pour la reconstruction du peuple souverain et d’institutions fondées sur sa souveraineté. Et, justement, la question climatique ne saurait être traitée hors de celle de la reconstruction démocratique.

Ce ne fut pas la préoccupation majeure jusqu’ici. Le premier acte face au défi climatique fut la « Convention citoyenne pour le climat » qui, par l’intermédiaire d’individus prétendument représentatifs et d’experts savamment choisis, permettait d’ignorer le suffrage universel. Mais comme il faut quand même se soumettre à ce pilier de la démocratie -pour combien de temps encore ?-, Emmanuel Macron envisagerait un référendum non sur des mesures précises mais sur l’inscription de la question climatique en l’article 1 de le Constitution, ce qui lui semble plus rassembleur. Il s’agirait donc d’une révision de la loi fondamentale sur un terrain choisi par le Président de la République et qui, de façon corolaire, lui permettrait de réaffirmer une légitimité qui semble lui échapper, à supposer qu’elle ait vraiment existé.

Pourquoi dire NON ?

La Constitution est une chose globale et fragile. Globale parce qu’elle règle l’ensemble de la vie publique. Fragile parce qu’elle définit un équilibre des pouvoirs dont la base est la souveraineté du peuple (article3). Or, cet équilibre est devenu une incantation plus qu’une réalité. Tout particulièrement, l’offense faite au peuple Français par la signature du Traité de Lisbonne (en violation du referendum du 29 mai 2005) a imposé la question du pouvoir politique démocratique, de sa source et de son titulaire. Face à cette interrogation, tous les gouvernements successifs ont effectué des modifications constitutionnelles dans le vain espoir de retrouver la confiance et une légitimité bien affaiblie.

L’enjeu climatique, pas plus que les questions économiques et sociales, ou sanitaires, ne doit pas faire les frais de manœuvres politiciennes. On sait d’ailleurs que la Charte de l’environnement est d’ores et déjà intégrée au « bloc de constitutionnalité » et qu’aucun vide juridique n’existe à ce sujet. L’initiative présidentielle rappelle qu’aucun grand enjeu, aussi essentiel soit-il, ne saurait être isolé de la question fondamentale, à savoir la reconstruction d’une démocratie désormais limitée autant sur l’espace national que sur l’espace européen. Et le soutien nécessaire du peuple Français face aux défis ne peut être retrouvé en isolant les questions et par des méthodes arbitraires.

Certains aiment la Constitution de 1958, d’autres pas. Sa version actuelle, fruit de 24 modifications, la plupart d’ailleurs sans appel à la volonté des citoyens, ressemble bien peu au texte initial ratifié par les Français. Il est de plus en plus apparent que la Constitution actuelle est inadaptée. Quant au fameux « Etat de droit », il consiste davantage à renforcer les pouvoirs du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de l’Union européenne qu’à la réaffirmation des règles démocratiques. Dans de telles conditions, réviser une nouvelle fois la loi fondamentale servirait surtout à consolider le pouvoir, déjà hypertrophié, de l’exécutif et d’instances non élues au lieu mobiliser les Français face aux défis.

Quelle proposition ?

Le système politique est en crise, à bout de souffle. Les citoyens ne sont plus représentés, reconnus, respectés. Il ne s’agit pas de modifier les règles constitutionnelles par le fait du prince ni de tenter de faire avaliser un bricolage institutionnel par un référendum au rabais qui aura évité les questions fondamentales : Où est le pouvoir ? Où est passé la démocratie ? Où est la légitimité ? A quoi servent les élections dans le cadre institutionnel actuel ?

Un référendum ne saurait servir à contourner ces questions. Si on veut respecter le peuple, il faut redonner son sens à la souveraineté du peuple, par le peuple et pour le peuple.

C’est pourquoi il faut dire avec sérénité, mais fermeté :

NON AU REFERENDUM

OUI A L’ELECTION D’UNE ASSEMBLEE CONSTITUANTE !