La Canne et le bâton

La Canne et le bâton

Samedi 16 janvier 2021, par Thierry Dechaume

La vue de ces vrais citoyens dévoués au Devoir de la dignité et de la justice, non comme je l’avais été, jusqu’ici, qu’au service de mes seules préoccupations, me fut une marquante rencontre, car j’appris, à cette école rude et sévère de la désobéissance et de l’affirmation des espérances opprimées, quelle est la véritable Grandeur que je me devais dorénavant servir pour enfin, s’émanciper de cette obéissance résignée à toutes formes d’oppressions, d’injustices, d’indignités.

Agir par milliers, se révélait comme un magnifique sentiment de délivrance.

Nous ne voulions pas la guerre civile, détruire les institutions, bien au contraire, nous voulions la Paix et les renforcer pour vivre sans cette oppression économique au quotidien qui s’imposait à nous, nous la volait, nous asphyxiait, nous étranglait. Chaque pas, chaque geste étaient soumis à l’argent investissant, implacablement, tous nos espaces de vie.

Voir ces Gilets-Jaunes défier des heures durant les gelés, les pluies autant que les autorités avec cette pulsion de vies qui refusent la soumission à ce qui violentait nos existences, m’enseignait l’exemple de l’engagement pur, avec pour seuls récompenses le froid, la peur, les condamnations, les humiliations, les blessures des corps et des têtes.

Ils réveillaient mes vieilles connaissances, ces vieux soldats qui s’engageaient volontairement pour La cause, fuyaient les honneurs, se satisfaisant que du Devoir accompli, méprisant l’argent, les honneurs, les regards recherchés, basses valeurs à leurs yeux.

Je découvrais des femmes et des hommes réagissant par la confrontation aux appels de l’indignation, y répondant par l’agi déclenché par de très profondes valeurs humaines exaltées par la violence sourde de ce qui ne pouvait rester contenu.
Sous une apparente simplicité, ces Gilets-Jaunes étaient remplis d’une magnifique grandeur d’âme.

Aux carottes cuisinées des sophistes avides dont les actes traduisaient les impostures, ces héritiers de ce qui avait été capable de briser tant de tyrannies, préféraient un bon vieux ragout épuré de ces salades indigestes peu ragoûtantes nourrissant les représentations sociales qui altéraient les corps Institutionnels, la vocation, l’idéalisme, ces maîtres intransigeants humiliés d’une inadaptabilité à un monde nouveau où seuls les vices de l’argent méritaient les plus riches récompenses. Ici, le mensonge érigé en vérités, impuni, valorisé, tout comme les dévoiements à l’éthique des fondements de nos Institutions, s’appelaient stratégie, brillant opportunisme, réussite. Pour les Gilets-Jaunes, ils n’étaient que ce qu’ils étaient, un pervertissement des fonctions d’exemplarités suprêmes détruisant les fondements du contrat social.

Etre ensemble, nous révélait l’existence de ce bien commun précieux, profondément enfoui au plus profond de chacune et chacun d’entre nous, nos Valeurs, l’Honneur, la Dignité et l’Amour du bien public, du bien commun, ces trésors que nous refusions de voir transformer en l’or sordide des accapareurs sans scrupules pourfendant, les veuves, les orphelins, les vieillards, spéculant sur les vulnérabilités et les souffrances pour en tirer un maximum de profits, s’en distinguer fièrement, orgueilleusement, bêtement.

La laideur grotesque des grands maréchaux d’empires financiers ont fabriqué un monstre, l’inversion des valeurs dans laquelle même la mort est vouée à une spéculation sauvage, sans limite tant que ça rapporte, à un marché de charognards dictant la loi, hypothéquant sur les corps meurtris dés lors mis à prix par un abject calcul aux rendements programmés par cette orgie funèbre où même les Pompes représentaient un précieux temps perdu en manque à gagner.

Rendre visite aux mourants hospitalisés est devenu une affaire juteuse. Dix euros pour stationner sur les parkings privés… Six mille euros pour les inhumer. Voici l’esprit du temps des vainqueurs, des réussisseurs…

Avec fatalisme certains résignés disaient « c’est ainsi », ils payaient, payaient, payaient encore et toujours, pendant que les élus qui se présentaient pour empêcher ces ignominies et permettre qu’elles ne puissent jamais se réaliser, exprimaient « nous n’y pouvons rien, ce n’est pas de notre ressort ».

Tout ce qui s’imposait d’abjecte était possible. Tout ce qui pouvait l’empêcher, impossible.

Les braves Gilets-Jaunes refusaient cette inversion des valeurs. Marchant alors pour combattre ce désordre institutionnel établi, renforçant les rangs pour faire front à un tel naufrage, ripostant d’une Marseillaise à chaque charges ordonnées, c’est dans un épais brouillard asphyxiant d’où se révélait la tromperie, que je voyais mes Roger, Christophe, Marie-Laure, Linda, David, Pascal, Flora, Nelly, Jean comme tant d’autres braves anonymes, défier têtes hautes les boucliers et tuer leurs poumons, pour soustraire des coups de bâtons sans pitié, la vieille femme armée que de sa seule canne de vertu pour rester droite afin de résister à ce à quoi l’infâme gouvernance voulait la faire courber.

Alors, le vieux Gardien de la Paix, engagé à sa quinzième année dans l’armée, qui avait fait ses premiers pas dans la vie dans une vieille caserne militaire, regardant impuissant le naufrage de son si vieux et si magnifique pays aux mains des naufrageurs-pilleurs, pleurait ces si belles Institutions qu’il avait tant servi, aimé, soumises par une poignée de personnages dont leurs usages démontraient la funeste imposture.

Le business des fossoyeurs de la République

Dans une société dans laquelle même la mort est vouée aux profits,

attendons-nous à ce que chacune de nos têtes

fasse l’objet d’une morbide hypothèque

et soit un jour mise à prix !
_____

Lors d’une cérémonie funeste,

un Silure, impatient, peste :

« Adieu berlines, yachts et chers coupés,

cinq aujourd’hui, triste journée.

Ah, vivement un virus, l’été, la canicule,

plus ça chauffe, plus ça brûle,

plus ça brûle, plus ça tombe !

Pourquoi ouvrir des lits hospitaliers

Nous privant de tant de manque à gagner !!! »

Et que d’argent perdu en pompes et en prêches,

Plus vite cercueils, tous à la chaîne !
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Ah, sordide société...

Dans laquelle même le sacré est sacrifié aux lois du marché.

Mourez, mourez chairs à profit,

pour que de vos infortunes tombe la thune !

« Quand la merde vaudra de l’or, le cul des pauvres ne leur appartiendra plus. »

Henry Miller (1891-1980)

Le Monde n’est qu’une Fable, Livre II, L’air du temps

Thierry DECHAUME fondateur des Ami-es de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

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