Pour une décentralisation politique

Pour une décentralisation politique

Mercredi 4 août 2021, par Hugues Clepkens

La question de l’organisation du pays avait été abordée en 1789 à partir des interrogations portant sur les sujets les plus importants tenant à l’exercice du pouvoir politique national, dont le veto royal. Les deux thème n’en firent plus qu’un : asseoir le pouvoir politique sur des bases solides ET organiser le territoire pour éviter le désordre susceptible de s’opposer à la volonté de l’Assemblée nationale constituante.

Deux niveaux de collectivités territoriales furent créés en 1789 : la commune et le département. Depuis, à défaut de simplification administrative et de clarification démocratique, la grande diversité des formes de personnalité juridique des collectivités locales et de leurs émanations a permis de répondre à des besoins d’adaptation en termes de gestion des services publics locaux, notamment de nature technique. Il s’est agi d’une réponse technocratique et juridique et non d’une démarche politique.

La décentralisation n’a été qu’une suite d’arrangements : que penser de ces vastes régions qui ne correspondent pas à la réalité de vie des habitants ? Que dire de ces métropoles qui n’ont pour la plupart d’entre elles aucune réalité géographique mais pour lesquelles l’accès à un statut permet d’abord et avant tout de maximiser les dotations de l’État ? Quels enseignements peuvent être tirés des recompositions intercommunales intervenues en 2016 dans lesquelles, vu la taille des assemblées, la délibération est réduite à sa plus simple expression ? Le silence qui entoure ces questions, conduit à faire nôtre le propos de Marc Bloch : « il y aurait beaucoup à dire sur ce mot de politique. Pourquoi en faire fatalement, le synonyme de superficiel ? ».

Pour défendre le système actuel, il serait fallacieux d’invoquer l’Union européenne et l’ouverture de nos économies : la décentralisation relève d’abord et avant tout, d’un dessein politique national. La décentralisation doit s’inscrire dans une vision politique et d’autre part, elle doit être dotée d’une architecture qui permette de disposer d’une vision d’ensemble, ce que n’est pas le seul équilibre des comptes publics. Les transferts de compétences de l’État, loin de s’inscrire dans un dessein décentralisateur, sont d’abord et avant tout le moyen auquel il a recours pour se réformer ; autrement dit son principe d’action se résume ainsi : « Je survis, car c’est moi qui répartis les compétences et les moyens ». Il serait dramatique de céder à la tentation d’une facilité à l’élégante apparence : opter pour encore plus de complexité en ouvrant grand les portes à l’adaptation locale et au sur mesure, voire à l’expérimentation...Un tel choix ne favoriserait que les plus puissantes des collectivités au détriment des autres qui n’auraient pas les moyens de concevoir et négocier les arbitrages propres à répondre à leurs besoins. Il en irait comme pour les individus face aux grandes entreprises mondialisées : la loi du plus fort se substituerait à la règle générale. Il s’agirait alors d’une réaction et non d’une révolution...même pas d’une évolution.

Les collectivités territoriales, d’une part, l’État, d’autre part, sont des éléments d’un tout : la République ; il faut donc s’interroger sur la place réelle que doit occuper l’État et sur son rôle face à l’empilement des collectivités, dont les compétences se croisent, s’entremêlent et qui exercent leurs nouvelles responsabilités incohérentes ; ainsi que sur ses responsabilités au sein d’une Union européenne encore instable et dont la conception mérite d’être revue.

En écartant une conception verticale qui place l’État au-dessus de tout, optons pour la régénérescence de la République unificatrice, avançant en équilibre sur ses deux jambes, nationale et locale.

Sortons de ce schéma selon lequel les représentants de la personne morale portent seuls et par essence l’intérêt général. Une solution politique courageuse consisterait à rénover la notion d’intérêt général en privilégiant celle d’intérêt « public », quel que soit le niveau territorial considéré. Ainsi la réduction à deux niveaux de collectivités, en France, concourrait grandement à la réussite de cet ambitieux projet...en intégrant dans tous les cas la prise en compte des incidences écologiques des choix, sous tous leurs aspects, directs et indirects, immédiats et futurs. En conséquence, il convient de repenser le rôle et le statut des élus. La refonte du système local français passe donc, aussi, par la régénérescence des mécanismes électoraux et de participation active des individus à la gestion de la Cité.

Le pouvoir doit s’exercer sur une aire géographique déterminée, c’est même le sens exact du terme galvaudé de « territoire ». En conséquence, il faut que l’organisation soit simple : deux échelons locaux suffisent alors (en plus du niveau national) construits sur des bases historiques et géographiques réelles et non technocratiques. En campagne, les « communes nouvelles » d’au moins 5 000 habitants, pourraient s’associer pour l’exercice des compétences vraiment structurantes, dans le cadre de simples syndicats de la taille, environ, du bassin de vie (INSEE) ; en ville, le territoire de la collectivité communale unique serait celui de la zone urbanisée et de la première couronne (soit dans un rayon d’environ 15 km) regroupant, en moyenne, autour de 30 000 habitants. Les « départements nouveaux » seraient adaptés à l’aire de vie réelle de la population et leur taille se situerait entre celle des trop grandes régions artificielles actuelles et les trop petits départements hérités du découpage datant du XVIIIème siècle, soit une quarantaine de collectivités métropolitaines, hormis l’Île de France ou il s’agirait de limiter à trois les niveaux de collectivités du fait de la concentration de population.

Enfin, les circonscriptions électorales doivent être en phase avec la vie des citoyens. C’est pourquoi existerait un niveau de base (quartier urbain, village rural pour les « communes nouvelles » ; pays ou cantons pour les « départements nouveaux »). Ainsi les conseils délibérants des collectivités seraient-ils élus à partir de zones géographiques de taille « humaine ».

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