Homme providentiel

Homme providentiel

Lundi 11 janvier 2010, par Anne-Cécile Robert

Le soudain décès du Premier Président de la Cour des comptes Philippe Séguin a suscité une émotion certaine dans la classe politique. Il a déclenché, comme c’est souvent le cas dans ce type de circonstances, un torrent d’éloges. La même semaine, l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin publiait ses mémoires et se racontait dans un documentaire. Les commentaires nostalgiques sur son mandat (1997-2002) allèrent bon train dans les médias et au Parti socialiste, qui enchaîne les défaites présidentielles et législatives depuis 2002. De l’autre côté de l’atlantique, Barack Obama déçoit déjà alors qu’il y a seulement un an, il devait résoudre tous les problèmes des Etats-Unis par la seule puissance de son charisme. On pourrait multiplier les exemples de ces hommes providentiels supposés nous sauver, comme par enchantement, de tous nos malheurs. Les femmes n’échappent pas au syndrome puisque Segolene Royal fut présentée, au début de la campagne présidentielle en 2007, comme une sorte de Jeanne d’Arc (ou de Vierge Marie, c’est selon les goûts) qui devait sortir le PS de la spirale infernale des défaites électorales.

En cette période d’incertitudes et de graves difficultés sociales, voilà que reparaissent les hommes providentiels, les figures tutélaires. Par son côté magique, ce phénomène illustre bien la profonde régression de nos démocraties : déjà mal en point, elles ne pourraient être revivifiées que par des sauveurs dotés de qualités extraordinaires. Il serait temps de ressourcer la démocratie dans le collectif, c’est-à-dire le peuple lui-même, écarté depuis trop longtemps des grandes décisions qui le concernent (Europe, stratégies économiques, etc.). L’élaboration d’une nouvelle Constitution, dans le cadre d’une Assemblée constituante élue spécialement à cette fin, en serait le moyen.

1 Message

  • Homme providentiel

    Le 13 janvier 2010 à 17:07 par Olivier Pascault

    Cette note confirme un sentiment partagé. On l’entend dans tous les cénacles (sportifs, politiques, culturels). Lors d’un match de football, par exemple, le joueur miraculeux est magnifié. Onze hommes se trouvent sur un terrain de jeu mais un seul va rafler la mise des éloges. La régression politique évoquée par Anne-Cécile Robert, juste s’il en est, corrobore les périodes historiques incertaines où la foi en le peuple et ses capacités collectives de gestion du pouvoir sont diminuées. Voire bafouées. La démocratie ne tire guère profit de quelques assauts de d’éloges soudain, notamment à la suite du décès de Philippe Seguin. Réputé gaulliste social, Ph. Seguin a été un grand serviteur de l’Etat. Lui tresser momentanément des lauriers (et il en mérite à la suite du combat contre Maastricht) permet actuellement aux gouvernants d’enterrer sciemment les quelques lignes qu’il défendait de son vivant : comptabilité nationale et patrimoniale de l’Etat rigoureuse (il avait mis en relief les dépenses de l’Elysée), souveraineté nationale et populaire, élévation du débat politique. Ce que "Lionel raconte Jospin" ne semble pas réaliser. Vous avez mille fois raison de dire que seule la discussion collective autour d’un projet de Constitution nous évitera le recours à toute providence. Il n’est de sauveur suprême sinon le peuple réconcilié et fédéré.

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