Rien de nouveau sous le bouclier américain

Rien de nouveau sous le bouclier américain

Lundi 7 avril 2025, par Pascal Geiger

Les démocraties européennes sont effarées, déboussolées voire horrifiées par les décisions politiques, économiques, énergétiques, militaires et juridiques prises par le 47ème président des Etats Unis. La stratégie politique - Shock and Awe (choc et effroi) – adoptée par Donald Trump, depuis son élection, les tétanise.

Tandis que leurs citoyens observent avec consternation la stupeur et l’incompréhension de leur gouvernement.

Car, à bien y réfléchir, ce ne sont pas ces décisions qui devraient surprendre les pays européens mais plutôt la surprise qu’elles suscitent. Ils auraient dû raisonnablement s’attendre à ce changement d’orientation politique des Etats Unis.

Cet olibrius de candidat à la législature suprême des Etats Unis n’avait-il pas annoncé ce qu’il allait faire s’il était élu président ? Aujourd’hui, il ne fait qu’appliquer ce qu’il avait annoncé. Le vrai motif de surprise est, sans aucun doute, d’observer un homme politique tenir enfin ses promesses.

De même, ces mesures unilatérales affichées depuis janvier 2025 et prononcées par décret début avril ne sont-elles pas le prolongement de celles déjà initiées lors de son premier mandat ? Certes, certaines ont été particulièrement enrichies. Mais, n’ont-elles pas été maintes fois évoquées par Donald Trump depuis le 20 janvier ?

Nous pouvons, à raison, nous interroger sur la posture morale et la santé mentale de Donal Trump. Son égocentrisme avéré doublé d’une absence totale de remords, son mépris des règles démocratiques, son manque d’empathie qu’accompagne un pragmatisme opportuniste sont autant d’indicateurs soulignant son besoin constant d’admiration et d’attention, son manque filtre et de contrôle, sa pensée binaire et paranoïaque, et son charisme manipulateur.

Il faut se rendre à l’évidence, Donald Trump a le mérite d’exposer et d’exprimer au grand jour ce qu’a toujours été la politique internationale des Etat Unis depuis le début du XIXème siècle à nos jours. Une politique guidée par la situation socioéconomique interne, influencée par les menaces extérieures réelles ou supposées et des intérêts stratégiques du moment (pour une certaine oligarchie) ; une politique exclusivement aux services des intérêts américains même aux dépens de leurs alliés (cf. tableau n°1 : L’Europe : une rivale à contenir).

La doctrine géopolitique états-unienne a toujours oscillé au fil du temps entre repli sur soi et forte ingérence internationale. Depuis l’origine des Etats Unis, c’est dans l’ADN de leurs hommes politiques d’être constants dans leur inconstance.

Sur les 47 présidents des Etats Unis, 26 d’entre eux ont mené des politiques dites « isolationniste » et 18 des politiques dites « interventionniste » (3 présidents ont eu des mandats trop courts pour pouvoir apprécier l’orientation de leur politique étrangère). Ces changements de cap les ont tous conduit à abandonner voire à trahir sans vergogne leurs « amis » (cf. tableau n°2 : Trahison en rase campagne).

Les politiques américains fustigent certains pays de la vieille Europe à propos de leur passé colonial, ils oublient que depuis 1776 (à nos jours) ils n’ont pas hésité pas à diriger leur pays comme un empire colonial marqué par un appétit insatiable de conquête territoriale directe et une soif immodérée de contrôle économique, militaire et politique sur d’autres nations.

La volonté de l’actuel président américain d’annexer purement et simplement le Canada et le Groenland s’inscrit dans cette continuité historique d’expansion territoriale.

Plusieurs exemples (non exhaustifs) peuvent témoigner de cette stratégie expansionniste militaire et éconnomique :

• L’expansion territoriale au XIXème siècle (1830 – 1848) caractérisée par les guerres contre les Amérindiens – déplacement forcés des tribus et appropriation de leurs terres - et le Mexique – annexion de la Californie, le Texas et le Nouveau Mexique -,

• L’impérialisme outre-mer (fin du XIXème – début du XXème) marqué par la guerre hispano-américaine – prise de contrôle de Porto Rico, Guam et des Philippines -, l’occupation militaire de Cuba, la République Dominicaine, d’Haïti et du Nicaragua – et l’annexion d’Hawaï,

• L’influence néocoloniale au XXème marquée par les interventions en Amérique latine – soutien à des dictatures favorables aux intérêts américains (Chili, Guatemala, …), mise en place de bases militaires mondiales – Japon, Allemagne, Philippines, … -,

• Volonté de maintenir une domination économique et militaire mondiale– Ingérence sur les politiques pétrolières, soutien aux entreprises multinationales – avec comme principaux leviers le FMI et la Banque Mondiale -, expansion territoriale de fait en maintenant par une ingérence militaire le contrôle de divers territoires – Porto Rico, Guam, et d’autres îles du pacifiques restent sous contrôle américain.

On prête à Charles de Gaulle la citation suivante « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». Elle souligne une pensée réaliste des relations internationales, où la politique étrangère est guidée avant tout par les intérêts nationaux et non par l’amitié ou les affinités idéologiques. Les Américains n’ont jamais hésité à la mettre en action.

Il faut espérer qu’Emmanuel Macron s’en souvienne lorsque les Etats Unis, pour éviter une confrontation frontale avec l’Union Européenne (si tant est que celle-ci ait la capacité de présenter un front économique unifié), utiliseront des stratégies ciblées pays par pays pour l’affaiblir. Ils proposeront, sans nul doute, des mesures qui favoriseront leurs propres industries tout en exploitant les divisions internes en Europe.

La France a trop souvent sacrifié, en vain, ses intérêts nationaux au profit d’une Europe idéalisée.

Voir les tableaux explicatifs dans la pièce jointe

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