
Foi, fanatisme, Raison et République
Mercredi 11 juin 2025, par
Et si la majorité silencieuse croyait déjà en la laïcité ?
La laïcité, souvent accusée de diviser, est en réalité l’un des derniers piliers qui nous unit.
Derrière les polémiques bruyantes, une réalité persiste : la majorité des Français – croyants ou non – adoptent une approche apaisée, rationaliste, et profondément moderne de la foi.
Le débat est donc moins entre croyants et non-croyants qu’entre trois visions du religieux : la foi éclairée, la foi rigoriste… et le fanatisme.
Une foi libre, rationnelle, et largement partagée
Les derniers sondages contredisent les discours anxiogènes.
En 2024, 70 % des Français se disent attachés à la laïcité. Même parmi les croyants, plus des deux tiers considèrent que la foi est une affaire privée et personnelle.
Un chiffre frappant : 87 % des Français estiment que la laïcité fait partie intégrante de notre identité nationale (Odoxa, 2024). Elle n’est pas, pour eux, un rejet de la religion mais un cadre pour qu’elle n’écrase pas la liberté de chacun.
La majorité silencieuse ne rejette pas la transcendance. Elle l’intègre à une quête éthique, intérieure, compatible avec les droits humains. Une vision partagée jadis par Averroès, Maïmonide ou Thomas d’Aquin, et que bien des citoyens musulmans, juifs ou chrétiens incarnent aujourd’hui.
Ce n’est pas une marginalité. C’est le centre de gravité réel de notre société.
Rigoristes et fanatiques : les minorités bruyantes
À l’inverse, les clercs rigoristes, de toutes obédiences, continuent de défendre une vision patriarcale, hiérarchique et immobile de la foi.
Pour eux, la loi divine doit dominer la loi civile, les femmes doivent rester dans des rôles subalternes, et la liberté de conscience est tolérée… à condition de ne pas contredire les dogmes.
Mais plus dangereux encore : les fanatiques religieux. Ils ne croient pas en Dieu, ils croient en la guerre. Ils utilisent la religion comme une idéologie, une bannière pour justifier la haine, la violence et la domination.
Ils tuent au nom de la foi, qu’ils ont trahie dès la première balle. Et ils pervertissent la religion aux yeux de tous.
Briand, plus actuel que jamais
Face à ces dérives, la laïcité à la Briand reste l’antidote le plus puissant : un État neutre, une société pluraliste, une foi libre, et une égalité stricte entre hommes et femmes.
Ce n’est pas un projet contre la religion, c’est un cadre pour qu’elle vive sans opprimer.
Aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de rejeter la foi : nous devons défendre ceux – croyants ou non – qui veulent vivre dans la paix, la dignité et la pensée. Et cela passe par une laïcité non pas rigide, mais résolument juste et offensive.
Et si nous changions le débat ?
La vraie fracture n’est pas entre les religions. Elle est entre ceux qui veulent penser et ceux qui veulent soumettre.
Et la vraie question n’est pas : “Faut-il choisir entre Dieu et la République ?” Mais plutôt : “Comment permettre à chacun de croire, ou de ne pas croire, sans jamais risquer de nuire à l’autre ?”
Car le défi n’est pas d’éradiquer la foi, mais d’extirper la violence qui se cache derrière son masque. Et pour cela, il faut avoir le courage de dire que la majorité silencieuse, croyante et laïque, est la vraie majorité républicaine.
Et si on lui donnait enfin la parole ?
Pascal Geiger
Juin 2025