
De la Nation
Mardi 29 juillet 2025, par
Débattre de la Nation, c’est d’abord évacuer le débat spirituel entre Fitche et Renan du 19ième siècle, motivé par le conflit Franco-allemand de l’époque qui est inintelligible pour le présent. Aussi, en France qu’est que la Nation ? Une création politique qui a fait passer l’individu de sujet à citoyen, la population est alors devenue un peuple parce qu’‘il est détenteur de la souveraineté, qui s’exprime concrètement par le vote, composant essentiel de la démocratie. Il n’y a pas de démocratie sans vote souverain.
Il est anachronique de définir la nation avant 1789. La nation est une entité juridique issue des droits de l’homme et du citoyen et non d’une charte quelconque qu’aurait octroyé le roi. Certes il y avait un Etat, mais sans Nation. Disjoncter l’organisation du pouvoir de sa source est essentielle pour mesurer la différence. Sans Etat, pas de droit concret, ce qui explique par ailleurs que Marx recommandait de se réapproprier cette organisation. Mais il peut y avoir un Etat de droit, sans source issue du peuple. Si l’esprit (La Nation) a besoin d’un corps (l’Etat), le corps n’a pas forcément besoin d’esprit pour continuer de vivre, il suffit de la brancher sur une machine, c’est-à-dire un pouvoir qui s’exerce indépendamment de lui, pour le faire vivre. Aussi, notre Nation n’existait pas avant 1789. Il y avait un sentiment national groupé autour de la personne du roi. Un sentiment est un esprit sans corps, des cellules mises en mouvement sans aucune volonté propre. Aussi l’Etat peut préexister à la nation. Des Etats sans Nation cela existe, aujourd’hui par exemple en Chine. Certes leur population s’estime chinoise, mais elle n’a aucun pouvoir, ce n’est pas un peuple, c’est une population groupée par un sentiment national qu’insuffle le parti communiste. Néanmoins, si l’Etat n’a pas besoin de Nation pour exister, l’inverse n’a pas de sens.
Une Nation a besoin d’un Etat. Un esprit ne vit pas sans corps. C’est parce qu’elle se réalise en tant qu’action territoriale, qu’une Nation existe. Ainsi le peuple juif existe parce qu’il a un Etat, le peuple palestinien n’existe pas parce qu’on l’en prive, même si le sentiment national dans la population palestinienne existe. C’est parce qu’elle veut obtenir ce statut de peuple que la population palestinienne se bat. C’est similaire pour la population Kurde d’ailleurs. C’est une population qui se bat pour devenir peuple parce que le peuple émancipe. La Nation est un « symbole-concret » et pas simplement un symbole. La forme de l’Etat (monarchie constitutionnelle, république…) importe peu si le citoyen exerce le pouvoir c’est à dire qu’il est souverain.
Aujourd’hui nous serions dans un Etat de droit, mais de quoi parlons-nous ? D’une forfaiture morale et politique. En effet, un peuple n’est peuple que s’il est souverain, ce n’est plus de cas depuis 2008, quand les partis fédéraux ont outrepassé la décision du peuple concernant Traité Constitutionnel Européen avec le traité de Lisbonne. Nous ne sommes plus souverains puisque les gouvernements des partis politiques ont transmis des compétences, autrement dit des champs de décision qui s’appliquent indépendamment de la souveraineté du peuple qui s’exprime par le vote : l’Union douanière ; l’établissement de règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur ; la politique monétaire pour les pays de la zone euro ; la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche ; la politique commerciale commune. Les députés ne décident plus de rien concernant ces éléments, sans compter que les éléments budgétaires de l’Etat sont supervisés par la commission européenne. Le vote n’est plus souverain indépendamment du type de mandat du député.
Nous avons donc un Etat de droit qui n’est plus national parce qu’il échappe au peuple en s’étant imposé par une forfaiture. Or sans souveraineté du peuple pas de démocratie, c’est en effet parce que le vote est souverain que le peuple peut décider de ses représentants, garant de cette souveraineté, qu’il élit. Si les représentants ne sont plus souverains le peuple ne l’est plus. Il est temps de comprendre que depuis 2008 les députés sont privés de souveraineté et que la liberté qu’ils exercent est surveillée. Ils ne sont pas libres, ils ont des marges de liberté dans une structure fédéral que le peuple a rejeté. Certains s’en contentent, d’autres pas, mais tous n’y pensent même pas, puisqu’ils ne reviennent pas sur la décision de 2008 en se retournant vers le peuple souverain. Aussi toute la question est de réimpliquer le peuple avec un référendum d’autodétermination sur cette question essentielle qu’est la souveraineté et donc la démocratie.