
Conventions citoyennes : l’illusion démocratique érigée en Constitution
Vendredi 10 octobre 2025, par
Vendredi 17 octobre, de 15h à 19h, se tiendra le dernier plaidoyer d’une série de trois visant à inscrire les Conventions citoyennes dans la Constitution (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/dossiers/instauration_conventions_citoyennes).
Décidemment, la démocratie française traverse une crise de confiance sans précédent. L’abstention s’installe, la défiance grandit, la colère gronde. Et maintenant, pour face à ce malaise, certains proposent LA solution miracle : constitutionnaliser les conventions citoyennes. Et faire, ainsi, de ces assemblées tirées au sort un nouvel acteur de notre République.
L’idée paraît séduisante : donner la parole à des citoyens ordinaires, les écouter, les faire travailler sur des sujets complexes, et montrer ainsi que « la voix du peuple » est prise en compte.
Mais cette idée, si on gratte le vernis, est une impasse démocratique.
Un placebo démocratique
D’abord, qu’on ne s’y trompe pas, même inscrites dans la Constitution, les conventions citoyennes ne seraient jamais sources de droit autonome. En France, la loi est faite par le Parlement. Mais, c’est la Constitution et le droit européen qui en fixent les bornes. Les conventions ne pourraient donc qu’émettre des propositions, laissées à l’arbitrage des élus.
Résultat ? Les citoyens tirés au sort travailleront des mois, produiront des textes ambitieux… pour finir dans les tiroirs du législateur. Exactement comme la Convention citoyenne pour le climat, dont les promesses non tenues ont généré davantage de désillusion que d’adhésion. Constitutionnaliser ce mécanisme ne change rien à sa stérilité intrinsèque.
Le risque d’une double légitimité bancale
Pire encore, en dotant ces conventions d’une reconnaissance constitutionnelle, on crée une confusion démocratique. D’un côté, le Parlement, élu au suffrage universel, de l’autre, des mini-assemblées issues du hasard, sans mandat populaire, mais avec une aura constitutionnelle.
Que se passera-t-il le jour où une convention proposera une mesure massivement populaire, rejetée par les élus ? Le peuple sera sommé de choisir, soutenir ses représentants, ou soutenir des citoyens tirés au sort.
Autrement dit, une mise en concurrence des légitimités qui ne peut qu’affaiblir les institutions.
Une fragmentation de la représentation
L’histoire le montre. Les instances consultatives frustrées se transforment tôt ou tard en foyers de contestation. Les États généraux de 1789 en sont la démonstration éclatante, convoqués pour conseiller, ils se sont proclamés Assemblée nationale face au mépris royal.
En constitutionnalisant des conventions citoyennes sans pouvoir réel, on fabrique une nouvelle machine à frustration. Les citoyens diront : « On nous a donné la parole, on nous a promis l’écoute, et pour finir rien n’a changé. » De là à contester la légitimité des élus, il n’y a qu’un pas. Ce pas conduira non pas à une démocratie plus forte, mais à une fragmentation de la représentation :
• Les élus d’un côté, affaiblis.
• Les citoyens tirés au sort de l’autre, frustrés.
• Et au milieu, un peuple toujours plus défiant, convaincu qu’on joue avec sa parole comme avec une monnaie de singe.
L’illusion du contre-pouvoir
En vérité, cette réforme n’est rien d’autre qu’une illusion démocratique. On fait mine de donner du pouvoir au peuple, mais on ne lui donne rien. On maquille l’impuissance politique derrière un vernis participatif. On crée un théâtre institutionnel où les citoyens débattent, pendant que le vrai pouvoir reste aux mains des mêmes.
Constitutionnaliser les conventions citoyennes, c’est comme graver dans le marbre une promesse creuse. C’est dire aux Français : « Votre voix compte », tout en sachant parfaitement qu’elle ne comptera pas.
Conclusion : un piège institutionnel
La France n’a pas besoin de gadgets démocratiques, encore moins de nouvelles illusions. Elle a besoin de clarté, de responsabilité, et d’un Parlement qui assume pleinement sa fonction représentative.
Constitutionnaliser les conventions citoyennes, c’est ouvrir une impasse : plus de frustration, plus de défiance, plus de fragmentation. Loin de réparer notre démocratie, c’est ajouter une couche de mensonge institutionnel.
La démocratie ne se répare pas à coups de dispositifs décoratifs. Elle se répare en rendant au suffrage universel toute sa force, et en cessant de faire croire que le hasard d’un tirage au sort vaut la légitimité d’un vote.
Cet article est par ailleurs publié sur le site https://reuniondecisioncitoyenne.fr/ par le lien : https://reuniondecisioncitoyenne.fr/les-conventions-citoyennes-face-a-la-democratie/