Lettre aux gens de justice

Lettre aux gens de justice

Mardi 9 mars 2010, par Etienne Tarride

La Racine du mal


Le désastreux projet de suppression du Juge d’Instruction au profit du seul Parquet provoque aujourd’hui une protestation générale des professionnels de la Justice. Nous vivons un de ces moments trop rares où les Avocats et les Magistrats sont unis dans le même combat. Nous constatons avec satisfaction que les gens de justice sont rejoints par les représentants des victimes d’infraction et par de nombreux citoyens qui prennent conscience de la vraie nature du projet : étouffer les affaires trop sensibles des l’origine et sans tapage.

Toutefois, la racine réelle du mal n’est pas encore, nous semble-t-il, complètement mise à jour. Elle est en effet constitutionnelle.

Le vingtième siècle aura été un siècle de fracas. Les Nations Européennes auront dû affronter deux guerres mondiales, puis les fureurs de la décolonisation. Les autorités politiques en ont tiré une conséquence, la nécessité de soumettre la Justice. Le Pouvoir Judiciaire est toujours la victime des périodes de trouble. La Constitution de la 5ème République est, sur ce point, le reflet le plus clair qui soit de cette préoccupation, puisqu’elle ramène le Pouvoir Judiciaire au rang d’autorité judiciaire. La conséquence en est évidente, la Justice doit se soumettre à ce que le pouvoir politique estime être l’essentiel. Il n’étonnera personne que le pouvoir politique tel qu’il est exercé en France en 2010 estime que l’essentiel est la discrétion sur certaines affaires qui pourraient l’impliquer.

Tant, donc, qu’un changement de Constitution ne sera pas intervenu qui rétablisse en France le Pouvoir Judiciaire, la Justice devra, bon ou mal gré, finir par se soumettre. Une Constitution pour le 21ème siècle doit prévoir l’indépendance totale de tous les magistrats, qu’ils soient du Siège ou du Parquet, du plus petit des tribunaux d’instance jusqu’à la Cour de Cassation, en passant par la Cour des Comptes. Il est notamment inacceptable que la carrière des Magistrats, y compris ceux du siège, dépende en dernier ressort du pouvoir politique. Or, tel est aujourd’hui l’état du droit tel que la Constitution l’organise.

Seule une Assemblée Constituante élue au suffrage universel aura le poids suffisant à imposer un tel changement dans notre pays compte tenu de son Histoire. Il faut que les gens de Justice en prennent conscience.

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