Sacré 21 avril, vive le 29 mai !

Sacré 21 avril, vive le 29 mai !

Mardi 3 mai 2011, par Association pour une Constituante

Attention au 21 avril ! Ne recommençons pas le 21 avril ! À l’endroit, à l’envers. De toutes parts, s’élèvent, sondages « neutres » à l’appui, des appels contre le risque de la présence du Front National au deuxième tour de l’élection présidentielle.

Cette crainte légitime aboutit à des perversions. En focalisant les appels sur la présence éventuelle du FN au second tour, on fait de celui-ci le centre des débats. On masque les causes de la situation politique, on tente d’imposer des candidats, on traite par des manœuvres une crise politique de fond, on feint d’oublier que ce n’est pas le Front qui monte, mais les « principaux » partis qui baissent.

L’obsession du 21 avril est en fait un appel à voter dès le premier tour pour le PS et l’UMP. Tous les autres candidats seraient des diviseurs porteurs du risque majeur. Ainsi, il n’y a plus à juger de la qualité des programmes et des candidats des deux partis officiellement sélectionnés. Leur rôle serait, au delà de toute autre considération, de faire barrage au FN. Tel est le discours tenu depuis le 21 avril 2002.

Les responsables politiques n’ont surtout pas voulu faire une analyse sérieuse de l’évènement : la campagne de Lionel Jospin était mauvaise ; celle de Jacques Chirac aussi d’ailleurs ; les deux principaux partis ne répondaient pas aux aspirations des citoyens. Peu importe ! Au lieu de regarder ces réalités en face, on a montré du doigt les autres candidats en les accusant de disperser les votes, ce qui est, après tout, normal en démocratie.

Le risque d’extrême droite permet, par ailleurs, de culpabiliser les électeurs. C’est leur faute, ils se laissent aller à des facilités, ils ne vont pas voter. Ainsi, on assiste à cette inversion extraordinaire de la démocratie : les élus jugent les électeurs alors que ce sont eux qui doivent être jugés. Et voila, de ci de là, de Villepin à Fabius, l’appel au vote obligatoire au nom d’une conquête du droit de vote qui, historiquement, s’est souvent faite contre les intérêts qu’ils représentent.

Ainsi, on cherche à enfermer les citoyens dans le choix : être ou ne pas être pour le FN. Bien sûr, on amuse la galerie avec des gesticulations sans intérêt. Certains veulent organiser à gauche des primaires dont tout indique qu’elles seront favorables au PS. D’autres, à droite, tel Juppé, déversent un enthousiasme sans bornes pour le sortant Sarkozy, histoire de verrouiller tout débat. Cerise sur le gâteau, on imagine même de faire débattre a priori les citoyens sur le programme et les qualités du candidat qui, les institutions étant ce qu’elles sont, n’en aura rien à faire. Voila le merveilleux sophisme de la moderne démocratie : pour éviter le FN, votez pour PS et UMP sans vous préoccupez de ce qu’ils vont faire. Le FN est donc utilisé pour valoriser le bipartisme. Et même un bipartisme aseptisé puisque les politiques sont en fait assez proches.

Mais il permet aussi de ne plus se poser la question des institutions. Car, après tout, si le risque du FN au second tour existe, c’est aussi parce que les modalités de l’élection présidentielle le permettent. Pourquoi deux candidats seulement au deuxième tour ? Pourquoi cette élection qui structure toute la vie politique ? Pourquoi Lionel Jospin a-t-il inversé le calendrier électoral en 2002, rendant ainsi les législatives dépendantes de la présidentielle (le calendrier antérieur aurait-il donné les mêmes résultats) ? Mais les deux principaux partis se gardent bien d’évoquer ces questions. Cette élection est leur fond de commerce en dépit du brigand qui tente d’y participer.

Le vrai problème n’est jamais posé. Les Français aspirent à un renouvellement de la vie publique, à la possibilité de voir exprimées leurs aspirations par un jeu démocratique nouveau. C’est pourquoi une Assemblée Constituante élue au suffrage universel est nécessaire. Si tant de citoyens ne votent plus, ce n’est pas par désintérêt, c’est en effet parce que le système ne leur semble pas capable de les représenter. C’est aussi parce qu’on ne tient pas compte de leur volonté quand, par hasard, ils ont pu l’exprimer comme lors du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen.

De ce point de vue, il serait sans doute nécessaire de parler moins du 21 avril 2002 et un peu plus du 29 mai 2005.

2 Messages

  • Sacré 21 avril, vive le 29 mai !

    Le 28 avril 2011 à 17:27 par G.N

    Merci pour cette excellente analyse.

    Cependant, si je peux me permettre une première remarque :

    Ne pensez-vous pas que "l’Assemblée Constituante élue au suffrage universel", que nous appelons de nos voeux, pourrait plus rapidement advenir si, à une telle élection, la majorité des électeurs qui "aspirent à un renouvellement de la vie publique, à la possibilité de voir exprimées leurs aspirations par un jeu démocratique nouveau" étaient appelés à exprimer cette volonté de changement, lors de ce vote, par un bulletin blanc ?

    En effet, si une telle majorité venait à se dégager, il serait bien plus aisé pour faire en sorte qu’un processus "Constituant" soit engagé.

    C’est d’ailleurs, à ce sursaut Républicain, que François Hollande aurait dû appeler les Français, au soir du 21 avril 2002, si celui-ci avait eu une certaine présence d’esprit, compris immédiatement ce que ce résultat signifiait, et si il avait su prendre pleinement ses responsabilités en imposant à la direction de son parti (le PS), à toute la gauche, et aux abstentionnistes du premier tour, de voter au second tour, avec un bulletin blanc.

    En expliquant clairement et sans ambiguïté l’objectif d’une telle démarche, il aurait mis le Conseil Constitutionnel devant ses responsabilités, en lui demandant d’enteriner la volonté exprimée par les Français, si ces derniers venaient à mettre le bulletin blanc en position majoritaire.

    Qu’aurait-il pu se passer alors ?

    En appelant les Français qui aspirent au changement, à laisser les inconditionnels de l’UMP et du FN, voter pour leurs leaders, et à s’exprimer en mettant un simple bulletin blanc dans l’urne, lors du second tour de scrutin, une Assemblée Constituante aurait pu être votée au suffrage universel depuis 2002.

    Enfin, une dernière remarque :

    Ne croyez-vous pas que le processus de sélection des candidats, et les modalités de l’election présidentielle devraient être sérieusement revues et modernisées afin que les Français n’en viennent pas à se retrouver avec un "brigant" ou un "dictateur" type Ben Ali ou Hitler, à leur tête ?

    Or, malgré la kyrielle de "politologues" et "d’experts" en politique et en Droit Constitutionnel, c’est à un silence assourdissant auquel nous assistons depuis plus de 65 ans.

    En effet, qui a appelé les démocrates de toutes les démocraties du monde entier, de simplement savoir tirer la leçon de l’élection "démocratique" d’Hitler, en Allemagne dans les années 30, et d’en inscrire les modalités dans leur Constitution (gravées dans le marbre) ?

    GN

  • Sacré 21 avril, vive le 29 mai !

    Le 29 avril 2011 à 12:25 par A.B.

    En réponse à G.N.
    J’avais d’abord compris que vous souhaitiez un vote blanc à l’élection de la Constituante, ce qui m’étonnait. Mais je crois que vous parlez de la Présidentielle, ce qui me semble intéressant. Il est certain que le choix fait par le PS à l’époque était cohérent avec sa logique de diabolisation qui ne le menait pas à s’identifier à un combat, mais à une défense.
    La question du vote blanc est importante. Nous avons d’ailleurs publié des éléments sur ce sujet dans ce site. Il faut encore les approfondir et les populariser. Cela étant, la dynamique essentielle pour la Constituante est de se mobiliser de plus en plus en sa faveur. C’est pourquoi nous appelons à la constitution de cercles de plus en plus nombreux. La confiance en la démocratie qui est la notre n’est pas naïve et nous savons bien, comme vous, qu’elle est actuellement dévoyée. En revanche, je crois que les discours sur la démocratie qui mène à Hitler sont largement fabriqués par les adversaires de la démocratie. Hitler n’a jamais été majoritaire avant sa prise de pouvoir qui résulte à la fois de l’usage de la force et de combines des cercles dirigeants en Allemagne.

    A.B.

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