Qui a peur des électeurs ?
Mercredi 30 novembre 2011, par
Interrogé sur France Culture à propos des chances de réélection de Nicolas Sarkozy, un « spécialiste de la politique » a récemment déclaré d’un ton sentencieux que tout dépendrait « de sa capacité à donner l’impression qu’il n’est pas impuissant devant la crise ».
Au-delà du côté emberlificoté de la formule, remercions ce fin analyste de dire clairement que l’apparence prime sur le fond ou, comme on le dit savamment, que l’essentiel réside dans la communication.
Dans la même logique superficielle, nombreux seront les commentateurs officiels à entonner le vieux refrain appris sur les fonds baptismaux de la Ve République : les Français sont attachés à l’élection présidentielle au suffrage universel. Mais en est-on si sûr ? La marmite dite gaulliste ne sert plus aujourd’hui qu’à réchauffer la soupe amère d’un président omnipotent par rapport aux citoyens, sans pouvoir par rapport aux forces extérieures. Comment penser autrement lorsqu’on voit les agitations pathétiques de Nicolas Sarkozy face à une Allemagne dont l’ombre géante l’a tout à fait recouvert ?
Un peuple sans pouvoir élisant un président d’apparence, telle est aujourd’hui la situation. Et si cette élection rassemble plus d’électeurs que les autres, c’est sans doute que son côté « jeu de massacre télévisé » suscite quelque suspens distrayant : spectacle du cirque plus que débat raisonné, voilà qui peut attirer le chaland. Mais qu’importe au regard des enjeux sociaux, économiques et géopolitiques ?
Tout est faussé dans cette élection bizarre. Ces derniers jours, ce fut l’étrange, mais loin d’être anodine, polémique sur l’accord PS/Verts. Dans ce texte obtenu de haute lutte, les deux partis s’entendaient entre autres sur l’avenir énergétique du pays, la place de la France à l’ONU, ou encore la nature institutionnelle de l’Union européenne. Un naïf en aurait déduit que le PS et les Verts cherchaient un candidat unique dont ils précisaient ensemble les grandes lignes de campagne. Il semble bien pourtant que leurs couleurs seront défendues par deux personnes différentes, comme a semblé le prouver l’organisation de primaires. Mais alors pourquoi ne laisse-t-on pas aux électeurs le choix du programme qui leur convient le mieux ? Pourquoi la négociation a-t-elle lieu avant le scrutin et non sur la base de ses résultats ?
Période merveilleuse que celle d’aujourd’hui où flotte une atmosphère de théâtre d’ombres. L’élection qui cristallise l’attention semble ne servir à rien, sauf à choisir une personne à laquelle le fonctionnement institutionnel national et supranational confèrera la plus grande irresponsabilité politique. A ceci près que si tout pouvoir échappera aux électeurs, les décisions seront largement dans la main des opérateurs financiers qui donneront à l’heureux élu le véritable mandat.