29 mai 2005, une occasion manquée

29 mai 2005, une occasion manquée

Vendredi 29 mai 2009, par André Bellon, Tribune libre

29 mai, une occasion manquée

Le 29 mai 2005, la classe dirigeante se réveilla avec stupeur. Le peuple français qu’elle croyait endormi et soumis venait de rappeler son existence. Bien pis à ses yeux, en disant non à 55% au TCE (Traité constitutionnel européen), il avait affirmé sa souveraineté. Depuis des années, personne ne se souciait de sa volonté et les « gens sérieux » décidaient de l’intérêt général sans aucunement se préoccuper des réactions ou des inquiétudes des citoyens, négligemment qualifiées de « populistes ».

Quatre ans plus tard, nous nous devons de commémorer cet événement comme un acte fondateur. Car, fondateur, il aurait pu l’être. Désarçonnés par l’événement, les dirigeants du pays hésitaient entre le mépris du vote et le report des décisions un jour meilleur. Ils s’accordaient pour regretter une « insuffisance de pédagogie », comme à chaque fois qu’ils étaient sanctionnés. Jacques Chirac, alors président de la République, avouait son incompréhension. Le Parti socialiste (PS) étalait ses querelles internes. A Bruxelles, on cherchait déjà comment ne pas tenir compte du fait, d’autant que, deux jours après, les Néerlandais rejetaient eux aussi le TCE par un vote. Le Parlement européen, à une très large majorité, décidait que cela n’avait pas d’importance, mais sa décision n’avait pas de conséquences. Bref, la voie était ouverte à des remises en cause profondes.

C’est dans ce contexte que des apprentis sorciers décidèrent d’exploiter l’événement à des fins personnelles et, en tout cas, partisanes. Portant leurs regards sur la prochaine élection présidentielle, ils cherchèrent à créer un (ou plusieurs) candidats du Non. On eut ainsi la recherche du vrai porte parole du Non de gauche, voire du Non de la gauche de la gauche. Divisant ainsi, dès le lendemain du référendum, un mouvement essentiellement uni dans la réaffirmation de la démocratie et de la souveraineté populaire, ils en cassèrent la dynamique. Ils ignorèrent, à des fins politiciennes, la nature profonde de l’événement, le fait qu’avait eu lieu le plus grand mouvement populaire depuis des décennies.
Bien sûr, des divisions existent au sein du peuple. C’est la nature même de la démocratie. Mais il fallait amplifier la dynamique collective avant de poser les questions partisanes. On pouvait par exemple mobiliser pour demander la démission d’un président de la République sanctionné par les citoyens ; on pouvait réclamer la dissolution d‘une Assemblée nationale favorable à 97% au TCE. Et on pouvait, bien sûr, lancer un appel à l’élection d’une assemblée Constituante destinée à changer, par la souveraineté populaire, un régime politique à bout de souffle. Rien de cela ne fut fait. Au contraire, en cherchant à s’approprier le vote des Français, en parcellisant de plus en plus les électeurs du Non (qu’on invitait ensuite à participer à des combines avec des partisans du Oui) on détruisit toute dynamique et on ouvrit la voie à la reprise en main par les partisans du TCE. Le traité de Lisbonne et sa ratification par le Parlement le 4 février 2008 sont aussi le produit de cette palinodie.

Les conditions sont bien sûr différentes aujourd’hui. Mais le problème demeure, profondément ancré dans la conscience des citoyens. La vie politique continue, avec ses divisions et ses affrontements d’intérêts, mais elle tourne à vide, le système politique et institutionnel ne permettant pas de donner un débouché aux inquiétudes, colères et souhaits des Français. Pourtant la volonté de rassemblement et d’affirmation de la volonté collective exprimée le 29 mai 2005 demeure dans les esprits. Elle doit se traduire. Sur le plan symbolique, l’élection d’une assemblée Constituante au suffrage universel direct est le point vers lequel doivent tendre les énergies.

André Bellon