Politique et cinéma

Politique et cinéma

Mardi 6 août 2013, par Louis Saisi

«  Tout ça, c’est du cinéma !  »

On connaît tous cette fameuse expression qui veut dire combien un certain nombre de choses, qu’elles soient dites, vues ou entendues, sont parfois déconnectées du réel et relèvent soit de la fiction, soit carrément du mensonge, de l’hypocrisie, voire de la tartufferie…

Dans tous les cas, la fiction, comme le mensonge, l’hypocrisie ou la tartufferie supposent un savant montage (comme dans un film) à partir de la réalité pour lui faire dire autre chose que ce qu’elle dit…

En ce moment, sur ce registre, nos politiques nous gâtent particulièrement…
Pour faire un inventaire à la Prévert (non exhaustif) et distribuer quelques palmes (ce sera notre Festival à nous…), citons, parmi d‘autres, trois exemples assez significatifs :

- L’audition, le mercredi 26 juin 2013, par la commission d’enquête du Sénat sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale, de D. STRAUSS-KAHN, ancien directeur du FMI de mai 2007 à novembre 2011, ne manquait pas de sel…

Il paraît que l’ancien ministre de JOSPIN et ancien directeur général du FMI a pu ainsi déployer sa connaissance des rouages de l’économie mondialisée au point de subjuguer par sa science un aréopage de sénateurs transportés aux anges…

Ce que nos braves et vertueux sénateurs avaient manifestement oublié c’est l’affaire Nafissatou DIALLO ayant provoqué son départ du FMI, et aussi l’affaire du Carlton, qui lui avaient valu quelques démêlés avec la justice américaine, puis celle de son propre pays… Quant à l’épilogue, au civil, de l’affaire américaine, il y a lieu de rappeler que, selon le JDD du 20 janvier 2013, la femme de chambre du Sofitel aurait obtenu de D. STRAUSS-KAHN un dédommagement de 1,5 million de dollars pour qu’elle abandonne ses poursuites au civil contre lui…

Mais, nous disent en chœur tous ses anciens amis politiques, la sénatrice Marie-Noëlle LIENEMAN, ainsi que le Ministre du Budget, c’est comme expert qu’il a été auditionné et alors pourquoi se priver d’une telle expertise ?

Au sein de la Commission d’enquête du Sénat, aucun état d’âme non plus… Son président, le sénateur UMP François PILLET face à la critique d‘un tel choix, et joint par "Le Nouvel Observateur », marque sa surprise : "C’est le professeur d’économie, l’ancien ministre et l’ancien directeur du FMI que nous avons choisi d’entendre, ça s’arrête là" ». Et Nathalie GOULET, vice-présidente de la commission et sénatrice centriste de l’Orne, de surenchérir : " il n’y a eu aucune polémique, tout le monde était d’accord". Quant au rapporteur de la Commission, le CRC Eric BOCQUET, il estime que ce qui importe avant tout c’est de «  connaître comment fonctionne le système d’évasion fiscale » …

Quel beau consensus sénatorial dépassant les chapelles partisanes !

L’expertise d’abord ! Et celle-ci efface tout !

Mais l’ex directeur du FMI, est-il vraiment, en France, le seul "expert" sur ce type de sujet ? On peut en douter car nous n’en manquons sûrement pas, même nourris au même lait de la veine libérale qui fut toujours celle de D. STRAUSS-KAHN !

C’est vrai que deux autres « experts » devraient prochainement être également auditionnés : Lionel JOSPIN, ancien Premier Ministre, et Christine LAGARDE, directrice du FMI…

Mais alors, si l’expertise est le seul critère, pourquoi, demain, le Sénat, au prétexte qu’il a été Ministre du Budget, surtout s’il lui arrivait, comme à Dominique Strauss-Kahn, de sortir "blanchi" de ce dont il est accusé, n’en appellerait-il pas à l’expertise de Jérôme CAHUZAC et à son diagnostic sur les questions budgétaires ???

- Haro sur José Manuel BARROSO, Président de la Commission européenne

J-M. BARROSO, le président de la Commission européenne, est accusé actuellement, en France, de tous les maux dont souffre l’UE et ses Etats membres, dont le nôtre d’abord…

Après Arnaud MONTEBOURG, notre médiatique et remuant Ministre du Redressement productif, rendant BARROSO responsable du score élevé du Front National dans la 3ème circonscription du Lot et Garonne (défense de rire !), c’est au tour d’autres membres du gouvernement d’y aller de leur couplet…Cécile DUFLOT, Ministre EELV du Logement brandit l’« image de l’Europe dévastatrice », Benoît HAMON, Ministre de l’économie sociale et solidaire, stigmatise un projet européen devenu un « casse-modèle social », Nicole BRICQ, Ministre du Commerce extérieur reproche à « Barroso de n’avoir rien fait de son mandat »…

Ainsi les socialistes feignent aujourd’hui de s’étonner de la mise en œuvre par la Commission européenne et de son responsable (BARROSO) d’une politique européenne de régression sociale résultant elle-même du Traité de Lisbonne sur l’UE auquel ils ne se sont pas opposés au Parlement, et ce contre la volonté populaire (s’étant exprimée en 2005 lors du rejet du TCE) et qui organise la casse de nos services publics et de notre système de protection sociale. Mieux, tout récemment encore, à l’occasion du sommet du G8 en Irlande du Nord, a-t-on entendu la France, par la voix de son Président, émettre la moindre critique contre la perspective de la constitution d‘un Marché commun Transatlantique entre l’UE et les USA en vue d‘une libéralisation totale des échanges ?

Ainsi nos ministres socialistes prennent le Président de la Commission européenne pour le bouc émissaire des maux résultant d’une certaine politique européenne que pourtant, de sommet en sommet, ils ne cessent d’approuver. De cet « ultra libéral » qu’ils dénoncent en France, ils approuvent à Bruxelles les grandes orientations de la Commission qu’il préside…

- L’État dans tous ses états dans l’affaire Tapie…

On connaît les rebondissements judiciaires actuels à la suite de la sentence arbitrale rendue en faveur de Bernard TAPIE le dédommageant contre l’État d’une somme de plus de 400 millions d’euros.

Selon Le Monde (vendredi 28 juin), l’État aurait déposé, le jeudi 27 juin, un recours auprès de la cour d’appel de Paris en révision de cette sentence arbitrale.

L’on aurait pu en déduire, au pays de Descartes, que l’État estimait donc avoir été spolié…

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait indiqué, après l’annonce de la mise en examen de Stéphane RICHARD dans l’affaire Tapie, qu’il veillerait à défendre l’intérêt de l’entreprise Orange dans laquelle l’État possède 27% des parts et dispose de trois administrateurs.

Mais notre État n’est pas rancunier mais plutôt « grand seigneur »… En effet, les représentants de l’État au conseil d’administration d’Orange ont voté, sur instruction de François HOLLANDE et du Gouvernement, pour le maintien à son poste du PDG actuel de l’entreprise, Stéphane RICHARD, ancien directeur de cabinet de Christine LAGARDE à Bercy, mis en examen pour "escroquerie en bande organisée" dans le cadre de l’affaire TAPIE. C’est encore ici l’expertise et la réussite de l’intéressé au sein d’Orange qui sont retenus pour justifier une telle décision. C’est le règne des experts… Mais la démocratie, dans tout ça, y trouve-t-elle son compte ? Et comment veut-on, après une telle actualité aussi désolante, que nos concitoyens fassent confiance au système politique de notre pays et à ceux qui les gouvernent ?

Louis SAISI