Mettre en œuvre une Assemblée Constituante

Mettre en œuvre une Assemblée Constituante

Mercredi 28 août 2013, par Jean-Pierre Crémoux

Nous avons appelé depuis longtemps à une réflexion et à des propositions quant aux modalités d’élection des constituants. Le texte ci-dessous de Jean-Pierre Crémoux est de ce point de vue particulièrement intéressant et appelle les réactions.

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Mettre en œuvre une Assemblée Constituante

Indépendamment du chemin à suivre pour entrer dans un processus débouchant sur une Assemblée Constituante qui, si l’on exclut l’hypothèse du "grand soir", devrait être logiquement le résultat d’un référendum d’initiative populaire faisant lui-même suite à un large débat, on ne peut éluder la question de la représentation démocratique pour constituer une telle Assemblée et s’y préparer en évitant particulièrement ce qui semble être deux écueils principaux :

- un tirage au sort qui amènerait certes un échantillon représentatif de la population à participer au débat mais qui faute de mandat électif serait facilement récusable par les experts et autres professionnels de la politique,

- un mécanisme de vote issu du système des partis politiques en place et qui inévitablement ramènerait sur la scène du débat les oligarques et autres politiciens déjà sur le terrain au détriment de la diversité sociale et de la pluralité des opinions avec au final la confiscation du débat.

L’objectif est donc bien de réunir une assemblée de citoyens motivés et mandatés pour débattre de ce qui devrait être la base d’une refondation républicaine. Essayons à partir de là de dégager quelques pistes pour un mécanisme qui donnerait consistance à une telle construction.

Tout d’abord, quelques chiffres volontairement arrondis et majorés pour simplifier le débat : visons donc à réunir une Assemblée d’environ 600 représentants pour 60 millions de français (beaucoup moins d’électeurs inscrits bien sur), soit un pour 100.000 citoyens.

Si nous oublions le découpage actuel des circonscriptions, tellement charcuté et manipulé par les différentes majorités au pouvoir, et prenons comme base électorale les électeurs inscrits dans chaque département, nous avons là un périmètre clairement établi et incontestable. Avec par exemple un département de un million d’habitants nous devrions avoir à la suite d’un processus électif local une représentation nationale de 10 représentants pour le département considéré, bien évidemment il en serait de même proportionnellement pour chacun de nos départements et la représentation territoriale serait ainsi assurée.

Comment organiser cette représentation ?

Il est clair que les personnalités politiques ayant déjà pignon sur rue risquent d’être incontournables et les exclure du débat ne serait pas très démocratique mais pour assurer l’expression de la diversité des opinions un mécanisme en deux temps pourrait être proposé :

- constitution d’assemblées départementales par cooptation directe des électeurs,

- élection au sein de cette assemblée des représentants nationaux pour la Constituante.

Étape 1 : Constitution d’Assemblées départementales

Le premier processus de cooptation par les électeurs pourrait prendre la forme suivante : chaque candidat, sur la base de sa profession de foi, devrait réunir entre 1000 et 1050 signatures, pas plus mais pas moins, les 5 % d’écart permettant de se protéger d’éventuelles invalidations. Toujours sur la base d’un département de un million d’habitants, nous aurions alors une assemblée départementale largement inférieure à 1000 représentants en raison même de la moindre quantité d’électeurs que d’habitants (les mineurs entre autres) ainsi que des abstentions.

- chaque représentant départemental serait tenu de publier la liste des électeurs le soutenant, ce qui permettrait à chacun de vérifier si sa signature a été prise en compte ou si elle est toujours libre pour un autre candidat,

- les communes auraient à charge, moyennant les outils informatiques ad hoc, de vérifier la validité des signatures dans leurs listes électorales ainsi que la présence de doublons avec une procédure d’invalidation à préciser,
Ce mécanisme permettrait une large expression des différentes composantes associatives, professionnelles voire même communautaires de la société en ne favorisant aucunement les ténors de la politique. Il pourrait se réaliser sur une période de temps de l’ordre de quelques semaines.

Supposons, toujours dans le cadre de notre exemple que 500 représentants soient finalement mandatés par les électeurs pour constituer l’assemblée départementale ; ils ont tous un poids égal par les mille signatures qu’ils représentent.

Si l’on considère par ailleurs les limites de l’exercice en fonction de la population des départements ou collectivités territoriales deux cas se présentent :

- les petits territoires tels que Saint Pierre et Miquelon ou Saint Barthélémy qui auront sans doute moins de 10 représentants ce qui n’est pas un problème à ce niveau car leur participation avec leurs spécificités au débat national est aussi nécessaire,

- les grands départements ayant plus d’un million d’habitants et pour lesquels il pourrait être opportun à la suite d’un vote de l’assemblée des représentants de scinder celle-ci en deux, voire trois assemblées qui opéreront en parallèle. La distribution entre les différentes assemblées devant alors se faire par tirage au sort pour éviter d’entrée de jeu tout regroupement partisan.

Étape 2 : Mission des Assemblées départementales

Les assemblées départementales étant constituées elles auraient deux missions principales avec une limite de temps qui ne devrait guère excéder les six mois ; ces travaux pouvant être faits à travers différentes sessions plénières qui pourraient avoir lieu en week-end pour faciliter la disponibilité des représentants.

Les deux missions devraient être :

- la compilation d’un « cahier de doléances » dans lequel seraient rassemblées toutes le critiques des mécanismes institutionnels actuels qui nous gouvernent,

- l’élaboration de propositions concrètes pour une représentation nationale répartissant au mieux les pouvoirs exécutifs, législatifs, judiciaires et médiatiques, les modes de représentation, le statut des élus, la durée des mandats, les règles de cumul, les mécanismes révocatoires, etc.

Une fois ces travaux réalisés qui auront donné l’opportunité aux délégués de connaître par le débat les positions défendues par les uns et les autres il s’agirait de constituer la délégation départementale des futurs constituants sur la base d’un scrutin de liste avec comme résultat un nombre de constituants correspondant à la taille de l’assemblée départementale, soit un élu pour 50 représentants, ce qui permettrait en arrondissant le nombre d’élus à l’entier supérieur d’avoir un constituant élu pour les petites collectivités de moins de 100.000 citoyens.

En résumé, nous arriverions donc à la correspondance suivante avec pour objectif global d’avoir un élu pour 100.000 citoyens :

- en retirant les abstentionnistes qui ne mandateront personne ainsi que les mineurs ou les non inscrits on peut estimer à 50.000 électeurs sur 100.000 citoyens (50%) qui pourraient désigner un représentant par le processus décrit en étape 1 soit au total 500 représentants regroupés au sein d’assemblées départementales. Au total ces assemblées départementales représenteraient donc les choix de 30 millions de citoyens et environ 30.000 élus.

- ces assemblées après avoir débattu en étape 2 et en élisant leurs représentants sur la base d’un constituant pour 50 amèneraient bien à la création d’une Assemblée Constituante de 600 membres.
Nous aurions ainsi constitué une représentation citoyenne nationale dûment mandatée et représentative de la société française dans sa diversité. Il ne resterait plus qu’à ouvrir le chantier de la Constituante !!

Quelques points seraient toutefois à traiter avant la mise en route d’une telle mécanique :

- le statut des représentants : autant au niveau départemental ce statut pourrait être basé sur le volontariat et le bénévolat et éventuellement aidé par les signataires en soutien, autant celui du représentant national devrait être pensé et correctement indemnisé en raison même des préjudices qu’il causera nécessairement dans la vie familiale et professionnelle du constituant.

- les procédures de contrôle des signatures supposent que l’on puisse traiter de manière systématique l’identification de chaque électeur par son bureau et sa commune de rattachement pour assurer les contrôles nécessaires à la validation des signatures.

Reste à voir, et ce n’est pas la moindre affaire, comment déclencher un véritable débat dans le pays autour de sa refondation démocratique avant que nos édiles aient fait disparaître nos départements et fondus nos régions dans une Europe fédéraliste et surtout non démocratique. C’est, je le crois, le but premier de notre Association.

3 Messages

  • Avant de mettre en œuvre un vote pour l’Assemblée Constituante

    Le 28 août 2013 à 17:21 par Alain PERSAT

    Bonjour à tous

    Il existe un principe fondamental : à partir du moment où une constituante se met en place, cela signifie que la constitution en cours est récusée, or comme c’est la loi primordiale, l’existence même d’une constituante est logiquement "hors la loi".

    De la constitution peuvent alors être repris ou non des thèmes jugés positifs, mais reprendre ses pratiques qui ont apporté le déni actuel de la démocratie serait à mon avis une erreur.

    Parmi ces thèmes existe le principe électoral unipersonnel, qui consiste à choisir un élu parmi tous les candidats en comptant celui qui gagne le plus de voix.

    Cette pratique présuppose que le plus grand nombre à raison, or cela n’est démontré nulle part, le seul avantage de ce système serait de faire le plus petit nombre de mécontents. L’inconvénient majeur est que le plus organisé, le plus « leader », celui qui a le plus de moyen et de bagout est élu, mais si savoir se faire élire relève du spectaculaire, de la manœuvre et du charisme, gérer un pays ou organiser une constituante est de l’ordre de l’efficacité de l’intelligence, de l’imagination, mais pas de l’éloquence.

    De plus l’idée nouvelle est forcément minoritaire, choisir le représentant du plus grand nombre revient à reproduire l’existant. Nous devons donc dissocier les circuits de représentation de ceux des apports d’idées.

    Quand au représentant élu avec le système actuel celui qui a la majorité peut se permettre d’affiner ses idées, celui qui a la minorité doit ratisser large, cela conduit à diviser un groupe entre deux leaders, les autres s’éliminant par manque d’espoir d’arriver à un résultat et surtout par crainte de faire perdre celui qui est moins éloigné de lui. L’électeur ne vote plus en sincérité mais par stratégie, et cette stratégie est influencée par tous les « on-dit » rumeurs et sondages. L’élu gagnant se retrouve avec 50% plus quelque chose des suffrages exprimés, il sait que près de la moitié ont voté contre lui, et que ceux qui ont voté pour lui ne sont pas tous vraiment sincères. Sa parole « publique » de représentant en perd en crédibilité.

    Ensuite le fait de voter délègue un pouvoir quasi irrévocable, et l’élu peut faire ce qu’il veut sans trop de soucis nous le constatons tous les jours !

    Alors avant de décider qui sera élu, par qui et combien seront-ils il faut avant tout au moins réfléchir :
    - Sur le principe de la représentation, ses contrôles, limites, devoirs et révocations,
    - Sur le principe de l’élection pour remplacer au moins le vote unipersonnel favorisant des leaders par un vote multi-personnel favorisant des rassembleurs.
    - Sur la séparation du circuit des idées (jamais majoritaire) de celui des représentants.

    Trazibule

  • Mettre en œuvre une Assemblée Constituante

    Le 28 août 2013 à 17:29 par Sylvie Rabatel

    Cette méthode pose tout de même quelques problèmes :

    Voyons les Hauts-de-Seine de 1 572 490 habitants et la Seine-Saint-Denis de 1 522 048, ces départements auraient tous les deux 15 représentants ?

    Ou prenons le Finistère de 897 628 habitants et l’Oise de 803 595, ils auraient tous deux 8 représentants ? La méthode est peut-être à affiner.

    Quand à 1000 ou 1050 signatures, si l’un d’eux obtient 50 000 voix ou plus, y aura-t-il suffisamment de voix en tout, pour élire le nombre voulu de représentants ?

    Et comment pourraient-ils tous avoir un poids égal, dans l’assemblée départementale si l’un d’eux à 5 ou 6 fois plus de signatures que les autres ? De toute évidence il faut pondérer les votes selon le nombre de signatures obtenues….

    Quand au contrôle et à la validation des signatures, c’est bien ainsi que l’on procède en Suisse lors d’une récolte de signatures pour une initiative populaire. Chaque commune édite des feuilles A5 avec des cases pouvant contenir au plus 5 signatures chacune. Et chaque électeur ne peut signer que la feuille de sa commune de citoyenneté. Ce qui permet à chaque commune de vérifier la qualité d’électeur des signataires.


    J’en viens maintenant à une autre idée à creuser :

    Non pas voter pour des hommes (femmes) mais pour des idées.

    Chaque commune établi un cahier de doléance ouvert à tous les citoyens de la commune,

    Et ensuite la commune organise une votation en faveur des doléances exprimées 1, 2, 3 ou ainsi de suite, les doléances les plus populaire devenant les plus importantes.

    Ces doléance seront ensuite réunie en une somme pour tout le département, ce travail pouvant se faire par une assemblée départementale telle que citée plus haut.

    Puis, les représentants nationaux monteraient à Paris avec leur cahier de doléance sous le bras,

    pour ouvrir le chantier de la Constituante.

    N’est-ce pas un peu ainsi que l’on a procédé en 1789 ? Sauf que l’on pouvait avoir confiance en les représentants qui étaient « naïfs » et non pas des vieux magouilleurs de la politique à la langue de bois !!

  • Mettre en œuvre une Assemblée Constituante

    Le 29 août 2013 à 08:22 par Albert-Jean Morazzani

    Très bonne initiative !

    Dès que l’on sort de l’incantation et que l’on s’attaque au réel il faut saluer cet effort .

    Quelques remarques :

    - le nombre de 600 constituants me semble faible ; je propose de le multiplier par quatre pour deux raisons : assurer aux petits départements une pluralité ( 4 délégués pour 100 000 hab.) et surtout éviter de retrouver 600 caciques de la politique ; députés + sénateurs + présidents de département et de région + "grands maires " ne devraient pas grâce au cumul des mandats (!!!) dépasser de beaucoup le millier de délégués .

    - reste au niveau départemental un gros obstacle : comment éviter que les caciques locaux ne soient majoritaires en trustant les mille signatures faciles à obtenir grâce au clientélisme pour tout élu moyen ?
    - enfin et surtout qui donne le " big bang " ? pas le "grand soir" , pas une défaite militaire ( 3ème République ) , une défaite suivie d’une victoire ( 4ème République ) , la décolonisation ( 5ème République ) , alors quoi ? une crise sociale ? mais c’est le Grand Soir !!!!

    Encore bravo pour le travail effectué .

    Albert-jean Morazzani

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