Lettre ouverte à Monsieur Martin HIRSCH après le décès d'une patiente en salle d'attente de l'Hôpital Cochin

Lettre ouverte à Monsieur Martin HIRSCH après le décès d’une patiente en salle d’attente de l’Hôpital Cochin

Mardi 18 mars 2014, par Jean-Marc Guillon

Nous avons à plusieurs reprises alerté face à la crise des services publics de santé. La défense des hôpitaux, en particulier des services d’urgence représente une des doléances les plus marquantes. Jean-Marc Guillon publie ici la lettre ouverte du Syndicat National des Médecins Hospitaliers suite au décès d’une patiente dans la salle d’attente de l’Hôpital Cochin.

***


SYNDICAT NATIONAL DES MEDECINS HOSPITALIERS
SNMH - FORCE OUVRIERE

Lettre ouverte à Monsieur Martin HIRSCH

Directeur Général de l’AP-HP


Paris, le 7 mars 2014

Monsieur le Directeur Général,

Médecins hospitaliers, nous avons pris connaissance du texte intitulé : « Décès d’une patiente à l’Hôpital Cochin (AP-HP) : Publication des conclusions de l’enquête et des recommandations » émanant du Bureau d’Enquête-Analyse du Groupe Hospitalier « Hôpitaux Universitaires Paris Centre » (HUPC), qui relève de vos services.

Ce document résulte d’une enquête diligentée à la suite de la survenue du décès d’une patiente dans le service d’accueil des urgences de l’hôpital Cochin (AP-HP) le 15 février 2014.

Dans ce document on lit : « l’anomalie qui préoccupe est de ne pas avoir trouvé la patiente et non pas son décès. » Cette phrase est le reflet de tout le contenu de ce texte et des recommandations qu’il contient.

Nous médecins, sommes indignés aussi bien par le contenu que par la méthode de cette publication !

Dans les faits : cette patiente de 61 ans arrive aux urgences à 16h30. Elle est « classée » par l’infirmière d’accueil comme devant être prise en charge dans l’heure. Un médecin envoie un étudiant hospitalier à 21h30 pour l’examiner, mais personne ne trouve la malade. On la découvre sans vie à 23h et le décès est constaté à 23h10.

Selon vos rapporteurs, les causes du décès sont sans intérêt… Mais nous, médecins, sommes scandalisés qu’on juge normale une situation de charge de travail telle qu’il y avait 5 heures d’attente aux urgences pour une personne qui aurait dû être examinée dans l’heure. Chose inouïe, on ne l’a pas trouvée au milieu des autres patients tant ils étaient nombreux dans la salle d’attente !

Voilà bien les conséquences tragiques de la situation dans laquelle vous-même et vos prédécesseurs avez plongé les hôpitaux de l’AP-HP.

Le dernier coup porté, en novembre dernier, et non le moindre, est la fermeture de l’Hôtel-Dieu. Depuis ce sont 120 patients par jours que vous dirigez vers des services que vous savez déjà surchargés.

Car ce n’est pas faute de vous avoir prévenu. En effet, à maintes reprises, les personnels hospitaliers, les médecins et leurs organisations syndicales vous ont alerté sur le danger de débordement des services d’urgence restants. C’est fait, le premier accident est arrivé.
Il est à craindre qu’il ne soit pas le dernier ! …/…

Vos rapporteurs affirment : « le jour de l’événement, la situation en personnel était conforme
à ce qu’elle doit être habituellement ». Ils affichent leur satisfaction de constater que les « sorties sans avis médical » qui « sont fréquentes dans un contexte d’attente longue, 7 à 12 cas journaliers, sont stables malgré la récente augmentation des passages quotidiens ».

Quelle bien curieuse façon de concevoir la médecine !

Mais surtout, nous médecins, sommes indignés que l’on condamne froidement les urgentistes parisiens à subir une telle situation quotidienne et définitive. Tous les jours, avec des moyens insuffisants, ils reçoivent un nombre de patients comparable à l’afflux massif de victimes observé lors d’une catastrophe exceptionnelle. Que se passerait-il d’ailleurs dans une telle situation ?

Les recommandations et prétendues solutions, proposées dans ce rapport, sont indignes : elles ne consistent qu’à étiqueter, trier les patients, ’’protocoliser’’, ’’informatiser’’, rentabiliser, ’’courtcircuiter’’ les prises en charges (fast-track, en anglais dans le texte et aussitôt traduit !) …dans une totale indifférence, devant la véritable misère humaine qu’illustre cette tragédie.

Monsieur le Directeur Général, comment pouvez-vous accepter :

- que dans un service d’urgence une patiente soit morte sans que personne ne s’en rende compte,

- qu’il y ait plus de 7 heures d’attente dans la plupart de vos services d’urgence en raison du trop grand nombre de malades reçus,

- et en même temps qu’un superbe service d’urgence à l’Hôtel-Dieu, parfaitement équipé et pouvant délester les autres services surchargés, reste vide faute d’une décision de votre part ?

Monsieur le Directeur Général, Il est de votre devoir d’octroyer à tous les services d’urgences de l’AP-HP dont vous avez la responsabilité les moyens en médecins et personnels réclamés depuis si longtemps.

Monsieur le Directeur Général, il est de votre devoir de rouvrir immédiatement les urgences à l’Hôtel-Dieu de Paris.

Monsieur le Directeur Général nous vous demandons, compte-tenu de la gravité de la situation, de nous recevoir.

Dans l’attente de cette entrevue, recevez Monsieur le Directeur Général, l’expression de nos salutations, respectueuses de votre fonction liée à la défense de l’Hôpital Public.

Le bureau national du SNMH-FO

snmh.fo@fosps.com

1 Message

  • Lettre ouverte à Monsieur Martin HIRSCH après le décès d’une patiente en salle d’attente de l’Hôpital Cochin

    Le 1er avril 2014 à 20:27 par Dr D.Persoons

    Monsieur le directeur général, l’"accident de Cochin" cache un énorme problème dans les hôpitaux français : la disparition du directeur médical . Il s’agit d’un choix franco-français puisque le directeur des hôpitaux existe toujours en Suisse, en Allemagne, en Belgique etc .. et est même plus influent que le dirceteur administratif. En France, l’administration est devenue trop puissante et elle a tué la vie civile , associative et le pluralisme social. La conséquence de cette technocratie est la déshumanisation des hôpitaux qui devraient être des lieux d’empathie. A chacun son métier, les énarques ne sont pas sélectionnés pour leur aptitude à la compassion...., c’est hélas ce qui explique la "fracture sociale" dans le secteur de l’économie médicale et sanitaire.
    En avril 1969 le général De Gaulle a soumis au référendum populaire la "régionalisation" et le "pluralisme" (fusion du sénat et du conseil économique et social) politique. Hélas le NON l’a emporté. Si le vote populaire avait avalisé le testament politique du général, la France aurait aujourd’hui un régime quasi fédéral. Et l’"assurance-maladie" serait restée paritaire ... comme en Allemagne. Et l’ordre des médecins jouerait le rôle de la HAS ... tout semble montrer qu’en France , aujourd’hui, l’Etat ne parle plus qu’à l’Etat et que les corps professionnels civils ne sont plus écoutés. L’hôpital en est un indicateur dramatique.
    Votre passé au sein de la communauté Emmaüs vous prédispose à une écoute plus attentive des professionnels engagés dans les métiers d’entraide sociale. Si vous laissez passer la "bavure" de Cochin" alors vous installez un régime sanitaire insultant et immoral, mais surtout intouchable. Vos administrations apprendront tôt ou tard que les Français n’ont pas oublié comment monter des barricades et faire la contestation..... ceci me semble inéluctable.
    Dr D.Persoons Chirurgien orthopédiste, CH de Saverne, 67400

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