Où va le tissu associatif ?

Où va le tissu associatif ?

Vendredi 12 septembre 2014, par Didier Minot, René Chaboy

La question du rôle des associations et de leur financement n’est pas neuve. Nous avons publié à plusieurs reprises les prises de position du collectif des associations citoyennes indiquant l’importance économique, politique de ce secteur de la vie sociale.

Les subventions accordées aux associations –par l’Etat ou par les collectivités territoriales- ont souvent donné lieu à critiques et nous publions ci-dessous une doléance de « lien en pays d’oc » qui illustre ce type de réactions. Il est vrai que le contrôle des finances publiques est fondamental en République (article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen). Dans le même temps, il faut savoir que le terme « associations » cache des réalités très diverses et qu’en particulier, les très grosses associations para administratives ressemblent plus à des entreprises qu’à des associations de citoyens. Est-il logique de comptabiliser les 57 millions versés par l’Etat à l’AFPA, les 3 millions, 800 versés à HEC,… au même titre que les soutiens à des associations de citoyens qui font vivre localement tout le tissu social ?

C’est pourquoi, même si nombre de critiques telles que celle exprimée ci-dessous par le citoyen Chaboy sont justifiées, elles ne sauraient s’appliquer à tout le secteur associatif. Dans cet esprit, nous publions aussi ci-dessous l’analyse de Didier Minot, au nom du Collectif des associations citoyennes.

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Doléance du citoyen René Chaboy,

http://www.lienenpaysdoc.com/

Demandons des comptes de résultat aux associations subventionnées qui n’en rendent pas. Si nous devons tous payer la dette publique, ceux qui reçoivent des subventions doivent publier publiquement leurs résultats.
Plutôt que d’accorder des sommes considérables à des communications sur des marchés et des événements ne répondant plus à la demande de la consommation dominante mais pourrait s’orienter vers la consommation citoyenne et responsable, pourquoi les municipalités rurales ne s’ouvriraient-elles pas au travail proposé par les réseaux coopératifs citoyens existants ?
L’année passée 4000 euros ont été accordés par la municipalité de Caylus au seul marché des potiers de Caylus, sans pouvoir obtenir le compte de résultat, l’analyse qui permettrait d’associer les propositions des associations travaillant les projets de développement rural durable est impossible. Avec la forte demande de l’agroécologie locale qui reste le facteur principal de développement économique rural ; une forte somme pourrait se répartir vers d’autres associations ayant des moyens limités. Ce travail coopératif de répartition éviterait le développement de la dette publique pour tous sans ouvrir de portes pour la microéconomie locale durable.

Cette année la subvention au marché des potiers serait passée à 5000 euros pour un seul jour. Nous pourrions peut être découvrir une subvention du Conseil Général en plus si les comptes de toutes les assos subventionnées étaient rendues publiques. Des exposants témoignent du droit aux places fortement élevé, , alors que cette somme mieux répartie apporterait pour le village des investissements notamment liés à l’entretien du patrimoine pour un village accueillant le tourisme.

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Analyse de Didier Minot  :

Estimation de l’incidence des restrictions budgétaires sur les associations

Le gouvernement a décidé de diminuer de 50 milliards le niveau des dépenses publiques entre 2015 à 2017. Il apparait aujourd’hui que l’objectif est de parvenir à une baisse permanente du niveau de l’action publique de 50 milliards, en exigeant des restrictions comparables sur les différents budgets de l’action publique.
Quelle est l’incidence de ce plan sur les associations ? On notera que ce plan n’est pas encore en application. Les difficultés présentes des associations résultent des décisions antérieures de gels du montant des financements. Les difficultés vont apparaître crescendo à partir de 2015. L’impact sera très différent selon les activités associatives, car la part des financements publics est très différente, passant de 23 % pour le sport à 60 % pour l’action sociale. Les collectivités, qui assurent aujourd’hui 57 % des financements publics vont être les premières touchées. Mais la rigueur s’applique à l’ensemble des sources de financements publics (État, sécurité sociale, CAF,etc..).
En tenant compte de la diversité des situations, une estimation des pertes budgétaires des associations montre une perte progressive mais très importante du niveau des financements publics, (qu’il s’agisse de subventions ou de commandes publiques) de 1,5 milliards en 2014, 5,2 en 2015, 9,20 en 2016 et 13,4 en 2017, soit un total de 29,2 milliards d’euros de manque à gagner en l’espace de quatre ans. C’est en ce sens qu’on peut parler de tsunami notamment pour les secteurs les plus dépendants des financements publics.
Les réactions possibles des associations sont multiples :
- beaucoup vont réduire leur activité et licencier ou disparaître ;
- certaines associations citoyennes vont commencer par se serrer la ceinture, avec un sur-travail des salariés, une baisse de la qualité des services et la diminution du volume des actions. Mais ceci n’a qu’un temps, et la déstructuration de l’activité de l’association de proches en proche ;
- certaines vont davantage faire appel à une augmentation de la part des prestations. Cela équivaut à une privatisation des associations, synonyme d’abandon de leur utilité sociale et du sens de leur action,
- du fait de la privatisation de secteurs entiers de l’action publique, avec notamment l’instauration de « services au public », certaines entreprises associatives vont développer des réponses à des commandes publiques nouvelles, alors que les associations petites ou moyennes n’y auront pas accès.
Sur ces bases, en tenant compte des capacités de survie et des capacités de privatisation de certaines associations, une estimation des emplois menacés en termes de moyennes conduit un volume global de 25 000 emplois menacés en 2014, 65 000 en 2015, près de 80 000 en 2016 et 95 000 en 2017. Ceci confirme que les décisions prises se traduisent par un énorme plan social, d’ampleur supérieure à celui qui a résulté des reconversions industrielles des années 1980 car diffus sur tout le territoire.
Cette approche purement comptable permet de fixer des ordres de grandeur. Mais derrière les pertes d’emplois et la dégradation des conditions de travail ce sont des vies humaines qui sont en jeu, des souffrances, des vies brisées et parfois des ruptures familiales. La dégradation des conditions de travail entraîne une désorganisation du travail associatif. Elle se conjugue avec les retards de paiement, la complexification des procédures et la multiplication des appels d’offres.
Toutes les associations sont impactées, mais les associations moyennes sont les plus touchées, car elles sont les moins à même de s’adapter au marché en répondant aux appels d’offres.
Pourtant, les associations sont indispensables à la vie en société. Elles ne constituent pas une charge mais un apport central pour :
- la restauration du lien social, du vivre ensemble et la solidarité ;
- la participation citoyenne au sein des territoires ;
- la mise en application des droits fondamentaux et de la lutte contre les discriminations ;
- la démocratie et la participation citoyenne ;
- l’amorce de la transition écologique, à la fois au quotidien et dans une approche globale ;
- l’épanouissement des personnes par la culture, l’éducation populaire, le sport.
Comment ces fonctions seront remplies en 2017 si aucune mesure n’est prise ? La disparition des financements publics se traduira par un recul sans précédent de ces actions nécessaires à la vie en société, avec des conséquences que les pouvoirs publics n’ont pas mesurées et un fort accroissement des coûts. En effet, les services privés coûtent plus cher que les services associatifs qui comportent une part de bénévolat.
Loin d’être résiduelle, cette action des associations citoyennes correspond à des besoins qui vont s’accroître avec l’aggravation de la crise et la nécessité de trouver des réponses moins onéreuses et plus rationnelles que celles imposées par le marché en matière de transport, de services, d’action culturelle, de pratiques sportives. On constate, à travers des myriades d’actions de terrain, une multiplication de ces innovations sociétales et des actions de proximité pour aller dans ce sens. C’est un grand motif d’espoir. Cette floraison d’initiative traduit la soif d’agir des citoyens face à une situation de plus inacceptable. Supprimer cette capacité d’inventer de nouvelles formes de participation citoyenne conduit à la violence.

En conclusion, il n’y a pas de commune mesure entre la situation des associations en 2013 et en 2014 et celle qui va prévaloir au cours des 3 années à venir. Si rien n’est modifié, nous allons vers un véritable tsunami avec l’arrêt progressif des subventions aux associations, notamment aux associations moyennes, et des conséquences sociétales très importantes. C’est pourquoi il est essentiel que le gouvernement et le Parlement se préoccupent aujourd’hui de prendre les mesures correctrices nécessaires. C’est l’intérêt du pays tout entier.

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