Vers une financiarisation de l’action sociale ?
Mardi 16 décembre 2014, par
Pascal Geiger a assisté au débat sur la financiarisation de l’action sociale organisé par la coordination des associations citoyennes. Il en donne ci-dessous le compte rendu.
CAC Soirée débat 27 novembre 2014
Vers une financiarisation de l’action sociale ?
Exposé de Jean-Claude BOUAL
Les investissements à impact social
Le 25 septembre 2014 Hughes SIBILLE, vice-président du Crédit coopératif et créateur d’AVISE (Agence de valorisation des initiatives socio-économiques), qui milite fortement en faveur de l’entreprenariat social remettait à Madame Claude DELGA, secrétaire d’Etat chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, un rapport intitulé : « Comment et pourquoi favoriser des investissements à impact social ? Innover financièrement pour innover socialement » (http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/RapportSIIFce_vdef_28082014.pdf ).
Ce rapport qui concerne la France s’inscrit dans un mouvement plus vaste, initié en juin 2013 par le G8 (les gouvernements des huit Etats les plus riches du monde : Etats-Unis, Chine, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie + Russie) à l’initiative de David CAMERON (qui, chef du gouvernement du Royaume-Uni, présidait cette année là ; la présidence du G8 est tournante chaque année).
Comme le précise Madame DELGA elle-même dans son communiqué du 29 septembre 2014 à propos de ce rapport :
« Les travaux de ce comité s’inscrivent dans le cadre des réflexions menées par la Taskforce internationale sur l’investissement à impact social, constitué en juin 2013 par les Etats du G8. Son président, Sir Ronald COHEN, a remis à Londres le 15 septembre dernier son rapport final au Premier Ministre britannique et Président du G8 en 2013, Davis CAMERON. Il intègre les rapports des sept comités consultatifs nationaux ainsi que les rapports des quatre groupes de travail (Mesure de l’impact social ; Allocation d’actifs ; Profit avec mission ; Financement du développement international). »
Le rapport de Hughes SIBILLE résume donc pour la France la doctrine du G8 à ce sujet, doctrine mise au point dans les pays Anglo-saxons, Royaume-Uni, Etats-Unis, Canada, Australie, Irlande.
Il s’insère aussi dans la politique communautaire sur : « Les investissements sociaux en faveur de la croissance et de la cohésion » initiée depuis 2009/2010 par la Commission européenne.
A ce stade, il faut donc dire quelques mots du contexte global dans lequel cette initiative prend forme.
La Crise, crise systémique du capitalisme néolibéral, avec ses conséquences sociales très graves et très profondes :
– Développement des inégalités qui deviennent socialement insupportables.
– Développement des inégalités entre pays, de la précarité et de la pauvreté au sein même des pays les plus développés. Tous sans exception : France, Etats-Unis, Royaume-Uni, et même ceux que l’on présente comme modèle et où les économies sont soi-disant florissantes : Allemagne, Suède et pays nordiques.
Pour reprendre en l’adaptant une formule célèbre aujourd’hui à nouveau : le spectre du social hante le monde occidental !
Il faut bien essayer de répondre à cette demande sociale, à cette situation créée par les décisions prises de tout livrer au marché, y répondre au moins formellement, et, surtout en essayant d’en tirer profit.
Or les secteurs social et culturel échappent encore dans beaucoup de pays de l’Union européenne notamment au marché.
La demande sociale y est très forte et il faut (faudrait) investir dans tout le champ social :
– De la santé (hôpitaux)
– À l’enfance
– À la vieillesse, avec le vieillissement de la population dans nos pays
– Aux prisons
etc.
Comment investir quand les finances des Etats sont mises à genoux ? La réponse est :
En faisant appel au privé en lui garantissant des retours suffisants, sinon il n’investit pas.
La démarche : Le rapport de Hughes SIBILLE comprend en annexe un long discours de Sir Ronald COHEN, assez longuement évoqué dans la note du CAC, qui mérite le détour car il explique la démarche, idéologique et concrète, du pourquoi des investissements à impact social :
(Je cite) « Aujourd’hui, ces Etats providence conçus pour le vingtième siècle baissent les bras dans la lutte contre les défis sociaux de ce nouveau siècle ».
Constat qui paraît d’évidence mais il ne dit pas pourquoi : résultat des politiques néolibérales, des cadeaux aux grandes multinationales notamment ainsi qu’au patronat au détriment du travail et des décisions de baisser les impôts des riches et des entreprises…diminuant les ressources des Etats et des systèmes sociaux, décision de « baisser les coûts du travail », en clair baisser les salaires. Et bien sûr, selon le principe de TINA (There Is Not Alternative), il n’y a pas d’autre politique possible. Il faut poursuivre, et donc c’est au tour du social à qui il convient d’appliquer plus fortement les recettes néolibérales.
Car cela a commencé depuis longtemps :
– Baisse des remboursements de la sécurité sociale,
– Diminution des prestations chômage,
– Remise en cause de l’universalité des prestations (logement en 1977 : réforme de l’APL, aujourd’hui la politique familiale…) pour ne citer que ces trois exemples.
C’est une constante des préconisations de la Commission : les prestations sociales ne doivent être versées que moyennant des contreparties et des conditions de ressources (voir le début de la note du CAC).
Et Sir Ronald COHEN le dit explicitement : il « croit que nous sommes désormais à l’aube d’une révolution sociale, une vague d’entreprenariat social succède à la vague d’entreprenariat lucratif ». Phrase extraordinaire car il semble dire que l’entreprenariat social ne serait pas lucratif alors que l’objet même de l’entreprenariat est d’être lucratif – le non lucratif est toujours défini différemment de l’entreprenariat - et par la suite, toute la philosophie consiste à rendre lucratif l’entreprenariat social avec les « social impacts bonds (SIB) » =les actions à impact social et la garantie d’un retour jusqu’à 13% chaque année du capital investi.
D’ailleurs la liste des investisseurs qui ont investi dans les pays où les opérations ont commencé sont tous de « grands philanthropes désintéressés » : les institutions financières comme J.P. MORGAN, Deutsche Bank, Goldman SACHS, Bank of America, Merrill LYNCH, Morgan STANLEY, AXA, HSBC, UBS et toute une série de fondations d’entreprises ( de multinationales).
Le rapport, lui-même, commence par une première partie appelée « Vision ». Dans cette vision :
« Le Comité défini l’investissement à impact social comme un investissement qui allie explicitement retour social et retour financier sur investissement ». L’investissement à impact social ne se résume donc, ni se limite à l’économie sociale et solidaire, mais toute entreprise privée est appelée à investir dans le social. Le Comité attache une importance particulière à l’approche européenne de ces travaux dans le prolongement de l’initiative pour l’entreprenariat social européen. « Son principal objectif est de favoriser la montée en puissance d’un marché global de financement de l’entreprenariat et de l’innovation s’attaquant directement aux questions sociales, tout comme le capital développement a pu le faire dans le champ des technologies » qui dégage un résultat social en même temps que financier, qui établissent des objectifs sociaux mesurables et qui en mesure régulièrement leur accomplissement.
J’ai fait allusion à la réforme du logement social en France en 1977 – il y a donc 37 ans -, le rapport signale cette difficulté du temps pour aboutir.
L’investissement à impact social demande un changement de mentalité et signale le rapport : « ce changement de mentalité n’arrivera pas du jour au lendemain. Il faudra bien dix à vingt ans pour que le phénomène prenne toute son ampleur, parce qu’il faut du temps pour bâtir des modèles à suivre et que ce sont ces modèles qui stimulent les entrepreneurs ».
Il s’agit bien d’une stratégie de moyen, long terme, avec une vision de la société. Nous y reviendrons dans les conclusions.
Il s’agit aussi d’une stratégie large à vocation européenne (je l’ai déjà signalé) mais aussi à vocation mondiale (ce sont les Anglo-Saxons qui la poussent et veulent conserver leur hégémonie économique mondiale). L’orientation 5 du rapport s’intitule : « Stimuler l’investissement à impact social pour le développement international ». Elle comporte six propositions dont la proposition 17 : « Amender le règlement E.U-S.E.F pour qu’il finance les entreprises sociales localisées dans les Pays en voie de développement (PVD) » et la 20 : « changer le statut des garanties pour qu’elles soient mieux comptabilisées par l’OCDE » avec des « dévelopments impact bonds », soit des actions à impact pour le développement qui sont l’équivalent des « social impact bonds » pour le financement d’actions à vocation sociale dans les pays développés », (page 115 du rapport), dont le principe est celui-ci :
« Des investisseurs privés apportent le financement initial, un « fond de roulement » permet la mise en œuvre du projet (sur une période 8 à 10 ans pour les premières expériences). Des acteurs publics (donateurs et éventuellement gouvernement du pays bénéficiaire) ou privés (philanthropes) s’engagent à « acheter » les résultats obtenus après vérification indépendante ».
L’argument central vis-à-vis de la puissance publique est qu’elle est gagnante à tout coup. Si les objectifs sociaux sont atteints, elle se rembourse sur les économies faites grâce à ces objectifs, sinon elle ne débourse rien et c’est le privé qui perd son investissement.
L’Union européenne, quant à elle, encourage les Etats à mettre en place ce système mais les compétences sont en ce domaine principalement nationales et elle a adopté une réglementation permettant d’avoir accès au Fonds social européen pour ce type de financement. Mais ses recommandations sont intéressantes car elles permettent de bien voir ce qui est en cause. Pour la Commission européenne :
Qui en bénéficierait et comment ?
Le renforcement des investissements sociaux profiterait à tous :
– enfants et jeunes : intervention à un stade précoce et autres mesures pour briser les cercles vicieux intergénérationnels ;
– demandeurs d’emploi et chômeurs de longue durée : politique de soutien intégré et plus accessible pour aider à trouver du travail ;
– femmes : renforcement de l’égalité des chances et réduction des entraves à l’emploi ;
– personnes âgées : possibilité de contribuer plus longtemps à la société et à l’économie ;
– personnes handicapées : renforcement de l’autonomie et adaptation des lieux de travail ;
– sans-abris : réinsertion dans la société et sur le marché du travail facilitée ;
– employeurs : population active plus nombreuse, plus qualifiée et en meilleure santé ;
– la société dans son ensemble : la hausse de la productivité et du taux d’emploi, l’amélioration de la santé publique et le renforcement de l’inclusion sociale stimuleraient la croissance et soulageraient les budgets de protection sociale.
Pourquoi l’UE doit intervenir ?
– Les politiques dans le domaine social et en matière de santé sont principalement une compétence nationale. Mais la crise nous montre que les économies des pays européens sont hautement interdépendantes.
– L’UE aiderait financièrement les pays de l’UE à adopter les réformes nécessaires, notamment par l’intermédiaire du fonds social européen.
Qu’est-ce qui changerait exactement ?
– L’UE propose de favoriser les mesures qui renforcent les compétences et les capacités des citoyens et suppriment les entraves à l’emploi.
– Les ressources devraient être utilisées de manière plus efficace et plus concrète pour assurer une protection sociale adéquate et viable ;
– Les politiques sociales donneraient de meilleurs résultats : il s’agit d’accroître la productivité, de renforcer l’employabilité des citoyens, d’améliorer la santé, d’aider les gens à sortir des situations de pauvreté et d’exclusion et d’assurer un niveau de vie décent.
Projet à vocation large, favorisant l’entreprise pour investir dans le social (et plus largement l’environnement – c’est pointé dans le rapport- mais aussi, c’est évident, la culture surtout avec les plans d’austérité qui coupent les crédits publics dans toute l’UE), c’est un projet qui vise nos modes de vie.
Il s’agit en fait, petit à petit, à travers des dispositions techniques (évaluation de l’impact social qui mesurera le bénéfice social et économique de l’action, -avec inévitablement des critères quantitatifs et comptables car ce sont les seuls quantifiables) qui induiront un management strictement de type économie de marché (du privé) de diminuer la qualité voire les normes, des services rendus car ce seront les retours sur investissement qui domineront.
Cette offensive du G8 est à coupler avec les accords internationaux dits de libre échange en cours de discussion, tel le TISA sur les services (et les services publics) entre une soixantaine d’Etats, ceci dans le plus grand secret, qui visent aussi à faire entrer les services publics dans le marché et revoir leur qualité et normes ; et bien sûr le traité CETA entre le Canada et l’UE déjà signé mais non ratifié ; et le déjà célèbre TTIP/TAFTA entre l’UE et les Etats-Unis.
Voici pour le contexte et les objectifs.
Le contenu du rapport :
Deux mots sur la commission qui a rédigé le rapport pour le gouvernement français à la demande conjointe de Sir Ronald COHEN pour le G8 et de Benoit HAMON, ministre de la consommation à l’époque :
Vingt-neuf personnes, toutes issues du monde de la banque, du capital investissement, de l’administration ayant des liens avec ces milieux. Aucun représentant du mouvement associatif, le premier intéressé par les conséquences, sauf le MOUVES qui approuve cette démarche.
Donc pas de contrariété, on reste entre-soi.
Les six axes et les vingt et une propositions :
Je vais les énumérer mais ne commenterai que les trois ou quatre les plus significatives pour ne pas être trop long.
« Les vingt et une propositions s’articulent autour de six axes : i) améliorer l’adéquation entre offre de financement et besoins des entreprises à impact social ; ii) augmenter les ressources financières disponibles ; iii) favoriser l’émergence d’entreprises à impact social ; iv) développer l’investissement orienté sur des missions sociales définies par les fonds et fondations ; v) stimuler l’investissement à impact social pour le développement international ; vi) mettre en place un cadre pour mesurer l’impact social ».
ORIENTATION 1 : améliorer l’adéquation entre offre de financement et besoins des entreprises à impact social. Il s’agit de construire une offre aux stades de développement de l’entreprise ou structure à impact social à la diversité des risques. Il s’agit d’améliorer les modalités de la mise en marché de cette offre spécifique, avec des mesures d’accompagnement de projet ;
Proposition 1 : faciliter la création d’acteurs du Capital risque « Early stage » en leur ouvrant l’accès au fonds national d’amorçage.
Proposition 2 : Permettre la création d’une véritable activité de « capital développement » au profit des associations en phase de changement d’échelle (ce qui signifie que l’on va encourager le regroupement d’associations pour qu’elles atteignent la taille critique.
Proposition 3 : Expérimenter en France les obligations à impact social en les adaptant au contexte national.
Cette proposition est une des plus emblématiques, arrêtons-nous un instant sur elle. Les Obligations à impact social (OIS) sont nées au Royaume-Uni avec comme objectif de réduire le taux de récidive des sortants de la prison de Peterborough.
Le postulat de départ de l’OIS est de considérer que le financement des services sociaux représente un risque financier pour la collectivité publique si les résultats escomptés ne sont pas atteints. Cet outil est donc censé déplacer ce risque depuis les pouvoirs publics vers un investisseur privé. « Les Social Impacts Bonds (SIB) sont porteurs d’un mécanisme très astucieux de report du risque de non atteinte du résultat d’une action à vocation sociale, de la puissance publique vers un investisseur privé » (page 32). Et donc la puissance publique serait gagnante à tous les coups car si l’objectif est atteint, elle rémunère certes l’opérateur mais elle se rattrape par les économies qu’elle réalise grâce à la diminution du coût de la récidive. Et si les objectifs ne sont pas atteints, elle ne rémunère pas l’opérateur et donc elle n’a pas investie et a fait des économies ;
Mais voici le schéma :
Quatre intervenants : (1) Collectivité publique, (2) Investisseur (3) Intermédiaire financier et (4) Opérateur social.
La collectivité publique prévoit une « amorce » financière laquelle est complétée par un investisseur. L’ensemble est coordonné par un intermédiaire financier qui attribue les fonds à l’opérateur social qui met en œuvre le service. Le dispositif est soumis à des critères de « performance sociale » et l’évaluation des résultats conditionnera le paiement de l’intermédiaire et le remboursement de l’investisseur lequel se verra attribué une marge bénéficiaire si les objectifs sont atteints.
Il existe deux types d’obligation à impact social :
Type 1 : En rémunération des risques pris, l’investisseur perçoit en cas de succès une rémunération substantielle (jusqu’à 13% annuel ou soit 90% sur sept ans), et théoriquement en cas d’échec il perd sa mise de départ. A signaler que si le retour sur investissement doit être de 13%/an pour l’investisseur, les intermédiaires (banques..) et l’évaluateur ne « travaillerons » pas pour rien et réclameront aussi leur part, ce qui porte les marges à dégager à bien plus que 13%. Au bout du compte ça coutera très cher à la collectivité publique responsable du service à rendre et qui aura passé le contrat.
Type 2 : La rémunération est modulée en fonction de l’impact social. Si l’objectif n’est pas atteint, la perte possible du capital ne dépassera pas 20% de l’investissement de départ.
L’objectif affiché du comité français est de créer un « marché de l’investissement à impact social » visant un changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire en France et en proposant des outils destinés à favoriser ce type d’investissement qui associent retour financier au retour social sur investissement.
A rapprocher de l’extension des titres associatifs dans la loi Economie sociale et solidaire du 31 juillet 2014.
Proposition 4 : Renforcer l’offre d’accompagnement aux entreprises sociales « à potentiel » en phase de premier développement ou de changement d’échelle.
Proposition 5 : Fluidifier la mobilisation des investisseurs de l’épargne solidaire au profit de projets ambitieux.
Proposition 6 : Renforcer la liquidité des titres solidaires et à impact (ce qui signifie créer un marché, une bourse pour ces titres).
Proposition 7 : Apporter des modifications à la directive européenne UCITS4 afin de permettre l’investissement en billets à ordre et bons de caisse.
Ces sept propositions portent toutes sur des mesures d’ordre financier.
ORIENTATION 2 : il s’agit de consolider, amplifier et élargir les dispositions mises en place avec succès pour l’épargne solidaire en France.
Proposition 8 : mobiliser de nouvelles sources de financement en mobilisant « les avoirs en déshérences ».
Proposition 9 : Donner une déclinaison solidaire à tous les produits d’épargne.
Proposition 10 : Distinguer les placements solidaires par un label.
Proposition 11 : Entreprendre une action de promotion du secteur auprès des marchés financiers.
ORIENTATION 3 : Favoriser l’émergence d’entreprises à impact social
Proposition 12 : Offrir un cadre juridique adapté aux entreprises (commerciales) à impact social avec la création d’une Société à Objet social étendu (S.O.S.E).
ORIENTATION 4 : Développer l’investissement au service de la mission par les fonds et Fondations. Il s’agit de renforcer la présence des Fondations et fonds de dotation en France en créant un cadre favorable à l’investissement au service de la mission (« Mission Related investissement »). (Le texte est bourré d’expressions anglaises comme si en France on ne comprenait pas le français).
Proposition 13 : Assurer la présence et la représentation des fonds et Fondations dans le développement de l’investissement à impact social.
Proposition 14 : Confirmer le rôle clé des fonds et Fondations au service de financements innovants du secteur social et de l’ESS et leur permettre de jouer un rôle plein et entier en tant qu’investisseur.
Proposition 15 : créer rapidement un cadre favorable à l’investissement au service de la mission en France, s’inspirant de la notion de « Programme related investissement » (PRI).
ORIENTATION 5 : Stimuler l’investissement à impact social pour le développement international. Il s’agit que la démarche d’investissement à impact social s’applique de manière adaptée dans les pays du Sud.
Proposition 16 : Créer un agrément « entreprises solidaires de développement ».
Proposition 17 : Amender le règlement EUSEF pour qu’il finance les entreprises sociales localisées dans les pays en voie de développement (PVD).
Proposition 18 : Modifier l’interprétation de la loi sur le régime fiscal des dons aux fondations et ONG.
Proposition 19 : Faire évoluer les structures des SICAV et FCP.
Proposition 20 : changer le statut des garanties pour qu’elles soient mieux comptabilisées par l’OCDE.
Proposition 21 : Accroître la mobilisation du groupe de l’AFD en faveur de l’investissement à impact.
ORIENTATION 6 : Mettre en place un cadre de référence pour mesurer l’impact social.
Peu développé mais il y a fort à parier que ce cadre « d’évaluation », en fait, sera la mise en œuvre des méthodes de management du privé par le stress et les résultats uniquement financiers :
– Comme pour les partenariats publics privés, à terme cela coûtera plus cher aux finances publiques (à noter que l’opération « récidive de la prison de Peterborough » a été interrompue !)
– L’emploi dans les associations se dégradera sous l’effet du management privé et la concurrence accrue avec les investisseurs privés entraînera des disparitions d’associations ou leur mise sous tutelle directe des investisseurs privés (de grands groupes financiers ou autres).
– Le sens de l’action associative disparaît.
En conclusion provisoire :
Il convient de ne pas sous estimer cette offensive ultralibérale de long terme pour modifier de fond en comble les systèmes de protection sociale et les conditions de fourniture des prestations sociales. Il s’agit de remplacer la protection sociale de l’Etat providence fournie par des services publics et des associations jugée trop couteuse par un système marchand afin de dégager des profits. La définition des missions sociales définies au départ par une autorité publique le serait de plus en plus par des organismes privés, fondation, fonds de pension, banques- les financeurs. De plus les autorités publiques assurent de fait le rendement, parfois élevé jusqu’à 14%, des capitaux engagés sous des conditions plutôt floues, d’objectifs à atteindre plus ou moins.
Inventé dans les pays anglo-saxons (Royaume-Uni et Etats –Unis) ce système vise à s’étendre au monde entier. La santé, toutes les prestations sociales doivent passer en douceur si possible dans le marché. Le processus est déjà bien engagé, dans les pays du sud de l’UE qui ont été soumis aux injonctions de la troïka (Grèce, Portugal, Espagne, Irlande, pays Baltes, Roumanie, Bulgarie etc.) Il est également engagé en France avec la politique de restriction budgétaire et de diminution des prestations sociales et des remboursements de santé, mise en œuvre par le gouvernement. Comme chaque fois, cette mise sous le marché de secteurs nouveaux qui pour l’essentiel y avaient échappé et reposaient sur la solidarité, il est fait appel aux bons sentiments pour justifier, et surmonter les réticences et les oppositions.
C’est bien une autre société que vise à construire ce type de solution. Une société dans laquelle toutes les solidarités sont détruites au profit de solutions individuelles. Pour les néolibéraux ainsi que le soulignait Madame Thatcher, « la société n’existe pas, il n’y a que des individus ». Nous assistons actuellement à une offensive tout azimut échelonnée mais cohérente, du développement de la philanthropie en remplacement des financements publics dans tous les domaines sociétaux (social, santé, culture, défense des droits, de l’environnement, éducation populaire…etc.), aux investissements à impact social qui visent à mettre dans les mains de la finances tous ces secteurs qui y échappaient encore trop.
Lire : le rapport complet rédigé par le Comité Français sur l’investissement à impact social http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/RapportSIIFce_vdef_28082014.pdf
Lire aussi : le communiqué de presse du Crédit Coopératif http://www.credit-cooperatif.coop/fileadmin/doc/communiques_de_presse/2014/CC_CP_SSI_092014_VF.pdf
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