MACRONMEGAS OU MICROMEGAS ?

MACRONMEGAS OU MICROMEGAS ?

Mardi 17 février 2015, par Tribune libre, Vincent Sizaire

MACRONMEGAS OU MICROMEGAS ?
par Vincent Sizaire
(en médaillon l’avis de Jacques Attali)

Le projet de loi dit Macron aura donc été adopté en première lecture à l’assemblée nationale au moyen de la procédure fort peu démocratique, dite du 49-3, par laquelle le gouvernement engage sa responsabilité sur le texte, afin, en un mot, de passer outre sa propre majorité. De son vrai nom, « projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (sic.) », ce texte n’est cependant pas ce qu’on en dit.

Il n’est évidemment pas cet instrument quasi miraculeux vanté par ses promoteurs et le petit marigot éditocratique, l’outil inespéré d’un regain spectaculaire de dynamisme économique permettant la création de centaines de milliers d’emplois. N’en déplaise à tous ceux qui croient encore en son effet performatif, il ne suffit pas d’empiler sans aucun souci de cohérence les articles de loi pour construire une politique publique efficace. Ce texte est certes sous-tendu par un crédo donnant un semblant de sens commun à toutes ces dispositions, à savoir une certaine obsession dé-régulatrice grossièrement maquillée en une croisade pour la « libéralisation » des forces vives de l’économie. Mais qui peut aujourd’hui croire un instant que ces vielles recettes néolibérales, mises en œuvre avec assiduité depuis plus de trente ans, aient d’autre effet sinon d’autre objet que d’accroître les inégalités, la paupérisation et la précarisation ?

Car ce projet de loi n’est pas non plus la grande rupture avec un « modèle social français » que ses thuriféraires comme ses contempteurs se plaisent à voir remis en cause par le texte. Ses dispositions s’inscrivent indéniablement en contradiction avec le programme du conseil national de la résistance. Mais elles ne font hélas que prolonger des tendances reprises par nos gouvernants depuis bien longtemps et qui toutes traduisent une hostilité plus ou moins consciente et avouée au projet d’une grande démocratie économique et sociale mis en route à la Libération.

Sans prétendre faire l’inventaire de cette loi des danaïdes, relevons ainsi que la dérégulation du transport collectif de voyageurs par car s’inscrit dans la mise à sac du service public que nous observons en la matière depuis des années, en France et dans le reste de l’Europe. Que les privatisations d’actifs publics – et notamment des aéroports de Lyon et de Marseille – s’inscrivent dans l’histoire longue de la grande braderie du patrimoine public que nous connaissons depuis des décennies. Que la charge contre les professions juridiques règlementées – au final fort modérée – s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus ancien de dérégulation ciblée de la vie des affaires. Plutôt que distinguer suivant les fonctions – le service rendu par un notaire n’a rien à voir avec la rente de situation d’un greffier au tribunal de commerce – et de remédier réellement aux difficultés d’installation dans certains territoires, il s’agit de faire du droit une marchandise comme les autres afin qu’il ne soit plus un « obstacle » pour certaines puissances d’argent.

Relevons, enfin, que les attaques contre le droit du travail contenues dans ce texte ne font que conforter l’orientation de la loi du 17 juin 2013, adoptée avec beaucoup moins de remous alors qu’elle a permis aux employeurs de s’affranchir a purement et simplement du respect de leurs obligations légales en matière de licenciement économique. Une loi qui ne faisait elle-même qu’élargir une brèche ouverte en…1982, date à laquelle on a admis que la convention collective – dont le contenu dépend du rapport de force entre patronat et syndicats – puisse déroger aux règles du code du travail. Pour choquante qu’elle soit, l’extension du travail dominical n’est bien que l’arbre cachant la forêt.

Au final, ce projet de loi apparaît comme un texte manquant singulièrement d’ambition. Non pas, bien sûr, dans sa propension à répondre à la soif inextinguible de dérégulation des néolibéraux. Mais, alors que le 11 janvier le peuple français a manifesté une demande renouvelée de démocratie, que le 25 janvier peuple grec a donné mandat à un nouveau gouvernement pour combattre sans complexes la dérive technocratique de l’union européenne, on attendait un sursaut politique d’une autre stature. Un projet qui, plutôt que d’accentuer encore un peu plus la régression oligarchique de nos sociétés, lance enfin le grand chantier de sa régénération démocratique.

En un mot, l’élection d’une assemblée constituante au suffrage universel.

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