L'hiver des peuples

L’hiver des peuples

Dimanche 30 janvier 2011, par André Bellon

L’année 1848 vit une multiplication des révolutions à travers l’Europe. C’est ce qu’on appela "le Printemps des peuples". En même temps que le peuple français qui, une nouvelle fois, renversa la monarchie, on vit les allemands, les autrichiens, les italiens,…, bouleverser les régimes autoritaires qui dirigeaient jusqu’alors leurs pays. Si beaucoup ont alors été réprimées, elles portaient en germe cette éternelle aspiration à la liberté qui est au cœur de l’Humanisme.

Depuis plusieurs années, on voit une nouvelle fois resurgir cette volonté de secouer le joug des contraintes imposées par un système inhumain qui cherche à confisquer l’idée même de liberté. C’est aujourd’hui un hiver des peuples qui secoue la planète. De Reykjavik à Tunis, d’Athènes à Alger ou au Caire, les masses populaires se sont remises en mouvement. Les régimes souvent dictatoriaux, parfois corrompus, qui étaient jusqu’alors soutenus par nos gouvernements et par les « marchés » qui les contrôlent, vacillent sur leurs bases. Nos dirigeants ne savent plus quel discours tenir, tant fut long l’aveuglement plus ou moins volontaire à l’égard de ces régimes.
Bien sûr, on expliquera que le soutien à Ben Ali était le seul moyen d’empêcher l’islamisme ou qu’il n’y a pas d’alternative à Moubarak. Discours classique de ceux qui se résignent au moindre mal lorsqu’on ne touche pas à leurs intérêts ; mais discours à courte vue car c’est justement l’acceptation de l’inacceptable qui crée l’émergence du pire.
Aujourd’hui, les peuples ont retrouvé leur voix. La première chose à faire est de savoir les écouter. Mais il y a bien des raisons d’en douter. Ainsi, les fameuses agences de notation privées qui ne représentent que des intérêts bien superficiels ont baissé la note de la Tunisie : la démocratie ne fait pas recette sur les marchés financiers. Dans le même temps, la bourse du Caire baisse de 10% et l’on voit ce titre apocalyptique : "les troubles en Égypte minent les bourses".
En Islande, pays pourtant bien tranquille avant la crise de 2008, les conséquences des krachs boursiers avaient conduit à une telle impasse, à de telles injustices, qu’une Assemblée Constituante avait été élue. Au prétexte que cette assemblée pouvait débattre de la nationalisation des ressources naturelles et parce qu’elle pouvait aussi envisager la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la cour suprême, saisie par les propriétaires terriens et par des anciens élus conservateurs, a annulé la convocation de la Constituante, prétendant ainsi que la volonté populaire n’est pas souveraine, faisant fi du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La cause n’est pas définitivement entendue puisque le gouvernement intérimaire a été forcé de réaffirmer son soutien au processus.
Mais là est le nœud du problème car ce droit fondamental s’oppose à une mondialisation qui nie les peuple et broie leur volonté. Les réactions locales contre les manifestants sont souvent l’expression de puissances plus mondiales. C’est pourquoi, au delà d’aménagements mineurs, volonté des citoyens et forces mondialement dominantes s’opposent dans tous ces pays. La victoire de la démocratie aurait un effet d’entrainement qui remettrait en cause tout le système qui gère aujourd’hui la planète.
Et qu’on ne dise pas que les français ne font qu’attendre patiemment l’alternance. Les grandes manifestations pour les retraites ont montré à la fois la forte mobilisation sociale et la volonté populaire d’un changement des règles du jeu politique. C’est là le sens de l’appel à une Constituante.
Car c’est bien la Constituante qui est au cœur de cet hiver des peuples ; c’est la régénérescence de la démocratie contre le pouvoir d’oligarchies inutiles.
Ce symbole de la Constituante, notre Association le promeut depuis trois ans et nous sommes évidemment enthousiasmés de le voir se développer dans toutes ces manifestations démocratiques. Car il ne s’agit pas de remplacer un pouvoir oppressif par un autre, mais de faire vivre la souveraineté populaire.

Ce printemps qui s’annonce doit être celui de la démocratie.