Non à la révision constitutionnelle devant le Congrès prévue en janvier 2016
Samedi 26 décembre 2015, par
Réponse de Francis Lenne à la révision constitutionnelle devant le Congrès prévue en janvier 2016, avec les nouveaux articles 3-1 et 36-1 de la Constitution imaginés par le Gouvernement.
Exigeons un référendum. Ce n’est pas une utopie, c’est la loi, c’est la Constitution qui l’exige, c’est le contraire qui serait de la soumission. Nous voulons simplement rester des citoyens libres.
Le projet de révision de la Constitution voulu par l’exécutif après les attentats du 13 novembre 2015 prévoit l’ajout de deux articles, l’un concernant l’état d’urgence et nos libertés et l’autre les principes de la démocratie avec la déchéance de nationalité pour les binationaux.
Cette révision est majeure, lourde de conséquences pour l’exercice des libertés de chaque citoyen et elle doit donc, constitutionnellement, être soumise à référendum. Faute de quoi elle devra être considérée comme inconstitutionnelle et elle justifiera la mise en œuvre de la résistance du peuple français à l’oppression que prévoit notre Constitution.
Le 16 novembre, quelques jours après les attentats de Paris, François Hollande annonçait son intention d’"agir contre le terrorisme de guerre". Il était temps !
Le texte de l’avant-projet de loi constitutionnelle tel que diffusé par l’AFP ce jour, texte qui prétend être "de protection de la Nation" est voulu par l’exécutif. Ce sont deux nouveaux articles qui ont été transmis pour avis au Conseil d’État. Cet projet de loi constitutionnel est examiné en Conseil des ministres ce 23 décembre.
L’article 89 de notre Constitution exige bien que, pour la révision de la Constitution :
« Le projet ou la proposition de révision doit être examiné dans les conditions de délai fixées au troisième alinéa de l’article 42 * et voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. »
* délai de six semaines minimum après son dépôt.
Ce n’est que si « le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès » que « dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. »
Une telle décision du Président de la République de présentation de la révision devant le Congrès ne serait donc valide que dans la mesure où le référendum ne se justifierait pas, dès lors par exemple que la modification serait mineure, sinon notre Constitution exige que le référendum soit la voie première pour la révision.
Or il ne s’agit pas, loin de là, d’une modification mineure car elle vient réduire encore lourdement les libertés des simples citoyens et elle va permettre de soumettre tous les citoyens à des restrictions de liberté, par assignation à résidence ou par des perquisitions sans contrôle d’un magistrat, donc soumise à l’arbitraire de l’exécutif, indéfiniment. Les détails de ce projet sont donnés ci-dessous.
Imaginons, et nous en sommes moins loin que nous pourrions le penser a priori, qu’un gouvernement extrémiste soit en place et qu’il mette en pratique à sa guise ces articles, ce qui lui sera possible, alors les Français deviendront soumis à une dictature. Nous savons d’expérience et avec les leçons de l’histoire où cela nous conduira inéluctablement et où cela conduira nos enfants. Nous ne devons donc en aucun cas accepter que notre souveraineté constitutionnelle soit ainsi bafouée, que nos libertés soient menacées à ce point sous la pression de terroristes que nos gouvernants successifs n’ont pas su combattre et dont ils tirent maintenant prétexte pour nous asservir encore davantage. C’est à nous, les citoyens dans leur ensemble, de décider si nous acceptons ou non ce chantage odieux.
Voici la proposition liberticide dont nous devons exiger qu’elle nous soit soumise à référendum, conformément à la Constitution. Cette Constitution, bafouée par les partis politiques et ceux qui les représentent au Gouvernement et au Parlement, nous appartient, c’est à nous de décider de son devenir. C’est à nous, en raison des graves dérives qu’elle autorise déjà et qu’elle autoriserait encore davantage avec ces modifications imposées, de la refonder, non à ceux qui prétendent nous « représenter », ils n’en ont pas le droit.
► L’article 36-1 sur l’état d’urgence
Seule la notion d’état de siège était jusqu’à maintenant définie dans la Constitution avec l’article 36 :
Voici le lien vers L’article 36 de la Constitution actuellement en vigueur.
Le projet de révision constitutionnelle prévoit l’ajout d’un article, le 36-1, sur l’état d’urgence, comme le souhaitait le président de la République devant le Congrès le 16 novembre 2015. Cet article induit plusieurs nouveautés :
◾La formulation dans la Constitution est la même que dans l’actuelle loi. L’état d’urgence est décrété en conseil des ministres dans deux situations :
1.En cas de "péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public"
2.En cas "d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique"
◾La durée de l’état d’urgence reste fixée par la loi. Cependant, la révision constitutionnelle ne prévoit pas de limite de temps à cet état d’exception.
◾Les mesures d’exception, telles que les assignations à résidence, pourront durer jusqu’à 6 mois après l’état d’urgence.
◾Parmi ces "mesures générales" visant à soi-disant prévenir le risque d’"acte de terrorisme", les perquisitions, "sous le contrôle du juge administratif", pourront aussi durer jusqu’à 6 mois après la fin de l’état d’urgence. Comme dans l’actuel état d’urgence, les perquisitions en état d’urgence, dont la durée est indéfinie a priori, pourront se faire sans le contrôle d’un magistrat et sans limitation horaire.
Art. 36-1 proposé. - L’état d’urgence est décrété en conseil des ministres soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. La loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre, sous le contrôle du juge administratif, pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements.
La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée.
Lorsque le péril ou les événements ayant conduit à décréter l’état d’urgence ont cessé mais que demeure un risque d’acte de terrorisme, les autorités civiles peuvent maintenir en vigueur les mesures prises en application du premier alinéa pendant une durée maximale de six mois. La loi peut permettre, pendant la même durée, aux autorités civiles de prendre des mesures générales pour prévenir ce risque.
► L’article 3-1 sur la déchéance de nationalité pour les binationaux
La déchéance de nationalité était jusqu’à présent définie par les articles 23-7 et 25 du Code civil :
Les articles 23-7 et 25 du Code civil Legifrance
Article 23-7
◾Créé par Loi n°93-933 du 22 juillet 1993 - art. 50 JORF 23 juillet 1993
Le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’État, avoir perdu la qualité de Français.
Article 25
◾Créé par Loi n°93-933 du 22 juillet 1993 - art. 29 JORF 23 juillet 1993 en vigueur le 1er mars 1994
L’individu qui a acquis la qualité de français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, être déchu de la nationalité française :
1° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;
2° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
3° S’il est condamné pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;
4° S’il s’est livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de français et préjudiciables aux intérêts de la France ;
5° S’il a été condamné en France ou à l’étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d’au moins cinq années d’emprisonnement.
Cette déchéance de nationalité va être désormais étendue avec cette révision constitutionnelle, qui prévoit avec l’article 3-1 une déchéance de la nationalité française pour les binationaux, là aussi une proposition faite par François Hollande lors du Congrès du 16 novembre.
Cette déchéance de nationalité pourrait s’appliquer dans deux situations pour les binationaux condamnés pour un crime ou un délit :
1.qui constitue "un acte de terrorisme"
2.qui constitue "une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation". Cette déchéance de nationalité concernerait alors les binationaux auteurs d’attentats, de complots ou plus généralement d’attaques contre les institutions républicaines de la France.
Art. 3-1 proposé. - Un Français qui a également une autre nationalité peut, dans les conditions fixées par la loi, être déchu de la nationalité française lorsqu’il est définitivement condamné pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
► Le dispositif sur la déchéance de nationalité
La déchéance des binationaux telle que définie par la présente révision constitutionnelle est une réaction « à chaud » d’un exécutif dépassé par les événements et qui cherche, par cette astuce de communication, à se présenter comme réactif. Or il est aisé de démontrer que c’est une mesure qui n’aura aucune efficacité dans la lutte contre le terrorisme. De plus elle permettra de considérer que deux citoyens français, au prétexte que l’un des deux est binational, ne sont plus égaux devant la loi et devant la Constitution.
La nationalité française fait partie du patrimoine français et la révision constitutionnelle sur ce point répond à des motivations qui sont plus proches du « national socialisme » que des principes élémentaires de notre démocratie. Là encore, c’est bien l’ensemble des citoyens qui doit se prononcer sur ce point, par référendum.
► Non à la révision constitutionnelle devant le Congrès en janvier
Après son examen en Conseil des ministres ce 3 décembre, la révision constitutionnelle devrait être présentée au Congrès en janvier 2016. Ce calendrier parlementaire pourrait permettre à cette révision constitutionnelle d’être effective d’ici la fin de l’actuel état d’urgence, prévu pour la fin du mois de février 2016. C’est inadmissible, faire passer une telle révision majeure, qui impacte nos libertés et les principes élémentaires de la démocratie et qui ouvre la voie à toutes les dérives de gouvernance sans l’accord du peuple français est un acte inconstitutionnel gravissime. Nous devons refuser dès à présent par tous les moyens cette révision par le Parlement réuni en Congrès.
Mais il faudra que les parlementaires en Congrès votent l’ajout de ces deux articles.
Les 925 parlementaires, soit 577 députés et 348 sénateurs, s’ils acceptaient cette procédure plutôt que le référendum devront tous, comme les membres du Gouvernement qui s’engageraient sur cette voie, répondre devant le peuple français de ce forfait.
Francis Lenne