Le Mur de Berlin est bien tombé !
Vendredi 13 novembre 2009, par
L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 30 octobre dernier, (Mme P. , req. n° 298348), du nom de la présidente du Syndicat de la Magistrature, Emmanuelle Perreux, semble achever l’intégration quasi complète du droit communautaire dans le droit public français. Le contentieux à l’origine de cette nouvelle décision n’était, pourtant, guère européen : Mme P. contestait simplement, et à bon droit, une procédure de nomination controversée à l’école de la magistrature. Cette procédure étant entâchée d’une éventuelle discrimination dont la magistrate aurait été victime compte tenu de ses responsabilités syndicales au moment de sa candidature, Mme P. invoqua notamment le bénéfice de la directive n° 2000/78/CE du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2000, qui soumet les Etats membres à un "cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement." (art.1). Si le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative, a rejeté la requête de Mme P., et n’a donc pas admis que celle-ci avait subi une "discrimination" ayant abouti à la nomination d’une autre candidate au poste d’enseignant à l’ENM, le rapporteur du gouvernement, Mattias Guyomar, a permis d’opérer un renversement dans la jurisprudence administrative. En effet, le Conseil d’Etat vient, lors de sa décision, d’abandonner la jurisprudence Cohn-Bendit qui empêchait jusqu’alors l’effet direct d’une directive communautaire invoquée contre une décision individuelle. Ainsi, pour mémoire, c’est en 1978 que Daniel Cohn-Bendit, qui voulait briser son statut d’expulsion du sol français en valeur depuis 10 ans, s’était appuyé sur le droit communautaire. Et le Conseil d’Etat avait rejeté sa demande au prétexte que "les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif individuel". Par le renversement de cette jurisprudence, l’arrêt Mme P. permet maintenant une transposition directe des directives européennes, tant à titre général - ce qui était aussi prévu par l’arrêt Nicolo - qu’à titre individuel, ce qui n’est pas sans nouveauté.