Initiative populaire et les départements
Samedi 21 novembre 2009, par
Nos cahiers de doléances permettent d’exprimer les préoccupations des citoyens. Ci-dessous, voici un courrier en provenance du Cercle local de la Drôme.
Je suis une française qui a passé toute sa vie en Suisse. J’ai envie
de parler de l’initiative populaire et du référendum que je connais
bien.
Il m’a semblé que les français n’ont pas tout compris, et qu’ils ont
tendance à confondre cela avec une pétition. J’ai pu m’en rendre
compte lors de la votation pour la poste, à laquelle j’ai participé.
Ce sujet entre aussi finalement dans la discussion sur les départements,
car justement, pour un droit d’initiative qui fonctionne, il devrait se
faire au niveau des départements, qui seuls ont la bonne dimension pour
une telle organisation. Il faut donc expliquer :
1) Les bulletins de signatures sont imprimés par commune, comprenant
chacun pas plus de 5 signatures.
2) Ne peuvent signer que les citoyens de la commune ayant un droit de vote
valable.
3) Le comité d’initiative doit comprendre des juristes capables
d’écrire les articles de lois demandés, et souvent des économistes
capables de calculer le prix du changement.
4) Les signatures doivent comptabilisées soigneusement par le comité
d’initiative. Le même comptage doit se faire ensuite une deuxième fois
par l’état (Département ou National).
5) Après toutes ces vérifications, l’état est dans l’obligation de
faire procéder à un référendum. Si ce dernier concerne la nation toute
entière, un nombre déterminé de départements seront suffisants pour
déclencher le vote national.
C’est là que l’on comprend que la demande de 4 millions de signatures
pour la France est irréaliste. Qui peut vérifier 4 millions de signatures
? Sans compter d’autres obstacles empêchant absolument la démocratie de
s’exprimer, comme le droit d’initiative réservé en priorité aux
parlementaires !
C’est là que l’on voit aussi que le soi-disant droit d’initiative
du traité pour l’Europe est un leurre. Qui peut vérifier 10 millions
de signatures, même par pays ? Sans compter que le vote qui devrait
s’en suivre n’est pas assuré, la commission conservant le dernier mot
! Il y a des frais aussi, non négligeables. Tout ça pour une supplique
?
En Suisse, lorsque le parlement vote une loi qui est refusée par des
partis, des syndicats ou des ONG, on peu user du droit d’initiative, et
si le nombre de signatures est réunie, le référendum a lieu. Si passe
la votation, la loi est changée et les parlementaires n’ont plus
qu’à aller se rhabiller !
Mais Sarkozy, lui, ne se gêne pas pour faire le contraire !
Le droit d’initiative est vraiment le meilleur moyen de permettre à
tous les citoyens qui le désirent de s’exprimer. Ce n’est pas le cas
de la soi-disant « démocratie participative ». Là encore c’est un
leurre : les élus écoutent, mais entendent-ils ? Là encore, aucune
garantie de résultat. Ceux qui parlent, en général, ne perlent que
pour eux-mêmes. On entend des histoires particulières, mais rien de
général. En plus, les gens qui circulent avec un micro demandent par
avance de quoi on veut parler, et décident ensuite eux-mêmes si vous
avez droit au micro ou pas ! C’est une grande messe sans résultats
tangibles. De plus, ceux qui se déplacent finissent par être toujours
les mêmes.
Je pense que la Suisse est une des meilleures démocraties qui soit.
Comment est-ce donc possible qu’elle soit ultralibérale autant que les
Etats-Unis ? Alors que la France, avec une démocratie à minima,
réussi à avoir de grande avancées sociales ?
C’est qu’il y a plusieurs moyens pour les riches et les puissants de
contrôler le pays : en France, l’école de la république est parmi les
meilleure (pour combien de temps ?) , tandis qu’en Suisse les écoles
primaires sont des plus mauvaises et archaïques, comme aux Etats-Unis.
Je parle de primaire. En Suisse, on en est pas au bac pour tous, même pas
au collège pour tous ! Et l’enseignement y est plus un apprentissage de
l’obéissance qu’un éveil à la critique et à l’indépendance
d’esprit.
Ainsi donc, peu de Suisses s’intéressent-ils à la politique, et fort
peu vont voter. Les grandes firmes, les riches et les lobbys ont 10 fois
plus d’argent pour de la propagande en cas de référendum.
En France, les citoyens sont plus politisés, mais restent sans moyens
d’action.
La médaille du droit d’initiative à aussi un revers, comme toutes les
médailles. Les plus riches ont plus de facilités financières pour
user de ce droit, et la démagogie va bon train.
Un référendum réussi n’est pas toujours suivi d’effet : les Suisses
avaient votés contre l’heure d’été, les autorités l’ont imposée
quand même, soi-disant qu’on est obligés étant au centre de
l’Europe.
Mais l’Angleterre et la Grèce font exception, et sont dans l’Europe.
Il faut savoir que nous avons deux heures d’été. Celle de Vichy
institutionnalisée et l’autre, ajoutée par-dessus. Ce qui explique que
l’Angleterre soit décalée d’une heure. En été, nous vivons à
l’heure de Moscou et d’Istanbul !
Une initiative à pris naissance il y a 20 ans, à laquelle j’ai
participé : l’Initiative des Alpes, pour obliger les camions à
traverser les Alpes sur le train. Ce comité d’Initiative s’est
constitué en association, et depuis 20 ans on n’est pas encore arrivé
au bout… Plusieurs fois le gouvernement a essayé d’effacer
l’obligation du ferroutage votée par le peuple par d’autres lois
annexes moins contraignantes, et le parti des automobilistes a fait deux
autres initiatives pour essayer de l’annuler, mais le peuple Suisse a
tenu bon.
Il faut dire qu’en Suisse on a un parti des automobilistes comme en
France on a un parti des chasseurs, tous deux absurdes politiquement, mais
ayant un grand pouvoir de nuisance.
Bien sûr, pour instituer un droit d’initiative populaire, il faut une
nouvelle constitution, et il faut aussi conserver ou ré instituer les
départements.