Donner l'initiative aux citoyens, changer de Constitution

Donner l’initiative aux citoyens, changer de Constitution

Mardi 16 mars 2010, par Louis Peretz

Etant donné l’importance de l’abstention aux dernières régionales,
notre système électoral peut être remis en question une fois de plus, et
par là, notre démocratie. Admettre qu’il n’y a pas d’alternative
(le moins mauvais des systèmes paraît-il) est une pensée unique dans le
sens où elle ne bénéficie en définitive qu’à quelques oligarchies
politico-économiques alors qu’à l’origine la démocratie est censée
bénéficier à l’ensemble de la population.

Si l’on en croit la définition de la démocratie athénienne, le pouvoir
appartient au peuple et non à une monarchie. La population dans la Grèce
antique était à peine celle d’une ville moyenne de nos jours, ce qui
rend la comparaison difficile entre cette démocratie et la nôtre. Pays
trop grand pour une démocratie directe comme elle l’était en Grèce et
l’est encore en Suisse.

De ce fait, il a fallu déléguer ce pouvoir populaire à des
représentants intermédiaires, élus par le suffrage devenu universel
qu’en 1945 (droit de vote des femmes). Il est quelquefois possible de
l’exercer directement lors de référendums et depuis 1962 pour
l’élection du Président de la République.

La comparaison est devenue aussi difficile entre le modèle originel et le
nôtre parce que la liberté d’expression et d’opposition n’étaient
pas la règle à Athènes. Socrate en a payé le prix. De ce fait quand on
parle de notre démocratie, on fait implicitement allusion à ces
libertés, qui nous viennent en réalité de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen en 1789, issue des philosophes des Lumières,
plutôt qu’au système de votation des assemblées. Liberté qui figure
dans le préambule de notre constitution pour que, inscrite dans le marbre,
avec Egalité et Fraternité, on ne puisse que s’en inspirer dans les
textes qui suivront pour en donner les règles.

Malheureusement depuis cette époque, on fait l’amalgame entre la
démocratie comprise comme gage de liberté, et la démocratie qui
donnerait le pouvoir au peuple. Confusion qui est en quelque sorte la
source d’une pensée unique.

Il suffit de voir que dans le monde, combien de pays ont adopté le
suffrage universel, tout en ayant des régimes totalitaires pour comprendre
qu’il faut distinguer le mot et la chose. : c’est la démocratie qui a
fait le vote et non le vote qui fait la démocratie.

Notre démocratie représentative s’est dévoyée au point, que certains
n’hésitent pas à dire que nous allons aussi vers un régime
totalitaire, accaparé par des oligarchies : on lance des processus de
consultation, et puis au final, les gens qui ont voté rentrent chez eux,
pensent avoir fait leur devoir en ayant eu leur dose d’actes civiques :
ils retournent dans leur tranquille petite vie quotidienne et arrêtent
provisoirement leurs incantations. Les édiles ont fait semblant de montrer
leur ouverture d’esprit, et sont tranquilles pour un certain temps. On
sait que les propositions des élus passent le plus souvent à la trappe
lors des prises de décision.
Quant au fonctionnement des partis politiques eux-mêmes, il est rarement
remis en question, comme si ces instances jouaient toujours le meilleur
rôle dans notre démocratie. Le vote, depuis la Constitution de 1962, a
surtout permis à des oligarques d’usurper ce pouvoir, plus ou moins au
nom de leur compétence.

« Les partis, qui leur donnent l’impulsion et leur servent de cadres,
tendaient à devenir plus rigides et exclusifs qu’ils ne l’avaient jamais
été. En effet, le caractère inquiétant et exceptionnel des ambitions,
de la tactique, des procédés de l’un d’entre eux les portait à
s’organiser d’une manière plus ou moins analogue. En outre, la clientèle
de chacun s’enflammait surtout de l’aversion ou de la crainte ressentie à
l’égard des autres. Il devait résulter de ces diverses conditions une
situation dans laquelle aucun parti ne pouvant à lui seul diriger l’État,
tous ou plusieurs voudraient se le partager. Cette répartition de la
puissance publique entre des rivalités ne pourrait que la paralyser ».
(Discours de de Gaulle 7 Avril 1947 Strasbourg)
En donnant la liberté et le droit d’expression à l’opposition dans
une démocratie représentative issue des partis politiques, on a toujours
à tort légitimé les résultats aussi peu convaincants que lorsqu’ils
dépassent à peine la moitié des inscrits.
Il semble important de revenir sur deux questions : la constitution
française qui garantirait le bon fonctionnement des instances
démocratiques et l’organisation du vote autour des partis politiques
d’où sont issus projets de société. Celle-ci est-elle encore
appropriée dans une société qui a beaucoup évolué depuis quelques
décennies, notamment en ouvrant la porte à la mondialisation ?
La constitution française, bien que de plus en plus fondée sur le pouvoir
exécutif (présidentiel), garantissait à l’origine une forme d’un
certain équilibre entre les trois pouvoirs traditionnels, mais davantage
en faveur du parlementarisme (élection dite à la proportionnelle). Ce
système a été jugé inefficace pendant les quatre premières
républiques, l’Exécutif n’ayant pas de stabilité. Depuis 1958, 25
révisions ont été apportées à la constitution. La plupart d’entre
elles visaient une meilleure répartition des pouvoirs mais les plus
récentes en ont définitivement rompu l’équilibre cette fois au
détriment du pouvoir législatif, devenu simple chambre
d’enregistrement.

La "loi de modernisation" votée en 2008 a fait l’objet de profondes
critiques dont vous pouvez, en autres, trouver traces dans les débats de
l’Assemblée Nationale. Toutefois, le principal déséquilibre est né le
2 octobre 2000, lorsque la réforme instaure le quinquennat présidentiel,
pour renforcer le pouvoir exécutif et l’oligarchie partisane.
Effectuée au nom de la modernisation de la vie publique et d’un meilleur
contrôle démocratique donné aux citoyens, elle est essentiellement
dictée par des raisons politiques politiciennes à l’approche de chaque
élection présidentielle. Associée en 2002 à la modification du
calendrier électoral, plaçant les élections législatives dans la
foulée de l’élection présidentielle afin de réduire les risques de « 
cohabitation », l’instauration du quinquennat modifie encore plus la
pratique institutionnelle et politique.

Il s’agit de confiscation du pouvoir par les élus de la République qui
soutiennent le projet CONTRE l’avis de la majorité des Français comme
lors du TCE repris et ignoré par le traité de Lisbonne.
Notre démocratie en choisissant à chaque nouvelle république le droit de
vote depuis la Révolution, n’a guère progressé quant à la
délégation du pouvoir populaire. Peut-on se passer dans un pays comme le
nôtre d’un système de vote où c’est la majorité à une voix près
qui remporte ?

Voici comment on pourrait faire évoluer la démocratie dans un sens plus
équitable :
 un quota de 50 % des inscrits (et non des votants) devrait être
indispensable à la validité des résultats devrait être instauré
puisqu’une majorité silencieuse se dessine en dehors du vote lui-même.
 Le vote blanc devrait être comptabilisé et reconnu pour rendre les
résultats non seulement légaux, mais légitimes
 la durée des mandats devrait dépendre des résultats obtenus, de façon
à sanctionner et non sanctuariser les élus dont la représentativité
serait insuffisante.

Pour une véritable “ démocratie participative ” fondée sur une base
populaire il faudrait lui donner l’initiative en développant les
"réseaux citoyens ” et changer de constitution en donnant une véritable
représentativité des classes sociales. (www.citoyenreferent.fr)