Appel pour une Assemblée Constituante
Vendredi 5 septembre 2008, par
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Crise de la représentation politique, absence de crédibilité des partis et de légitimité des élus, autant de symptômes qui poussent certains à proposer de créer de nouveaux partis et à participer à l’élection présidentielle. Ces tentatives, quelle que soit la sincérité de leurs auteurs, ne peuvent, en l’état actuel des choses, qu’engager dans des illusions et des impasses.
Le jeu politique est, en effet, perverti par des institutions nationales et internationales bien peu démocratiques, mais bien utiles à une mondialisation qui broie les nations et les peuples, détruit leur droit à disposer d’eux-mêmes comme le prouve le non-respect du vote du 29 mai 2005, lamine les acquis sociaux. Aujourd’hui, la priorité est de remettre en cause les règles de ce jeu pervers, de dépasser les cadres figés et moribonds d’une situation sans autre perspective que l’aggravation des difficultés politiques et sociales.
La seule source de légitimité d’un pouvoir qui se veut démocratique est la volonté populaire. Réaffirmer cette évidence contre un système qui la méprise de plus en plus passe par la réunion d’une assemblée Constituante. Cette lettre est un appel à se rassembler pour cet objectif autour d’une « association pour une Constituante ».
Au long des dernières années, la vie politique n’a cessé de dériver vers le conformisme de la mondialisation. La démocratie n’est plus qu’un mot sans portée réelle, les élus étant soumis à la Présidence de la République et aux instances de Bruxelles.
Sur ces décombres, la nécessité de reconstruire la République et la représentation politique est une impérieuse nécessité. Cependant, afin de sortir des impasses constatées, la création de nouveaux partis politiques est-elle opportune ? La réponse n’est pas aussi évidente qu’il semble y paraître pour certains car deux contraintes fondamentales pèsent de manière rédhibitoire sur toute tentative de ce type et peuvent même la rendre contreproductive : l’absence d’une pensée critique largement partagée et l’acceptation répandue de la Constitution de la 5ème République.
La reconstruction de la pensée constitue la véritable priorité, l’enjeu qui conditionne tous les autres. Or, devant les obstacles dressés par l’idéologie dominante et ses instruments de propagande, toute véritable critique a du mal à trouver audience. La vassalisation des esprits est très forte comme toujours dans les phases de crise aiguë, comme au temps où La Boétie écrivait son « discours de la servitude volontaire ».
Aucune action politique de reconstruction ne peut se faire sans la définition des oppositions fondamentales. C’est le préalable à la refondation du nécessaire jeu politique. De même, il y a deux siècles, il n’aurait pu y avoir de Révolution française sans les philosophes de la renaissance, puis des Lumières. Et la clarification de l’essentiel s’est faite sur la définition nette des lignes de rupture.
Bien sûr, il existe, de nos jours, des pensées qui s’opposent. Mais nombre d’entre elles ont été polluées, intoxiquées par les dérives des partis dominants, qui ont utilisé les acquis des Lumières, des travaux de Marx et de Jaurès pour en tordre les résultats et en habiller leur pauvre rhétorique.
Il s’agit donc de dire clairement quelles sont les grandes lignes de fracture, alors que les acteurs politiques les minimisent et même les étouffent, volontairement ou non, de peur de s’affaiblir, valorisant des débats souvent secondaires.
Le capitalisme de plus en plus sauvage qui domine et déstructure le monde détruit la démocratie, la citoyenneté et l’humanisme pour laisser libre cours aux luttes des intérêts particuliers. Nous ne devons donc pas chercher à l’influencer, mais au contraire lui opposer ces instruments. Ce n’est pas seulement du fait de ses options que le libéralisme économique doit être combattu. C’est surtout parce qu’il se prétend la seule pensée possible et même comme la vérité.
S’opposer à la pensée dominante n’est pas une attitude extrémiste, mais tout simplement le jeu naturel de la démocratie, celle qui doit nous permettre de défendre les instruments de vie en société. Le 29 mai 2005 a montré que, dans le cas où le choix est ouvert, la réponse populaire est parfaitement claire. Or, la Constitution de la 5ème République empêche de donner vie à ces nouvelles oppositions.
Au nom de la stabilité du pouvoir, la Constitution de la 5ème République fossilise les partis et verrouille la vie politique. Elle a joué un rôle fondamental dans la décomposition de la démocratie et dans la dislocation de la gauche. Sa logique profonde est en effet l’atrophie des oppositions politiques par le jeu de la personnalisation et l’embrigadement des partis par la mise à l’écart politique du Parlement.
La clef de voûte des institutions est le Président de la République, élu au suffrage universel direct. La plupart des républicains avaient, pendant un siècle, d’autant plus critiqué un tel système que son existence avait, en 1851, aidé à l’émergence d’un pouvoir bonapartiste. Pour leur part, ils souhaitaient voir s’exprimer institutionnellement la véritable diversité des options politiques, Mais François Mitterrand ayant, après sa victoire en 1981, renié ses engagements quant au changement de régime, les forces politiques en France officialisent désormais une règle du jeu qui réduit, pour l’essentiel, la « démocratie » au choix d’une personne sans contrôle tout au long de son mandat.
Beaucoup de militants de gauche ne mesurent pas à quel point la logique des institutions et le passage du PS à leur tête ont déformé leur vision de la politique et du pouvoir en général. Le présidentialisme génère la vassalisation des individus soumis à la logique des écuries présidentielles et détruit la liberté comme la responsabilité individuelle des élus du peuple. Prétendre créer une diversité des positions dans ce contexte apparaît comme une plaisanterie. Le régime devient aseptisé, instrument de la mondialisation, gommant les lignes de fracture profondes comme les conflits sociaux qui traversent la société. Tous les opposants à un tel choix sont alors présentés comme des partisans du pire. Le débat est devenu manichéen.
On ne peut appeler au retour d’une vie politique responsable sans attaquer la Constitution, sans faire de sa remise en cause un préalable. Ce combat est d’autant plus nécessaire que, ces dernières années, le quinquennat et le mode de scrutin ont encore renforcé les vices fondamentaux du système. Qui plus est, une nouvelle dérive présidentialiste semble être à l’ordre du jour. Contre un tel coup d’État feutré, il faut imposer l’élection au suffrage universel direct d’une instance ad hoc, c’est-à-dire d’une Assemblée Constituante, légitimement chargée de ce travail. Le mode de scrutin devra assurer la plus large représentativité de la population, à partir des communes et des quartiers. Seule une telle assemblée, sorte d’États généraux modernes, a le droit et le devoir de repenser nos institutions. Son travail, émanant ainsi du peuple, sera évidement soumis à référendum.
On ne peut passer à côté des combats historiques et croire influencer l’Histoire en évitant les ruptures nécessaires. Nombre d’hommes très sérieux tentaient, sous l’Ancien Régime, d’influencer les princes sans changer le système…
C’est pourquoi a été créée l’« Association pour une Constituante ». Cette stratégie, quelles qu’en soient les difficultés et les oppositions bien prévisibles, est la seule qui soit féconde sur le long terme. Elle a pour objet de redonner vie à la démocratie nationale comme à une construction internationale humaniste.