Fragile marche vers la Constituante
Lundi 19 mars 2012, par
Le succès de la manifestation et du rassemblement organisé par le Front de gauche le 18 mars à Paris confirme la nécessité d’un changement de régime politique en France et surtout celle de le faire par l’élection d’une Assemblée constituante. La vaste mobilisation populaire sur la place historique de la Bastille et les thèmes développés lors des prises de parole montrent que le peuple français réclame des mesures radicales pour reconquérir sa liberté et sa souveraineté bafouées depuis des décennies. Avec le POI, le Front de gauche est le seul parti à s’être rallié à cette idée et à répondre ainsi à notre appel [1] même si on en trouve des bribes chez plusieurs autres candidats, par exemple celui du Modem.
L’ Association pour une Constituante se félicite et se réjouit de la popularité des idées qu’elle défend avec constance depuis plusieurs années.
Toutefois, l’Association ne peut que s’interroger devant certaines ambiguïtés qui affectent la démarche du Front de gauche sur ce sujet.
En premier lieu, l’objectif fondamental doit être la reconstitution du peuple français en tant que communauté politique. Si le Front de gauche développe ce thème, il le confond malheureusement avec la refondation de la gauche elle-même. Or « peuple » et « gauche » ne sont pas équivalents comme l’a rappelé le Conseil national de la résistance qui, marqué par le parti communiste, s’appuyait sur une alliance avec les gaullistes. Résumée à cette question, la Constituante serait vouée à l’échec. Chacun sait que la reconquête de la souveraineté du peuple français préoccupe également nombre de démocrates de droite et du centre.
Bien évidemment, ce bouleversement politique ne saurait exister sans un mouvement social, sans que les aspirations immédiates ne soient prises en compte. Les forces sociales sont un moteur fondamental de lutte contre les contraintes fabriquées par ceux qui détruisent la souveraineté populaire et asservissent les citoyens, tout particulièrement grâce aux institutions qu’ils contrôlent. Mais la Constituante ne saurait être tributaire du seul mouvement social car elle instaure aussi sa propre dynamique.
En second lieu, c’est autant la VIe République qui importe que le processus par lequel elle est obtenue. Il ne saurait s’agir d’une Constitution rédigée par quelque groupe que ce soit et ensuite « octroyée ». S’il est normal de formuler quelques idées sur les futures institutions, celles-ci ne doivent pas obscurcir les travaux de l’Assemblée constituante qui devra être la plus libre et la plus transparente possible.
En troisième lieu, l’immersion du thème de la constituante dans le jeu électoral pourrait lui être préjudiciable. La Constituante risque en effet de disparaître dans les négociations de second tour puisque le Front de gauche prévoit, au cas où il n’y serait pas, de se rallier au « candidat de gauche le mieux placé ». A quelles conditions ? Enfin, la personnalisation inhérente à la présidentielle fragilise une revendication nécessairement collective, en l’attachant peu ou prou au parcours d’une personnalité.
En dernier lieu, l’Association pour une Constituante s’étonne des faibles critiques adressées par le du Front de gauche à la pratique institutionnelle sous les deux septennats de François Mitterrand et sous la primature de Lionel Jospin. Faut-il voir une contradiction ou le produit d’une réflexion inachevée ?