Cercle de l’Oise : Réflexions sur le mode de scrutin
Mercredi 18 juillet 2012, par
Le mode de scrutin est et sera, on s’en doute, un des points importants de discussion pour la démocratie dans l’avenir. Nous reproduisons ci-dessous les réflexions du cercle de l’Oise sur cette question fondamentale. Nous ne doutons pas que cela donnera lieu à de nombreux débats contradictoires.
Pourquoi ne pas l’avouer ? Nous avons pris, au cercle de l’Oise, un certain plaisir à jouer les « Constituants », à dénoncer le système existant avec ses défauts, afin de mieux définir de nouvelles procédures pour gouverner démocratiquement au service du Bien commun.
Nous n’avions nullement la prétention de rédiger un article d’une nouvelle Constitution mais simplement imaginer « autre chose », plus conforme à nos rêves citoyens.
Nous avons voulu être guidé par le bon sens et l’on peut juger simplistes nos solutions… Dès lors nous devinons les critiques qu’elles peuvent susciter. Beaucoup se résignent face à la complexification croissante de la société, sans se rendre compte que cette complexification est habilement entretenue pour habituer le citoyen à subir et à douter de ses propres capacités à organiser la société dans laquelle il vit et dont il est un rouage essentiel.
Nous nous sommes attaqués à un sujet dont dépend ( presque !) tout le reste :
COMMENT ÉLIRE LES DÉPUTES,
CES FEMMES ET CES HOMMES
QUI ONT LA LOURDE TÂCHE DE VOTER LES LOIS ?
Depuis quelques décennies, les citoyens de notre pays se déplacent moins souvent pour aller voter. Les causes de cette défaillance sont diverses et chacun peut avancer l’hypothèse de « il y a trop d’élections » à « de toute façon, ça ne sert à rien » ; bilan navrant quand on se souvient des multiples obstacles que le peuple a du vaincre pour accéder à ce droit, qui est devenu du fait de ces difficultés, un DEVOIR pour tout citoyen ! Parmi les raisons expliquant ce renoncement, il en est une qui pèse lourd dans le subconscient collectif : le mode de scrutin en vigueur ne permet pas une équitable représentation de toutes les sensibilités du pays et ne leur permet pas de se faire entendre..
Quel est le système actuel ?
Le député est élu pour cinq ans au scrutin uninominal à deux tours. Son rôle est de participer à l’élaboration des lois et à leur vote. Son mandat est représentatif et non impératif ; il peut ne pas exercer son mandat ou changer de formation politique. Il n’est pas tenu de justifier les opinions et votes émis dans l’exercice de sa fonction et bénéficie de l’immunité parlementaire qui se décline de deux façons : l’irresponsabilité ( immunité absolue) et l’inviolabilité (immunité relative). En bref, il n’est soumis à aucun contrôle de la part des citoyens qui l’ont choisi. Bien qu’élu par un département, il est censé représenter l’ensemble de la Nation ce qui est une contradiction évidente , car le député est naturellement porté à intervenir dans l’intérêt de SON département et de SES électeurs, alors qu’il doit œuvrer pour le BIEN COMMUN et non pour les intérêts particuliers de ceux qui lui ont délivré un mandat national.
Il y a 577 députés qui peuvent cumuler deux mandats électifs.
Le scrutin uninominal à deux tours est aussi appelé scrutin majoritaire car, le plus souvent, il permet de dégager une majorité à la Chambre des députés, d’où une stabilité assurée pour cinq ans. Mais s’il induit un fait majoritaire, il provoque aussi un fait minoritaire c’est-à-dire la présence à l’Assemblée d’un certain nombre de députés dont le rôle se réduit à protester et à s’opposer par principe. Point important, ce fait majoritaire est une facilité de langage, car il s’agit de la majorité des votants et non de la majorité des citoyens inscrits et encore moins de la majorité de la Nation, qui comporte aussi un certain pourcentage de non-inscrits…Ainsi, aux législatives de 2007, l’UMP a fait 40% des voix au premier tour et occupe 56% des sièges à l’Assemblée Nationale. Ce système est né du désir, à priori légitime, de mettre fin à une instabilité gouvernementale qui donnait le sentiment, durant la 4èmeRépublique, que le pays était mal dirigé et livré à l’impuissance ; en fait de majorité, tous les pouvoirs sont confiés à la « dictature de la plus forte minorité »… Si ce n’est pas, compte tenu de l’évolution du rôle du président, « la dictature d’un seul homme soutenue par la plus forte minorité »… On est désormais très loin d’une République et des principes élémentaires de la Démocratie !
Le diktat du fait majoritaire divise le pays en deux blocs opposés qui se combattent alors qu’ils devraient travailler ensemble dans l’intérêt du tous. Chaque cas d’alternance autorise une nouvelle majorité à conduire une politique différente de la précédente, laquelle se trouve accusée de tous les maux dont souffre le pays. Cette politique de rupture tous les cinq ou dix ans, conséquence de la bipolarisation politique, est incompatible avec l’impérieuse nécessité de maintenir le cap pour rester fidèle à une trajectoire approuvée par une vraie majorité des citoyens !
Que peut-on proposer ?
Quels sont les principes qu’il faudrait mettre en place pour que la représentation nationale soit davantage conforme aux exigences démocratiques et que cesse cette guerre-guerre stérile des différents courants politiques et en particulier, celle des deux partis dominants ?
– Il faudrait que tous les citoyens participent au vote.
Parce que c’est simultanément un droit et un devoir, le vote devrait être obligatoire. Il l’est dans certains pays : Australie, Bolivie, Brésil, Grèce, Luxembourg, Suisse où le non-respect de la règle est assorti d’amendes ou de sanctions. La peine la plus courante est l’impossibilité d’obtenir un passeport ou le permis de conduire, mais les pays les plus rigoureux sont l’Australie et le Luxembourg où la prison et les sanctions financières les plus lourdes peuvent être requises contre les récidivistes. Sans aller aussi loin, d’autres mesures pourraient être adoptées pour convaincre les récalcitrants : limiter l’obligation à l’émargement, reconnaissance des bulletins blancs ou nuls, petite sanction administrative à définir ( sauf pour les personnes de plus de 75 ans).
Il est évident qu’une telle obligation doit être assortie d’une argumentation expliquant pourquoi tous les citoyens doivent voter ; il faudra aussi, que des dispositions soient prises pour que tous aient accès à une information indépendante de toute pression partisane et ouverte à des débats contradictoires sur tous les médias audio et télévisuels. Ces précautions répondraient aux vœux de Tocqueville qui considérait que la Démocratie ne pouvait s’exercer qu’avec une presse indépendante et des citoyens bien informés ( … d’où la nécessité d’actualiser les ordonnances de 1944 ! ).
– Il faudrait que toutes les sensibilités soient soumises au vote et que leurs présence à l’Assemblée soit en rapport avec le nombre de voix obtenus.
Bien que le scrutin proportionnel soit conforme aux principes élémentaires de la Démocratie, nous devinons déjà les réserves qu’il peut susciter : il va permettre l’arrivée au sein de l’Assemblée, là où s’élaborent les lois, des partis extrémistes, il va rendre impossible toute majorité cohérente et de fait, le pays deviendra ingouvernable…On va revenir aux pires moments de la 4ème et à son instabilité chronique !
Quelles réponses apporter ?
Tout d’abord, le cumul des mandats serait interdit et la fonction de député ne serait renouvelable qu’une fois. Par ailleurs, nous pensons que les partis jugés « extrémistes » le seraient moins parce que participant aux décisions et il n’est pas exclu non plus, que ces partis cesseraient de bénéficier du vote protestataire qui se porte sur eux actuellement, parce que sans conséquence réelle. Par ailleurs, tous les petits courants de pensée seraient représentés ( ne serait-ce que par un seul député ), mais qui peut affirmer, que désormais libérés du carcan des partis dominants, ils ne seraient pas porteurs de bonnes et nouvelles idées ? Quant à l’impossibilité de trouver une majorité, nous avons la certitude qu’il s’agirait d’un bien, car il faut modifier l’état d’esprit qui inspire nos institutions, il faut retrouver ce qui a inspiré les hommes du Conseil National de la Résistance quand ils ont rédigé leur célèbre programme. Ils étaient communistes, socialistes, radicaux, démocrates-chrétiens, droite modérée et laïque, droite conservatrice et catholique, mais pour chacun d’entre eux, il n’était pas question d’imposer ses propres idées, mais avec les autres, ils voulaient élaborer un programme admissible par tous les citoyens et conçu pour le bien de la Nation.
C’est bien l’esprit du CNR qu’il faut retrouver où chaque participant peut être amené à modifier son avis par souci de rendre possible un texte collectif, acceptable par tous pour le BIEN COMMUN. Il n’est pas inutile de faire la différence entre le compromis, solution intermédiaire qui élimine tous les sujets qui dérangent et la convergence qui s’enrichit de tous les avis, pour une solution finale supérieure à l’avis de chacun. C’est le GAGNANT-GAGNANT, souvent évoqué, rarement mis en œuvre.
Si par hypothèse, une Assemblée nationale ainsi élue, s’égarait à nouveau dans des oppositions frontales inutiles en oubliant l’intérêt supérieur de la Nation, le Président disposerait de l’arme de la dissolution mais avec interdiction aux sortants de se représenter ! Il y a gros à parier qu’aucun député ne serait tenté par cette perspective et que tous seraient acquis à l’idée qu’ils ont été élus pour trouver ensemble des solutions compatibles avec les attentes citoyennes…En d’autres mots, qu’ils auront retenu la leçon de leurs anciens du CNR.
Peut-être pensez-vous que le Programme du CNR se justifiait à une époque où se jouait l’avenir de la France, mais n’est ce pas le cas actuellement ?