« La pression exercée par les organismes internationaux contre la souveraineté des Etats-nations » sur Radio Aligre

« La pression exercée par les organismes internationaux contre la souveraineté des Etats-nations » sur Radio Aligre

La liberté que nous voulons ! Émission du 17 juin 2015

Jeudi 2 juillet 2015, par Association pour une Constituante

La 21ème émission du 17 juin 2015 de notre Association sur Radio Aligre (de 8h à 9h) était consacrée à la dénonciation de « La pression exercée par les organismes internationaux contre la souveraineté des Etats-nations », c’est-à-dire des peuples à partir desquels ces Etats se sont historiquement constitués.

Malheureusement un incident technique n’a pas permis son enregistrement et donc nous ne sommes pas en mesure de diffuser vocalement cette émission sur notre site, comme nous le faisons habituellement, et nous le regrettons. Il nous a néanmoins paru utile, compte tenu de l’importance du thème abordé, de vous en livrer, par écrit, son contenu de manière assez substantielle. Nous le faisons avec le concours des deux participants à cette émission, nos amis Anne-Cécile ROBERT, Vice-présidente, et Louis SAISI, juriste et Dr en sciences de l’éducation, qui animaient cette émission pour notre association. Ils ont débattu au cours de cette émission avec Michel EZRAN pour Radio Aligre.

Nos amis se sont d’abord attachés à souligner que le choix d’un tel sujet était motivé par le fait que si le rôle de la Commission européenne commence à être bien connu quant à son immixtion permanente dans la souveraineté des Etats (comme le montre le cas de la Grèce), en revanche, celui, tout aussi nocif, de la Banque mondiale (dominée par les USA) et du Fonds Monétaire International (FMI) est moins connu.

Et pourtant, ces deux organismes internationaux - que l’on pourrait a priori croire neutres - développent également leur credo libéral en dictant aux Etats souverains leur conduite politique dans un sens ne pouvant qu’être fondamentalement libéral.

Dès lors, doit-on admettre une telle immixtion et la considérer comme « naturelle » ou dans « l’ordre des choses » ? Au contraire, doit-on dénoncer une telle pression, comme malsaine et condamnable, au regard des principes généraux du droit international ?

Tout d’abord, le premier temps fort de l’émission devait être consacré au rappel de quelques principes fondamentaux du droit international (I) ; ensuite, le second temps fort de l’émission a porté sur l’analyse de la manière dont les organismes internationaux s’acquittent de leurs missions respectives au regard des règles régissant la société internationale (II).

I/ Les principes fondamentaux du droit international régissant la société internationale

Au cours de leurs échanges nourris avec Michel Ezran, nos deux amis sont conduits à développer avec force les trois points suivants :

 D’abord l’idée que la souveraineté constitue le caractère fondamental de l’Etat-nation qui est l’expression de la souveraineté des peuples (Jean Bodin, Jean-Jacques Rousseau) ;

 Ensuite l’idée qu’au sein de la société internationale la souveraineté des Etats est d’une autre essence que celle des organisations internationales même lorsque celles-ci, comme l’ONU, sont dotées de la personnalité juridique internationale.
 Enfin, la charte des Nations-Unies, elle-même, est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de ses Etats membres.

A/ La notion de souveraineté est le caractère fondamental de l’Etat

La souveraineté est aujourd’hui une « vieille dame respectable » qui est née en France dans la société troublée de la fin du 16ème siècle (guerre de religions pour savoir quelle sera la religion d’Etat avec leurs prétendants respectifs) avec Les six livres de la République de Jean Bodin, 1576 : « la souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République (…) c’est-à-dire la plus grande puissance de commander ».

Absolue et perpétuelle, la souveraineté l’est avant tout parce qu’elle « n’est limitée ni en puissance ni en charge à un certain temps ».

Mais à cette époque, et cela durera jusqu’à la Révolution française de 1789, la souveraineté était exercée par le Roi lui-même.

Au 18ème siècle, soulignent nos amis, avec le mouvement des lumières, c’est Jean-Jacques Rousseau qui, dans son ouvrage « Du contrat social » (1762), va « démocratiser » la théorie de la souveraineté en faisant du peuple son titulaire et détenteur à titre originaire.

B/ L’Etat sur la scène internationale

1°) Dans son avis consultatif du 11 avril 1949, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a rappelé le rôle central qu’occupe l’Etat sur la scène internationale en possédant, avec une forme de souveraineté générale (c’est-à-dire non limitée sur des objets précis), la plénitude des compétences, alors que les organisations internationale, comme l’ONU par exemple, ne détiennent que des compétences fonctionnelles, étroitement circonscrites à la réalisation de leur objet et leurs buts.

2°) La société internationale est relationnelle, horizontale et non hiérarchisée : il n’y a ni autorité supra étatique souveraine, ni un Etat qui disposerait, en droit, de la souveraineté sur les autres Etats. Ainsi donc la plupart des auteurs qui abordent la question de la souveraineté des Etats en droit international mettent l’accent sur les deux principes de l’égalité souveraine des Etats et de la non immixtion des Etats dans les affaires relevant du domaine réservé d’autres Etats.

C/ L’Etat et la charte de l’ONU

 La Charte des Nations-Unies (article 2, paragraphe 1) énonce que « l’organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres. »

 L’égalité souveraine des Etats est un corollaire de la souveraineté. Les Etats, étant souverains, ont tous, en tant que tels, et en vertu du droit international, une vocation identique à jouir des droits à propos desquels il est établi qu’ils sont égaux.

 Ainsi, l’Etat s’identifie à la souveraineté interne et internationale du fait de la légitimité que lui reconnaît la population qu’il régit et aujourd’hui, quoique dans une moindre mesure de la légitimité qui lui est consentie par la communauté internationale.

1°) L’égalité souveraine s’articule sur une série de principes fondamentaux

a) Les Etats sont juridiquement égaux ; b) Chaque Etat jouit des droits inhérents à la pleine souveraineté ; c) Chaque Etat a le devoir de respecter la personnalité des autres Etats ; d) L’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’Etat sont inviolables ; e) Chaque Etat a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel ; f) Chaque Etat a le droit de s’acquitter pleinement, et de bonne foi, de ses obligations internationales et de vivre en paix avec les autres Etats.

2°) Limites de la souveraineté

Si leur souveraineté confère aux États une liberté de comportement vis-à-vis des autres sujets de la société internationale, au premier rang desquels les autres États, c’est naturellement dans le respect des règles du droit international, parmi lesquelles notamment l’interdiction de l’ingérence dans les affaires intérieures, la prohibition du recours à la force, l’obligation de règlement pacifique des différends.

3°) Le respect des droits des États tiers

a) Le respect du territoire des États tiers : article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations-Unies : interdiction du recours à la force armée ; obligation de respecter l’intégrité territoriale d’un État tiers.

b) Principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État : obligation de respecter les compétences territoriales d’un État tiers.

II/ Les organismes internationaux et les principes qui les régissent

A/ La philosophie des organismes internationaux

C’est celle reposant sur le dogme intangible d’une économie libérale excluant l’intervention des Etats-Nations qui est partagé par les institutions internationales (« consensus de Washington ») qui sont loin de développer une conception neutre de l’organisation des sociétés et, en leur sein, des rapports sociaux, Il faut entendre ce qualificatif « neutre » dans le sens de l’acceptation de modes d’organisation divers des sociétés étatiques, ce que l’on serait en droit d’attendre d’institutions dites « internationales », conformément aux missions de ces organismes.

Or la conception libérale quant au fondement de nos sociétés contemporaines s’est renforcée dans les années 70 avec l’Ecole de Chicago – avec, à sa tête, son leader Milton FRIEDMAN – dont la doctrine économique devait largement inspirer l’action de l’ensemble des institutions internationales. Parmi ces organismes internationaux deux méritent particulièrement notre attention : la Banque Mondiale et le FMI.

B/ La Banque Mondiale

1°) Création

Au lendemain de la seconde guerre mondiale (le 27 décembre 1945) sous le nom de Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), après la signature de l’accord de Bretton Woods du 1er au 22 juillet 1944.

2°) Son rôle

Evolution de ses missions au fil du temps : au départ créée pour aider l’Europe et le Japon dans leur reconstruction (d’où son nom originel), au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, en 1947, elle accorda à la France un prêt d’un montant de 250 millions de dollars (en valeur actualisée, il s’agit du plus gros prêt consenti par la Banque).

Mais, à partir des années 1960, avec le Mouvement de décolonisation, elle se fixa également comme objectif l’aide économique aux pays en voie de développement (africains, asiatiques et latino-américains).

Après le rattrapage économique du Japon et de l’Europe, la Banque mondiale s’est intéressée exclusivement aux pays en voie de développement.
Depuis les années 1990, elle finance aussi les pays postcommunistes.

3°) Ses activités

a) Les programmes d’ajustement structurels

La BM a redéfini son mandat comme étant le financement de projets devant favorisant l’essor économique des pays en voie de développement.
Ces prêts sont généralement octroyés en tranches et sont conditionnels à l’établissement de Programmes d’Ajustements Structurels (PAS). Les PAS comprennent généralement les mesures suivantes :
• Réduire le déficit budgétaire du gouvernement.
• Laisser flotter la devise.
• Libéraliser le commerce international en réduisant les barrières protectionnistes.
• Éliminer les contrôles de prix (plafonds et plancher).
• Éliminer les subventions.
• Privatiser les entreprises d’État.
• Adopter un cadre légal favorisant le respect les droits de propriété privés.
• Réduire l’ampleur de la corruption gouvernementale.

b) Les grands projets de la BM et les populations locales

Dans le cadre des projets de la BM, notamment en matière de rénovation urbaine, la BM ne s’assure pas toujours que les projets qu’elle finance prévoient une réelle protection des populations concernées par ces rénovations. Ainsi au Nigéria dans l’Etat de Lagos, le gouvernement a rasé Badia East en février 2013 avec des expulsions sans préavis de quelque 9000 habitants de quartier qui n’ont pas reçu la moindre compensation et se sont retrouvés sans toit, dans la rue dans cette ville dangereuse et surpeuplée (voir l’article du Monde en ligne du 21 avril 2015 « Quand la Banque mondiale trahit les pauvres »)

4°) Les critiques

Elles sont nombreuses.

a) L’influence des Etats-Unis
Beaucoup considèrent la Banque mondiale comme étant sous l’influence politique des États-Unis et comme l’instrument de sa domination (siège aux USA, nomination de son Président par le Gouvernement américain)

b) Les mouvements altermondialistes accusent la Banque Mondiale de répondre davantage aux exigences des multinationales qu’à celles des populations locales.
Pour la Banque mondiale, comme pour le Fonds monétaire international, on a mis en avant une crise de légitimité engendrant souvent des projets de réforme. Elles ont pour point commun une demande de transparence et de démocratie, d’une part, et une remise en cause des finalités et des modes d’intervention de ces organisations, d’autre part. »

c) L’immixtion dans la souveraineté des Etats
Ainsi, en violation de ses propres statuts, depuis les années 2000 (administration Bush), la Banque mondiale s’octroie un droit de regard sur les conditions relatives à l’utilisation de son aide accordée aux Etats demandeurs… En contrepartie de l’aide accordée à ceux-ci, elle impose, en effet, à ces pays des « politiques d’ajustement structurel », soit pour limiter la corruption soit pour faciliter l’émergence d’une démocratie. Mais, en dehors même de ces deux cas, d’autres interventions dans le choix du modèle de développement économique, relevant de la souveraineté des Etats aidés (en général PVD), sont plus contestables car ils violent la souveraineté des Etats.

Conclusion : Crise identitaire et transformations géopolitiques

La BM connaît aujourd’hui une crise identitaire car elle n’est plus la seule, aujourd’hui, à prêter et à investir dans les PVD puisque la Chine a créé une Banque de développement et d’investissement et qu’elle a été rejointe par plusieurs Etats européens, malgré les fortes réserves des USA.

En effet, désireuse de conforter son influence économique, la Chine a attiré quelque 57 pays dans le cadre de son projet de Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB), considérée comme une institution concurrente de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement (ou BAD, dominée par le Japon). Dans le bloc occidental, la France, l’Allemagne et l’Italie ont décidé, après le Royaume-Uni, de rejoindre l’AIIB dont la Chine sera le principal bailleur de fonds. Le rôle de cette banque est de favoriser l’investissement dans les transports, l‘énergie, et les télécommunications dans les pays en développement d’Asie.

C/ FMI = Fonds Monétaire International

1°) Création

Lui aussi, comme la BM, le FMI est né en juillet 1944, lors de la conférence de Bretton Woods, le FMI est une institution internationale regroupant 188 pays. Son rôle est de « promouvoir la coopération monétaire internationale, garantir la stabilité financière, faciliter les échanges internationaux, contribuer à un niveau élevé d’emploi, à la stabilité économique et faire reculer la pauvreté ».

A l’origine, il devait garantir la stabilité du système monétaire international, dont l’écroulement, après le krach de 1929, avait eu des effets catastrophiques sur l’économie mondiale.

Le rôle du FMI, dans le cadre du système monétaire international, était donc de promouvoir l’orthodoxie monétaire (parité officielle des monnaies étatiques avec l’or ou le dollar, valeur des monnaies sur le marché des changes et limitation de leur fluctuation, équilibre de la balance des paiements des Etats), afin de maintenir un contexte favorable à l’essor du commerce mondial, tout en accordant des prêts à certains pays en difficultés dans le contexte de la reconstruction d’après guerre.

2°) Les accords de la Jamaïque (1976) et le nouveau rôle du FMI

A la suite des crises de la fin des années 1950 et 60, en janvier 1976, les membres du FMI signent les accords de la Jamaïque qui permettent le flottement des monnaies. Le rôle initial principal du FMI - garantir la stabilité des taux de change dans une marge de 1 % - a disparu. C’est la fin du système de Bretton Woods.. Après 1976 et la disparition d’un système de change fixe, le FMI a hérité d’un nouveau rôle face aux problèmes d’endettement des pays en voie de développement et suite à certaines crises financières [ ].

4°) Organisation

Le FMI est gouverné par les 188 pays qui en sont membres, chacun ayant une voix pondérée par sa participation financière à l’organisation (sa « quote-part »).

5°) Les activités et politiques préconisées par le FMI

Comme celles de la Banque mondiale, elles plongent leurs racines dans la doxa libérale.

 Vis-à-vis des PVD

Le FMI, avec l’aide d’autres organisations internationales octroyant des prêts (comme la Banque mondiale), négocie aussi des plans dits d’ajustement structurel (PAS). Ils consistent généralement à améliorer les conditions de production et d’offre via la promotion des mécanismes du marché [ ].

 Vis-à-vis des pays développés

La déréglementation du marché du travail est une idée fréquemment mise en avant par le FMI pour soutenir la croissance économique. Le FMI utilise ainsi l’« indice de protection de l’emploi » (créé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pays par pays, et encourage à sa diminution. En ce qui concerne la France, le FMI considère qu’elle a un indice de protection de l’emploi trop élevé. Aussi encourage-t-il le gouvernement français à déréguler le marché du travail. Il préconise également la réduction des dépenses liées au vieillissement (santé, pensions). S’agissant du SMIC, il recommande la poursuite de la modération dans sa hausse.

6°) Les critiques adressées au FMI

a) La critique de son organisation en faveur de la domination des pays riches
Les États-Unis sont le contributeur principal du FMI, et possèdent ainsi 16,79 % des droits de vote. L’Union européenne possède 32,1 % des droits de vote. Les 10 premiers pays, qui représentent plus de 50 % du PIB mondial, ont la majorité des droits de vote alors que le FMI compte 188 pays membres. Ce qui fait dire aux détracteurs du FMI qu’il est un instrument au service des grands pays, qui financeraient le FMI pour imposer les vues économiques de l’organisation sur les pays qui choisissent d’avoir recours aux financements du FMI. Ce système de vote censitaire est critiqué, notamment par les tenants d’une « mondialisation démocratique ».

b) Les critiques des altermondialistes
Les critiques adressées au FMI proviennent le plus souvent – mais pas exclusivement [ ]- des organisations altermondialistes. Elles considèrent que les interventions du FMI, même si elles permettent un dépannage momentané des pays du tiers monde qui les acceptent, aggravent la pauvreté et les dettes en supprimant ou diminuant la capacité d’intervention de ces États, ce qui les empêcherait de mieux régler leurs problèmes. L’argument principal se base sur le fait que le FMI préconise les mêmes recommandations économiques et globalement les mêmes plans d’ajustement structurel (essentiellement des privatisations et des ouvertures du marché intérieur) à tout pays demandeur d’aide, sans analyser en profondeur la structure de chacun. Sur la base du « Consensus de Washington », il préconiserait le plus souvent une plus grande ouverture aux capitaux, aux services et biens mondiaux, la privatisation des entreprises publiques ainsi que l’austérité budgétaire. On peut prendre comme exemple l’Argentine, qui était considérée comme un pays modèle par le FMI (pour avoir suivi à la lettre ses recommandations), mais qui a connu une grave crise économique en 2001, entraînant le chaos.

c) Sa cécité par rapport à la survenance de la crise financière et économique (2007)
Un rapport indépendant rédigé par une équipe du Bureau indépendant d’évaluation du FMI (BIE) concernant la période (2004-2007) - qui a précédé la crise financière et économique mondiale - a pointé du doigt l’incapacité du FMI à prévoir la crise durant ces années [ ].

Le président russe Vladimir POUTINE a également mis en évidence ce problème, appelant à une réforme du FMI pour que celui-ci soit plus rapide dans la prise de décisions efficaces dans l’environnement très changeant des finances mondiales.

Aux États-Unis, le FMI n’a pas analysé la dégradation des normes d’octroi des financements hypothécaires, ni le risque que cette situation faisait porter aux institutions financières et il est toujours « resté optimiste quant à la propension de la titrisation à diluer les risques ».

Le rapport du BIE explique l’incapacité du FMI à identifier les risques et à donner des avertissements par différents facteurs :

 des méthodes d’analyse incomplètes et un « degré élevé de pensée doctrinaire » ;

 l’opinion dominante que « l’autorégulation des marchés suffirait à écarter tout problème majeur des institutions financières. » ;

 le lien insuffisant entre l’analyse macroéconomique et celle du secteur financier ;

 les lacunes de la gouvernance interne.

Anne-Cécile Robert/Louis Saisi,

Paris, 22 juin 2015

ANNEXE  : Le consensus de Washington (« Les 10 commandements »)
C’est l’économiste John WILLIAMSON qui a résumé lui-même, dans un article paru en 1989 sous sa plume, le « paquet » de réformes – qui sont le plus souvent davantage imposées que « recommandées » par la Banque Mondiale et le FMI aux États confrontés à une crise de la dette accompagnée de récession et d’hyperinflation - dans les dix propositions suivantes (souvent aussi appelées « les 10 commandements ») :

1. Une stricte discipline budgétaire ;

2. Cette discipline budgétaire s’accompagne d’une réorientation des dépenses publiques vers des secteurs offrant à la fois un fort retour économique sur les investissements, et la possibilité de diminuer les inégalités de revenu (soins médicaux de base, éducation primaire, dépenses d’infrastructure) ;

3. La réforme fiscale (élargissement de l’assiette fiscale, diminution des taux marginaux) ;

4. La libéralisation des taux d’intérêt,

5. Un taux de change unique et compétitif ;

6. La libéralisation du commerce extérieur ;

7. Élimination des barrières aux investissements directs de l’étranger ;

8. Privatisation des monopoles ou participations ou entreprises de l’État, qu’il soit — idéologiquement - considéré comme un mauvais actionnaire ou - pragmatiquement — dans une optique de désendettement ;

9. La déréglementation des marchés (par l’abolition des barrières à l’entrée ou à la sortie) ;

10. La protection de la propriété privée, dont la propriété intellectuelle.


Notes
 :

Son appellation a changé car, depuis 2007, on l’appelle Groupe de la Banque mondiale car il regroupe pas moins de cinq institutions jouant, chacune, un rôle particulier. Mais la BIRD (= Banque internationale pour la reconstruction et le développement) est, de loin, l’institution la plus importante. Alors qu’au départ, elle devait financer la reconstruction de l’Europe et du Japon, son objectif, aujourd’hui, est de lutter contre la pauvreté dans le monde. Son siège à Washington a permis l’émergence des USA comme d’une économie monde au sens braudélien, ce qui est une autre manière de qualifier une forme d’impérialisme… La BIRD compte 187 pays membres. Chaque année, elle publie un Rapport sur le développement dans le monde chargé de rendre compte des résultats obtenus.

2 Lorsqu’un pays est confronté à une crise financière, le FMI lui octroie des prêts afin de garantir sa solvabilité et d’empêcher l’éclatement d’une crise financière semblable à celle qui frappa les États-Unis en 1929. Il prend de nombreuses décisions en concertation avec la Banque mondiale au sein du « Comité de développement ». Sa gestion courante est confiée à un conseil d’administration composé du président de l’organisation et de 24 administrateurs représentant chacun une nation. 8 d’entre elles ont un représentant permanent (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon, République populaire de Chine, Russie et Arabie saoudite), les 16 autres sont élus par les pays membres. Son directeur général est en principe un européen (après Strauss Khan, c’est, aujourd’hui, la française Christine LAGARDE qui est à sa tête).

3 Cf. supra, I/B, §§ 3 et 4, pp. 3 et 4. Parmi les mesures concrètes souvent exigées, on trouve l’ouverture du pays aux capitaux étrangers et au commerce international, la libéralisation du marché du travail et la réduction du poids de l’État, c’est-à-dire la privatisation de nombreuses entreprises. L’économiste américain John WILLIAMSON a regroupé, dans un article publié en 1989, l’ensemble de ces idées sous le terme de « consensus de Washington », en soulignant qu’elles sont partagées par la plupart des grandes organisations internationales (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce…) dont la plupart ont leur siège à Washington (f. ANNEXE, p. 8).

4 Voir celles, assez inattendues, d’économistes réputés libéraux (tels que Milton FRIEDMAN, de son vivant) ou même de la Banque mondiale.

5 Le rapport souligne que pendant cette période le « message constamment répété fut celui d’un optimisme permanent », le FMI partageant alors l’idée assez répandue « qu’une crise majeure dans les grands pays industriels était peu probable ». Jusqu’aux premières heures de la crise, et encore en avril 2007, le « message du FMI… présentait un contexte économique international favorable ». Le FMI n’aurait accordé que peu d’attention à la dégradation du bilan des secteurs financiers, aux liens éventuels entre politique monétaire et déséquilibres mondiaux, ainsi qu’à l’expansion du crédit. Le FMI n’a pas perçu les principales composantes sous-jacentes de la crise en gestation.