Union Européenne : un plan B ?

Union Européenne : un plan B ?

Mardi 13 août 2019, par Noura Mebtouche

Les résultats des élections européennes du 26 mai 2019 ont été édifiants. Les scores réalisés par les différents regroupements politiques montrent bien que la situation politique dans toute l’Europe est la même avec ce regrettable regain d’intérêt pour l’extrême droite.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation quelque peu analogue à elle que nous avons déjà vécue en 1933, avec une incrédulité constante, qui n’a pas changé devant cette inéluctable montée des partis populistes, une droite qui a du mal à trouver sa voie et une gauche complètement divisée et détruite. Ceci est aussi le miroir de notre situation politique nationale française. Le constat est clair : il signe l’évidence : celle d’un échec des politiques qui se sont menées autour de l’Euro. Pour sauver l’Europe et tout ce qui a été réalisé de positif autour d’elle, la France a un grand rôle à jouer.

Si le populisme plus fort désormais devient trop velléitaire, nous allons devoir montrer que nous avons compris les leçons de la deuxième guerre mondiale et prendre les devants afin de quitter l’Euro.

C’est ce que l’on pourrait définir comme étant un plan B à adopter afin de relancer l’Europe économique et sociale sous un nouveau jour.

Dans ce cadre, la politique de nouvel alignement monétaire que j’ai définie dans mon livre « le nouvel alignement monétaire » pourrait être une bonne idée.

Nombreux sont les pays du sud ou de l’Europe de l’est qui n’attendent qu’un signal pour créer une nouvelle zone monétaire avec les pays les moins développés afin de pouvoir évoluer au sein d’économies soutenables et viables à long terme, plus humaines aussi.

Sortir de l’Euro, ce serait montrer à Marine le Pen qu’elle n’est pas la seule à avoir cette idée, mais qu’on peut en sortir sans tomber dans une économie de type autarcique où nous serions isolés.

C’est pourquoi il est nécessaire de le faire avec l’appui des autres pays du Sud qui ne se reconnaissent pas dans l’Europe de l’Euro.

Ce serait aussi un moyen de retrouver notre autonomie fiscale et budgétaire sans tomber dans les ornières malencontreuses des concessions que l’on fait insidieusement pour finir par se retrouver vaincu sans plus savoir exactement qui nous sommes. Or, comme l’explique Marcel Gauchet dans son livre « le Malheur français » (2016, éditions Stocks, les Essais), la France, forte pourtant d’une histoire riche où elle a toujours joué un rôle fondamental, n’a pas confiance en elle.

Le moment historique de montrer qu’elle est guérie est venu.

Pourquoi sortir de la zone euro ?

La question et aujourd’hui d‘actualité. Il y a d‘abord eu le Grexit, puis la remise en cause de la maintenance du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne.

Les ouvrages sur la question, au départ rares (Jacques Sapir : « pourquoi sortir de l’Euro ? ») sont désormais de plus en plus nombreux. Cela intervient dans une période où sur le plan politique, la question européenne est plus que jamais d’actualité avec, depuis les nouvelles présidentielles, une question du dogme européen et de sa prégnance dans les politiques publiques revivifié à la fois par des déclarations officielles et par la nécessité de faire lien dans un contexte mouvant et dangereux : celui de la question des réfugiés et celui de la paix dans le monde, dans un contexte de coopération nécessaire sur le plan du renseignement et de la défense.

Cela fait cependant appel a certaines résurgences issues des nationalismes traditionnels qui ont marqué l’Europe des XIX et XXème siècle, et l’ont déchirée. Donc, méfions-nous, pour reprendre un terme de l’auteur Pavloff utilise avec son livre « Matin Brun » : « les bruns sont partout aujourd’hui, et n’attendent qu’une chose, c’est de pouvoir semer la discorde et la tempête entre les Nations, contre les excès du capitalisme. Or, nous savons désormais, alors que nous n’avons pas fini de payer les débordements des guerres précédentes, que même si fort heureusement, les mécanismes de la résilience interviendront pour nous guérir, les processus mis en place sont longs et occasionnent de sérieux retards de civilisation, laquelle lenteur finit par nous faire perdre patience et par générer de nouvelles guerres. Les atrocités de 39-45, ont montré que la fausse croyance selon laquelle une bonne guerre pouvait assainir les situations et générer un nouveau recommencement ont tort. Les souffrances et destructions générées par la guerre ou toute autre forme de violence, ne sont pas une bonne chose, d’un mal ne sort pas un bien, le mal multiplie toujours le mal, d’un bien sort toujours un bien, le bien peut remplacer le mal aussi rapidement que le mal peut se propager, telle la peste bubonique, au XVème siècle.

Il suffit simplement d’avoir la capacité d’élaborer une stratégie a long terme, avec un champ de vision très élargi, donc une prospective à grande échelle, tant sur les plans temporels que géographiques.

Notre conception d’une sortie de l’euro n’est pas cette vision de court terme qu’ont les partisans d’un retour a la préhistoire avec des Etats portant chacun leur drapeau au sommet de leur clocher, c’est une vision humaniste et non totalitaire, une vision constructive qui ne remet pas en cause les acquis de l’Europe, bien au contraire, mais souhaite les préserver, et même continuer l’œuvre ainsi commencée, au nom d’un projet qui dès 1954, nous a été présenté comme celui d’un projet de Paix. ».

Nous avons donc affaire ici à une situation à double tranchant : d’un côté, l’Europe paraît plus que jamais indispensable et comme le dit Marcel Gauchet dans le fameux livre « le Malheur Français » : elle est l’inéluctable sens que doivent prendre les relations internationales européennes dans un mouvement de construction et de consolidation des Nations et non pas des Empires (l’autre version qui se dessine sous les auspices d’impérialismes issus de mauvaises interprétations de l’histoire).

L’enjeu est important : il était à la une des préoccupations aux débuts de la construction européenne (CECA 1954), mais cet enjeu-là a été promptement étouffé dès les années 80 par la question de l’intégration économique et monétaire). Il s’agit de mettre sur pied les bases d’une politique de civilisation sur la base de la coopération et de la mutualisation des moyens internationale. (Voir la déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman, inspirée par Jean Monnet).

Cet enjeu-là n’est pas encore réglé, même si nous le rappelons-ici, il a été placé au centre des préoccupations depuis plus de cinquante ans.

Le retour à la Paix passe aujourd’hui par une prise en compte de la réalité des pays membres de l’Europe, par un règlement de la crise et de la situation en Grèce par une prise en compte, au sud, de notre voisinage méditerranéen et africain, a l’est par notre voisinage avec d’autres Etats qui eux aussi prennent des directions particulières en fonction de leur histoire, en matière d’alliances et avec lesquels nous nous devons de nous entendre et non pas se plier (surtout à l’Est, avec la Russie nationaliste).

La crise des réfugiés et la remise en cause des accords de Schengen constitue dans ce cadre un « rappel à l’ordre », qui nous met en alerte et nous rappelle que si nous ne voulons pas basculer dans un monde de barbarie , nous devons d’ores et déjà, notamment avec les pays de l’Est et ceux du Sud, remettre sur pied et imposer cet idée de coopération internationale comme un nouveau paradigme , une nouvelle « Doxa » pas seulement par le biais des discours et des serrements de main, mais également par des mesures concrètes, fidèles à l’image qu’ a voulu se donner l’Europe des débuts, celle d’après la deuxième guerre mondiale, de nature humaniste, concrète, et à long terme.

Mais cela n’empêche en rien, que parallèlement à ce mouvement, les Nations puissent continuer à évoluer sur leur propre territoire, dans un parfait respect de leurs souverainetés respectives. Cette modalité-là a son importance.

Ainsi, sur le plan des économies, mais aussi (et surtout de la défense), il ne s’agit pas de créer une dépendance quelconque envers un groupe d’individus qui décideraient en lieu et place de l’Etat souverain.

Citons-ici Marcel Gauchet (Le Malheur français, p. 229, Folio, mars 2017) : « Le nationalisme est un épiphénomène idéologique propre à l’ère des extrêmes du premier XXème siècle.

Il est la marque de l’inachèvement des Nations, par leur essence.

A l’opposé, nous avons affaire aujourd’hui en Europe, en partie grâce à la construction d’une communauté de nations qui a servi d’accélérateur, à des Nations pleinement accomplies, c’est-à-dire totalement dégagées de la formule impériale. Une Nation désimpérialisée est une nation qui a pour principe la reconnaissance de la similarité de sa formule avec celle de ses voisines.

Une Nation complètement aboutie ne connait que des semblables qui ont donc les même aspirations : la liberté de leurs membres dans la prospérité et la paix.

Leur tendance est de développer des liens d’interdépendance, nullement de déclencher des conflits. L’intérêt de tous est de mettre le plus possible en commun. Une Nation est la forme politique à l’intérieur de laquelle est possible une société libre, indépendante de l’Etat. Donc en capacité d’avoir des rapports directs avec ses voisines. En ce sens, l’abaissement des frontières -au sens douanier comme au sens politique-est un objectif tout à fait naturel pour des nations accomplies. ».

L’exemple de l’intégration monétaire et de l’Eurogroupe déjà largement critiqué (voir notamment à ce sujet les écrits et discours de certains hommes politiques ou économistes grecs, principales victimes de l’inadéquation entre l’économie sociale de marché gérée par une seule monnaie unique, et celle d’une gestion naturelle et libre par chaque Etat de ses paramètres monétaires, budgétaires et financiers en fonction des ressources mais aussi des caractéristiques de chaque pays, son histoire, son voisinage, (nous pensons ici notamment à Yannis Varoufakis ancien ministre des finances en Grèce, ainsi qu’à Dimitris Konstantopoulos), nous montre que si l’on souhaite qu’une organisation de nature supranationale puisse fonctionner, cela ne peut se faire sans que l’on ait préalablement pris soin de laisser chaque Etat-Nation développer lui-même à sa façon, avec ses particularités, ses fonctions régaliennes.

La défense, l’éducation, la santé, l’aménagement du territoire, mais aussi la monnaie en font partie.

Par ailleurs, cette conception des choses qui ne remet pas en cause l’Europe, rappelons-le, a le mérite, au lieu de créer un vaste ensemble fermé ou seulement ouvert aux grands traités d’échange, de permettre l’ouverture sur le monde, c’est-à-dire sur les autres groupes de pays, il est donc facteur de paix.

Dans ce contexte-là, les relations bilatérales se complètent et ne sont pas remplacées bien au contraire, par d’autres accords de nature politique émanant de l’Union européenne elle-même.

De l’autre sur le plan économique, il y a nécessité de remettre certaines choses en question, notamment le dogme de l ‘Euro à tout prix, tant ses caractéristiques et l’effet néfaste qu’il a pu imposer à certaines économies non adaptées à une intégration avec des pays à configuration économique différente sont négatives.

Cependant, il faut garder l’Union Européenne et ce qu’elle a de positif, notamment les liens culturels, sociaux et économiques.

L’idée d’un refus de la France aux nationalismes et aux régimes durs sans avoir à se raccrocher à tout prix à l’Euro en appliquant un plan B et en ralliant à sa cause tous les pays du sud et de l’Est qui se reconnaissent dans cette idée d’une nouvelle économie internationale en remettant tout à plat (à commencer par nos taux de change), sans guerres, constitue le seul moyen de ne pas s’enliser à nouveau dans une situation où nous pourrions bien perdre nos ailes si nous laissons les choses se faire toutes seules.

Ce serait également une façon de redéfinir un nouveau paysage politique, avec un projet de Nation commun à tous, celui d’une économie réencastrée, avec des échanges enfin équitables avec le Sud.

La France pourrait ainsi, après maints pourparlers, être à la tête d’une nouvelle Europe du Sud qui serait accolée à celle du Nord davantage menée par l’Allemagne et ralliant avec elle, les pays de « l’Union pour la Méditerranée ».

Cela permettrait de pratiquer un nouveau réalignement économique qui tiendrait compte des disparités et des configurations de chaque zone avec chacune son rythme.

Elle pourrait dans ce cadre, être à l’origine des accords de l’organisation des Etats indépendants et autonomes (OIA), une organisation où prendrait part de manière prépondérante la société civile, formée du monde associatif et des individus citoyens, avant même les Etats.

Ces derniers pourraient y conclure de nouveaux accords, de paix, de prospérité économique et d’accords concrets mettant en avant l’environnement.