Au secours, voilà les privilèges !

Au secours, voilà les privilèges !

Vendredi 13 décembre 2019, par Pascal Geiger

C’est un fait établi, depuis la nuit du 4 août 1789, les Français ont une aversion toute particulière pour les privilèges.

D’ailleurs, tous nos gouvernants, depuis quelques décennies, ont la bonté de nous le répéter … pour mieux nous rappeler que nous sommes un peuple de privilégiés.
Ils n’ont pas tort. Il suffit de regarder autour de nous.

Voyez tous ces privilégiés !

D’abord les chômeurs, responsables comme chacun sait de leur situation, et dont le montant et la durée de leurs indemnités précarisent davantage les salariés précaires.
Puis, les retraités, naturellement.

Notamment ceux bénéficiant de régimes spéciaux et qui, par leur obstination à s’accrocher à leurs droits, mettent en difficulté le système de solidarité intergénérationnel, par ailleurs totalement inadapté à notre démocratie libérale qui préfère de loin les initiatives individuelles de capitalisation, sources indéniables de progrès.

Les salariés, ensuite, dont les acquis sociaux indécents au regard du pack de protection social suffisant dont jouissent les autoentrepreneurs sont un frein au développement des grandes entreprises.

Tous ces privilèges cumulés sont une entrave au plein épanouissement d’une politique économique mondialisée dont la modeste ambition est de promouvoir les libertés.

Les libertés individuelles, d’abord, qui sont corsetées par des droits collectifs générateurs de dépenses publiques inconsidérées.

Les libertés de circulation, ensuite, celle des capitaux, des biens et des hommes pour le plus grand profit des entreprises transnationales qui n’ont de cesse d’assurer une gestion appropriée des ressources de la planète.

Les gilets jaunes, ces gaulois réfractaires, n’ont pas compris que le marché, le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques.

Ils ne comprennent pas que tout régime politique prenant une autre voie court à l’échec.

There is no alternative. Il n’y a pas d’autre choix. Comme le proclamait la pythie britannique, oracle de l’école de Vienne.

Depuis les années 80, la sphère politique, de quelque bord qu’elle soit, n’a eu de cesse de se rallier à cette antienne. A tel point qu’aucune autre vision politique n’émerge depuis.

D’ailleurs pourquoi s’échiner à imaginer un autre monde ?

Le monde néolibéral est magique. Prenez, par exemple, la protection sociale conçue par le CNR.

Lorsqu’elle est gérée par l’Etat ou au mieux par les partenaires sociaux, ces prestations sociales sont considérées comme des dépenses publiques, cause principale de nos déficits budgétaires.

Il convient donc de les maitriser.

Ainsi, sitôt transférées à la sphère privée, ces protections sociales autrefois « dépenses » deviennent subitement des « ressources » qu’il est nécessaire de développer.

Magique non ?

Un autre exemple, tout aussi fantastique ; celui de la réforme des retraites.

Le gouvernement souligne, à bon droit, qu’il est inadmissible que les impôts des contribuables servent à renflouer quelque 42 régimes de retraite spéciaux, sauf peut-être le régime de retraite des sénateurs.

Par souci d’égalité, un système universel de retraite doit être instauré.

Ce système par point ne semble, a priori, pas très différent de celui de l’AGIRC – ARCCO. A ceci près que pour des raisons budgétaires la valeur du point pourra évoluer en fonction de la situation économique du pays.

Ainsi, les retraités français se retrouveront dans le même cas de figure que celui qui régit aujourd’hui le système des retraités suédois, à savoir des retraites fluctuant au gré de l’équilibre budgétaire.

Même si, selon une étude de la caisse des pensions suédoises, 72% des hommes et 92% des hommes ont une retraite plus faible que celle qu’ils auraient perçu avant l’instauration de ce système par point.

Vous l’avez compris, depuis plusieurs décennies nos dirigeants politiques se sont convertis à la gouvernance par les nombres.

Les chiffres avant les Hommes et peu importe si l’humanité en souffre et que les ressources planétaires s’épuisent.

L’essentiel, pour eux, est que durant la durée leur mandat, l’éclat de leurs actions tienne le temps de leur réélection.

Il est temps d’ausculter ses dérives néolibérales qui mettent à mal nos institutions et accroissent les inégalités.

Il est grand temps de se réapproprier l’article 1 de notre constitution. Il est temps de refonder le fonctionnement de notre République.

La France est une République

 indivisible : le peuple prime sur les communautés de quelque nature qu’elles soient,

 laïque : l’instruction nationale prime sur l’éducation communautaire,

 démocratique : le suffrage universel prime sur le lobbying,

 et sociale : la solidarité nationale prime sur les assurances privées.

Il est temps que nos dirigeants comprennent que le peuple français ne se compare pas aux autres peuples mais bien à eux-mêmes, c’est à dira à l’idée qu’il se font de la France.

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