L’esprit du Risorgimento italien renversera-t-il Berlusconi ?
Mercredi 13 avril 2011, par
A en croire le 12 mars dernier, à l’Opéra de Rome, le Teatro Costanzi, c’est à une telle conséquence que les Italiens devraient s’attendre. Ce jour, en effet, de nombreux mélomanes étaient venus en nombre pour écouter la première de Nabucco de Verdi, dirigée par le chef d’orchestre Riccardo Muti. Cinq jours avant la fête des 150 ans de l’unité italienne, du 17 mars, la soirée lyrique fut des plus étonnantes. Ainsi même, Muti de s’exprimer sur scène : « Le 9 mars 1842 Nabucco apparaissait en tant qu’opéra patriotique lié à l’unité et à l’identité de l’Italie. Je ne voudrais pas, aujourd’hui, le 12 mars 2011, que Nabucco soit le chant funèbre de la culture et de la musique » [1] . Après le chœur du 3ème acte, le fameux « Va’ pensiero » qui correspond au « Chant des esclaves hébreux » et que Verdi composa pour l’Italie afin de légitimer la lutte fraternelle entre les peuples contre des régimes despotiques, le public enthousiasmé demande un « bis ». L’originalité veut que ce soir là, Riccardo Muti, vraisemblablement très sensible à la défense de la République et de la "patrie" italienne accepta non seulement le « bis » mais ajouta : « Je suis très touché par ce qui vient de se passer, je ne le fais pas [le bis] seulement pour des raisons patriotiques mais parce que nous risquons bel et bien de voir notre patrie devenir ‘belle et perdue’, comme le dit Verdi, si nous tuons ainsi la culture. Si vous voulez vous unir à nous, faisons le bis ensemble ». Le Va’ pensiero, ce chant des perdants qui s’oppose à la revendication fasciste ou xénophobe [2], deviendrait-il le chant funèbre de la culture italienne ? Ou bien, plutôt, un chant de résistance patriotique, au sens de l’engagement politique et historique contre les régressions berlusconistes ? [3] C’est bien pour ces raisons que Riccardo Muti et l’ovation que lui réservèrent les spectateurs, ce 12 mars dernier, voulant même le proclamer « Sénateur à vie », peut ne pas surprendre tant la culture, le théâtre, l’opéra, l’université et les institutions d’émancipations sont aujourd’hui attaquées. Hymne de la liberté et de la lutte pour l’affranchissement des esclaves [4] mais aussi hymne italien du Risorgimento, de Mazzini et Garibaldi, le chant des esclaves hébreux a joué encore une fois, en Italie, un rôle de catharsis en révélant la contestation du peuple face aux mesures antisociales du gouvernement actuel. De la musique à l’action pour une nouvelle Constituante italienne, il se peut qu’il n’y ait prochainement qu’un pas décisif à engager. Il faudra le suivre et l’appuyer.