L’Assemblée des départements de France exprime sa volonté, y compris quant au bon fonctionnement des pouvoirs publics
Dimanche 30 septembre 2012, par
En réunissant, dès son élection en 2007, une Conférence Nationale des Exécutifs des communes, départements et régions, en créant la commission Balladur sur les relations entre eux, en mettant en chantier une « loi territoires » Nicolas Sarkozy devait avoir un but précis et impérieux qui est maintenant très clair : supprimer les assemblées politiques départementales élues et supprimer le cadre politique homogène des communes.
Dans ce dernier cas, rien n’a servi aux maires d’indiquer que le système actuel de libre association intercommunale offrait toutes les possibilités et souplesses nécessaires. Faute de les convaincre, Sarkozy a du recourir à l’intercommunalité forcée et à la remise en cause des associations existantes…. Mais aussi a-t-il du reporter après les élections les décisions préfectorales unilatérales, tant était forte la résistance des élus soutenus par leurs administrés. Or, il s’avère que les préfets auraient reçu de nouveau de l’Etat l’instruction « d’y aller ».
De même la principale motion du parti du Président "normal" s’inspire des mêmes principes en transférant à l’échelon régional les fonctions jusqu’ici exercée par les fédérations départementales. Cette « vision » apparemment partagée par les deux présidents successifs ne fut pas pour rien dans la victoire de la gauche aux sénatoriales de 2011…et dans l’élection du Président du Sénat.
Recherchant attentivement les signes prémonitoires d’une inévitable et profonde évolution institutionnelle, au contact avec les élus de terrain, « l’Association pour une constituante » s’est adressée à plusieurs reprises depuis 2010 aux congrès des élus locaux sur la base de l’analyse des projets du gouvernement et des déclarations de responsables de l’Union Européenne.
Il lui est apparu de plus en plus clairement au travers des mesures gouvernementales, des réactions des élus, des motions de leurs congrès et des besoins croissants des « administrés »( !!!) en butte à des difficultés économiques croissantes, qu’il y avait dans l’air de vrais « états généraux 1789 ». Le pouvoir en place, mais aussi les leaders du principal parti d’opposition y répondaient par un transfert croissant et non compensé de charges au niveau des communes et départements, ainsi que par le transfert de leurs fonctions aux régions et aux villes-centres.
Ceci s’est avéré d’autant plus inacceptable que la France a une histoire ininterrompue de vie et de politique locales animées de pouvoirs locaux élus ou non élus. Dernièrement depuis la Libération de 1944-1945. Un changement aussi radical ne peut donc être accepté dans les faits ni par les cadres locaux économiques et politiques ni par les citoyens et familles.
Et ce d’autant plus que les premiers effets de ces réformes n’ont pas tardé à montrer leurs fruits amers, notamment en raison du désengagement de l’État de ses fonctions techniques, financières et protectrices : réaction aux catastrophes naturelles, alourdissement des réglementations, emprunts privés « toxiques », cout élevé et indépendance relative des conseils techniques privés, responsabilité civile personnelle des élus accrue, etc.
Or, jusqu’ici, il subsistait une possibilités pour les élus locaux de faire partager leurs problèmes et propositions, notamment financières à leurs élus nationaux. La perspective de la disparition de la souveraineté budgétaire du Parlement au profit de corps non élus et/ou étrangers et/ou des Régions recevant directement les fonds européens mettrait un terme à toute possibilité que soient pris en compte les besoins des petites villes et villages.
Cette situation, si elle se confirmait, serait grosse de risques sociaux et politiques. Il est en effet exclu, en France comme ailleurs, que les citoyens et leurs familles acceptent sans réagir avec la plus grande énergie et peut être celle du désespoir d’être laissées pour compte, sans les services publics et locaux aux quels ils estiment avoir droit.
C’est donc, selon nous à bon droit, que l’Assemblée des Départements de France réunie à Metz a tenu à réaffirmer avec la plus grande de clarté son refus de la disparition des départements et de la rupture des équilibres de pouvoir et de financement mis en place depuis la grande Révolution Française, son refus d’un encadrement de leurs budgets au delà de ce qui existe dans la présente Constitution, la RGPP et les « lois territoires » et qui leur semble par ailleurs excessif.
Christian Berthier
Ci-dessous la résolution adoptée par l’ADF, Assemblée des départements de France
Les conseils généraux éprouvent chaque jour les conséquences dramatiques de la crise financière, économique et sociale qui secoue notre pays, l’Europe et une grande partie du monde depuis décembre 2008. Ils perçoivent la désespérance qui s’est installée et même parfois la colère qui monte dans nos villes et nos territoires.
Placés au cœur des solidarités sociales et territoriales, acteurs majeurs de la cohésion sociale, ils éprouvent depuis des années des difficultés financières et budgétaires extrêmement importantes.
Aujourd’hui, comme hier, le principe du financement des allocations individuelles de solidarité (APA, PCH, RSA) n’est pas acceptable. Ce financement de droits individuels et universels relève d’un niveau national de solidarité.
Les conseils généraux sont déterminés pour exiger l’application du principe de répartition à parité du financement de l’APA et la couverture à terme par l’État de la PCH et du RSA.
Sur le plan financier, ils demandent fermement des mesures financières d’urgence pour les conseils généraux les plus touchés qui s’appuieraient sur la reconduction du fonds exceptionnel mis en place en 2011 et qui serait abondé par les crédits disponibles et non consommés de la CNSA affectés normalement au financement de la prise en charge du vieillissement de nos concitoyens et pour les établissements accueillant des personnes âgées.
Les départements sont conscients, aujourd’hui comme hier, de la situation des comptes publics de la nation mais affirment que répondre à la question du financement des 3 allocations individuelles de solidarité est un préalable pour restaurer la confiance entre l’Etat et les conseils généraux.
Ils veulent dès à présent engager une réflexion et une véritable négociation sur des financements durables et pérennes de la perte d’autonomie et de la dépendance pour une application dès la loi de finances 2014. Dans ce sens, des propositions sérieuses et responsables ont été faites lors de la précédente mandature. Elles demeurent toujours pertinentes et les départements entendent en discuter avec le Premier ministre et les ministres concernés.
Le Président de la République a annoncé lors de son discours à Châlons-en-Champagne, qu’il recevrait les présidentes et les présidents des départements. Nous en acceptons unanimement le principe avec satisfaction.
Les départements de France vont préparer un programme avec des principes, des dispositions et des engagements qui sera signé entre le président de l’ADF et le Premier ministre.
Concernant la discussion sur la réforme de l’approfondissement de la décentralisation et de la démocratie locale, les départements de France demandent au gouvernement la réaffirmation du rôle des départements au cœur des compétences des solidarités sociales et territoriales, du développement économique, social et solidaire et des politiques d’éducation et de la jeunesse.
Les départements ne sont pas et ne seront jamais des services extérieurs de l’État ou de toute autre collectivité, quelle qu’elle soit. Ils ne seront pas non plus des collectivités déléguées à la mise en œuvre des politiques publiques pour le compte de tiers.
Les départements exigent le respect du principe constitutionnel de non tutelle d’une collectivité sur une autre et le maintien de la clause générale de compétence. Les conseils généraux demandent la gestion du FSE des 2014, avec la possibilité d’une expérimentation dès le 1er janvier 2013, car les départements assurent l’insertion sociale et professionnelle des personnes les plus fragiles.
A propos de la compétence économique, les conseils généraux veulent pouvoir poursuivre leurs interventions publiques dans le développement des territoires et des entreprises.
C’est pourquoi, il est important de créer les conditions de l’égalité des territoires en défendant un mode de développement équilibré entre territoires ruraux et urbains, respectueux des nouvelles ruralités, plutôt qu’à la seule métropolisation.
Enfin, des propositions de nouveaux transferts de compétence aux départements seront faites dans le débat autour du futur projet de loi.
Les départements de France conduisent depuis longtemps des politiques innovantes, audacieuses et pertinentes, qui en font des collectivités de plein exercice, légitimes et porteuses d’une forte identité historique, appréciés par nos concitoyens. Dans l’étape nouvelle de la décentralisation qui est engagée, ils veulent créer les conditions d’un engagement citoyen, au service du vivre ensemble et du développement des territoires. Les Français sont attachés à leurs communes et leurs départements qui sont les vrais acteurs publics de la proximité au côté d’un État garant de l’égalité territoriale et citoyenne.