Le paradis du hasard

Le paradis du hasard

Samedi 16 mai 2009, par André Bellon

Le paradis du hasard

Le hasard

La crise profonde de la démocratie que nous traversons génère des réactions aussi passionnées que discutables. Dans cet océan d’incertitudes et d’inquiétudes, la dernière trouvaille des réformateurs, se présentant comme une avant-garde des évolutions positives, serait d’exhumer la vieille idée du choix des représentants du peuple grâce au tirage au sort. La main de Dieu en quelque sorte !

Si l’Association pour une Constituante a mis dans ses statuts le principe et le respect du suffrage universel, ce n’est pas par fétichisme.

C’est tout d’abord par confiance dans le citoyen. Combien de fois n’avons-nous pas entendu blâmer son inconséquence, sa versatilité, sa propension à être manipulé par des forces obscures et réactionnaires ? Ces anathèmes sont le plus souvent lancés par des minorités qui ont le plus grand intérêt à se débarrasser de la souveraineté populaire et justement à manipuler le pouvoir. Elles cherchent à faire croire que le peuple est formé d’irresponsables qui doivent être guidés par « les gens bien ». Nous considérons, à l’inverse, que l’homme est un être social, concourt à l’expression de la volonté populaire et que c’est un de ses droits fondamentaux de pouvoir exercer, en toute liberté, sa responsabilité dans la société.

C’est ensuite par confiance dans le débat. Une société vit par ses contradictions et les affrontements sont nécessaires à l’évolution. La démocratie n’est donc pas une manière de supprimer les affrontements, mais une méthode pour les conclure au mieux. Encore faut-il, évidemment, que les institutions politiques permettent que les oppositions s’expriment et soient véritablement représentées. C’est pourquoi une Constitution réellement démocratique est indispensable à la résolution optimale des contradictions sociales.

C’est enfin par hostilité à toutes les oligarchies. Certes, on nous dira que nous ne sommes plus sous l’ancien régime, qu’il n’y a plus de noblesse. Officiellement non. Mais au prétexte de la complexité du monde, une classe très restreinte a confisqué le droit de gérer les affaires publiques comme les affaires privées……avec les résultats catastrophiques que l’on constate à nouveau aujourd’hui.

L’expression de la volonté populaire n’en est que plus nécessaire. Un débat raisonné conclu par un vote est indispensable pour poser les enjeux, s’opposer aux idées dominantes et proposer des solutions nécessaires à la Société.

Le système est bloqué. Une assemblée Constituante élue au suffrage universel direct est la seule réponse à l’indispensable changement de système politique. Contre le monopole politique que s’est octroyé une étroite classe dirigeante, elle seule peut être, en effet, l’émanation de cette volonté populaire.

Prétendre, dans ce contexte, remplacer, pour la désignation des constituants, le choix des citoyens par celui du hasard est une illusion particulièrement perverse. Le tirage au sort des députés est, si on y regarde de plus près, le rêve de la classe dirigeante. Des citoyens isolés, sans identités politiques, sans liens avec les citoyens, sans mandats et sans responsabilités devant les électeurs sont, en effet, une proie idéale pour toutes les technocraties. Il est d’ailleurs révélateur que les tenants de ce système évoquent subrepticement la nécessité de conseillers qui donneraient leurs précieux conseils aux nouveaux délégués, sortes de Robinsons politiques. La soumission heureuse en quelque sorte !
Histoire de rire un peu, observons aussi que les partisans du hasard en politique ne proposent pas de tirer au sort les membres et les présidents des conseils d’administration, des conseils de direction des entreprises, de la haute fonction publique et militaire.

L’entrée du hasard, par le tirage au sort, transforme la vie politique en une vie hasardeuse. De tels discours soumettent la vie publique aux aléas alors que les institutions sont censées protéger tout individu du hasard de la vie par des lois et des mécanismes redistributifs. Il en va de même de tout système politique, et des élections : si le hasard les gouverne, rien ne peut jamais être remis en cause, les critiques étant alors à adresser à la Providence.

Affirmons toutefois que ce n’est pas sans raisons qu’un tel projet rencontre de l’audience et qu’on ne saurait le critiquer sans s’attaquer aux causes qui l’ont fait naître. Les partis politiques ont, pour l’essentiel, accepté la « pensée unique » qui domine aujourd’hui le monde et en mettent souvent même en œuvre les conséquences néfastes. Bien plus, leur fonctionnement disciplinaire archaïque empêche toute possibilité d’expression dissidente significative. Sanctionnant tous les écarts, ils ne sont souvent que des acteurs corrompus de la dégénérescence de la démocratie.

C’est donc tout le fonctionnement de la vie publique qui demande à être remis en chantier. Loin de reproduire encore l’identique, il faut trouver les moyens de désigner des constituants liés à leurs mandants dans une vraie dynamique du débat collectif.

On nous dira que le vote reproduira ce qui existe déjà. Répondons avec fermeté que cette affirmation pessimiste revient à dire qu’il est impossible de surmonter les forces aujourd’hui titulaires du pouvoir. Heureusement que les révolutionnaires de 1789 avaient plus d’audace. Sinon la Bastille serait toujours à sa place.

Au lieu de s’en remettre au ciel pour régler les problèmes à notre place, rassemblons nous pour trouver les moyens d’une relation saine et démocratique entre les citoyens et leurs représentants. Les questions sont multiples : Sur quels critères doivent-ils être élus ? Quels rapports avec leurs mandants ? Comment donner un rôle au contrôle des élus ? Quelle place au référendum d’initiative populaire ?......................

C’est aujourd’hui que ce débat doit commencer, loin des futilités que nous imposent des échéances électorales imposées. La démocratie, la Constituante ne sont pas des détours de plus dans une société amorphe. Elle est le symbole et le moyen de la réaffirmation de la volonté des citoyens, de leur prise de leurs propres problèmes, de leur combat contre la soumission.

André Bellon

3 Messages

  • Le paradis du hasard

    Le 3 juillet 2009 à 13:45 par YVAN BACHAUD

    A. BELLON écrit :

    Si l’Association pour une Constituante a mis dans ses statuts le principe et le respect du suffrage universel, ce n’est pas par fétichisme.

    C’est tout d’abord par confiance dans le citoyen.

    °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
    Si j’ai bien compris c’est une confiance tout à fait indirecte.
    Car les citoyens vont donner un chèque en blanc aux candidats présentés par les partis politiques.
    Et ce sont quelques centaines de citoyens qui vont décider pour les 45 millions inscrits.

    °°°°°°°°°°°°°°°°°
    A.BELLON écrit.

    (...)
    Le système est bloqué. Une assemblée Constituante élue au suffrage universel direct est la seule réponse à l’indispensable changement de système politique. Contre le monopole politique que s’est octroyé une étroite classe dirigeante, elle seule peut être, en effet, l’émanation de cette volonté populaire.

    Puisque A.BELLON écrit :
    C’est ensuite par confiance dans le débat.(...)
    Je vais lui poser quelques questions pour faire avancer les choses :

    1°Est-il favorable au " vote préférentiel" qui permettrait aux électeurs de choisir leurs représentants en les plaçant en position éligible comme cela existe dans 18 pays sur 27 de l’Union européenne ?
    Réponse :

    2° Pense t il que c’est un principe important qui devrait être inscrit dans la Constitution ?
    Réponse :

    3° Peut-on raisonnablement espérer qu’une constituante élue pourra le voter sachant que sur les 17 partis présents aux législatives 2007 pas un seul ne le proposait ?
    Réponse :

    4° Pense t il que le référendum d’initiative citoyenne est un outil indispensable au peuple d’exercer la souveraineté nationale ?
    Réponse :

    5° Quand lors de la discussion sur la loi du 13.08.2004 , pas un seul amendement en faveur du RIC communal n’a été déposé , et pas un non plus lors de la discussion de la réforme de la Constitution 2008.
    Quand sur les 17 partis présents aux législatives 2007 pas un seul ne le proposait dans son programme, Peut-on raisonnablement espérer qu’une constituante élue pourra le voter ?
    Réponse :

    °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

    Sur la défense du Tirage au sort des Constituants.
    D’abord le RIC propose sur son site une méthode complète de tirage au sort dans son programme pour les Européennes. Elle est valable pour la Constitution Française.
    Avec comme base de discussion le texte de la Constitution française en vigueur .

    Nous faisons confiance aux 1000 (?) citoyens tirés au sort pour dire d’abord s’ils veulent participer ou pas au second tirage au sort visant à constituer un groupe de 100.
    Les 100 recevraient une "formation" et évidemment 3 professeurs de droit constitutionnel tirés au sort également seraient la pour répondre à leurs questions et donner un avis de spécialiste sur les articles élaborés.
    De plus c’est l’ensemble du corps électoral qui sera appelé à se prononcer finalement sur le texte élaboré par les 100 et avec probablement des options.

    °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
    A.BELLON écrit :
    Histoire de rire un peu, observons aussi que les partisans du hasard en politique ne proposent pas de tirer au sort les membres et les présidents des conseils d’administration, des conseils de direction des entreprises, de la haute fonction publique et militaire.

    °°°°°°°°°°°°°°°
    Nous ne sommes pas du tout pour le hasard en politique, nous sommes à 100% pour les ÉLECTIONS, pour la démocratie représentative mais en choisissant nos représentants et en pouvant les CONTROLER par RIC selon des modalités très raisonnables..
    Il s’agit de fixer les règles du jeu démocratique ce n’est pas aux élus de les fixer mais à tous les citoyens par référendum.
    Notre proposition donne le pouvoir de DECISION aux 45 millions d’électeurs.

    La Constituante élue donne comme d’habitude un chèque en blanc à des gens désignés par la caste qui confisque le Pouvoir depuis toujours..Ce sera un coup d’épée dans l’eau.
    Nous verrons les réponses de A.BELLON à nos questions puisqu’il est pour le débat..

    °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
    A.BELLON écrit :

    Les partis politiques ont, pour l’essentiel, accepté la « pensée unique » qui domine aujourd’hui le monde et en mettent souvent même en œuvre les conséquences néfastes. Bien plus, leur fonctionnement disciplinaire archaïque empêche toute possibilité d’expression dissidente significative. Sanctionnant tous les écarts, ils ne sont souvent que des acteurs corrompus de la dégénérescence de la démocratie.
    °°°°°°°°°°°°
    Et ce sont ces partis qui vont désigner les Constituants dans lequel A.BELLON met sa confiance pour proposer des institutions démocratiques...

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    A.BELLON écrit :
    (...) il faut trouver les moyens de désigner des constituants liés à leurs mandants dans une vraie dynamique du débat collectif.

    °°°°°°°°°°°°°
    Je ne comprends pas trop ce que cela veut dire. Toujours est-il que A.BELLON propose une ELECTION.
    On verra déjà quand il aura défini avec précision le mode de scrutin.

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    A.BELLON écrit :
    On nous dira que le vote reproduira ce qui existe déjà. Répondons avec fermeté que cette affirmation pessimiste revient à dire qu’il est impossible de surmonter les forces aujourd’hui titulaires du pouvoir.

    °°°°°°°°°°°°°

    Il n’y a qu’un moyen démocratique et efficace" de surmonter les forces aujourd’hui titulaires du pouvoir."
    c’est d’obtenir une seule réforme le référendum d’initiative citoyenne nationale.
    Et vu le niveau des sondages à plus de 82% cela doit être possible si la demande est mise dans les médias à toute occasion. C’est ce que fait le RIC . Quand nous aurons le RIC nous verrons bien si les citoyens demandent une Constituante élue ou tirée au sort.
    Nous faisons vraiment confiance aux citoyens....et notre projet de constituante TIREE AU SORT leur donne DIRECTEMENT la décision finale

    Cordialement

    • Le paradis du hasard

      Le 8 août 2009 à 14:20 par ANDRE BELLON

      Réponse au commentaire du 3 juillet 2009 ci-dessous.

      Il n’est pas inutile de connaître les arguments des partisans du tirage au sort même si les statuts de l’association pour une Constituante (article 2 et article 5) excluent totalement cette hypothèse pour les raisons que j’ai déjà exprimées dans le texte « Le paradis du hasard », critiqué dans le commentaire du 3 juillet ci-dessous. Pour ne pas s’engager dans des débats sans fin, je me bornerai en réponse aux questions posées à quelques brèves remarques tout à fait fondamentales :
      1/ Les remarques faites ignorent plusieurs de nos propositions, par exemple le fait que la Constitution préparée par la Constituante doit ensuite être soumise à référendum. Elles ignorent aussi le fait fondamental que notre association a précisément pour but de définir des conditions d’élections qui ne reproduisent pas les schémas actuels.
      2/ On ne peut pas dire à la fois qu’on est pour le tirage au sort et pour le suffrage universel. Pourquoi certaines désignations par élection et d’autres par tirage au sort ? Y. Bachaud résout, si j’ai bien compris, cette contradiction en décidant que le tirage au sort est réservé à la Constituante et qu’ensuite l’élément clé sera le référendum d’initiative populaire. Ce faisant, il pense contourner le fait que des élections reproduiraient, selon lui, dans la désignation de la Constituante, la représentation par les seuls partis qui dominent aujourd’hui la vie politique.
      3/ Je suis d’accord pour reconnaître que la remise en cause de la domination des partis actuels est indispensable pour la création d’une Constituante. Bien sûr, en l’état actuel des choses, une Constituante reproduirait ce qui existe puisque les principaux partis réaffirmeraient leur force et refuseraient toute autre représentation. C’est pourquoi nous travaillons sur le type d’élection et sur le type de mobilisation destinés à renverser cet obstacle. Le cas s’est déjà produit dans l’histoire et des propositions en ce sens sont faites à notre association qui en débat.
      Une fois qu’on a dit cela, il faut une sacrée dose de naïveté pour croire que ceux qui dominent aujourd’hui accepteraient une Constituante tirée au sort et destinée à remettre également en cause cette domination. Sauf, évidemment, s’ils pensent pouvoir manipuler les « tirés au sort », en particulier grâce aux experts censés les « former ». Qu’il s’agisse d’élection ou de tirage au sort, la question est la même : créer un rapport de forces différent et une situation politique et sociale différente. C’est d’ailleurs cela la valeur symbolique de la Constituante. Elle ne peut résulter que d’une réaffirmation de la souveraineté populaire, aujourd’hui totalement bafouée. Les partisans du tirage au sort raisonnent sans aucunement voir les dynamiques historiques qui doivent soutenir le changement et la force de rassemblement que doit créer la Constituante.
      4/ Comble de l’ironie, les partisans du tirage au sort nous expliquent que les constituants auraient droit à une formation par des constitutionalistes. Comme si les experts étaient neutres ! Charmante naïveté. D’ailleurs, qui les nommerait et sur quels critères ?
      5/ Sur ce que pourrait être une nouvelle Constitution, nous avons évidemment des débats nombreux à tenir sur le type de Constitution et sur les règles de la vie politique : contrôle des élus et référendum d’initiative populaire sont, en particulier, des problématiques qui m’intéressent au premier chef. Cela étant, il me semble qu’il y a une incompréhension entre nous sur le sens et le rôle d’une Constituante. Celle-ci est destinée à élaborer, dans le cadre d’un débat interne, une Constitution. Si le type de Constitution est défini d’avance, si nous verrouillons le débat sur la Constitution comme on nous le propose, il n’y a pas lieu à faire une Constituante. Elle n’aurait alors, en effet, plus qu’à avaliser ce qui aura déjà été décidé. Histoire de rire, je dois admettre que, dans ce cas, le fait de tirer les constituants au sort n’aurait pas grande importance.
      Au contraire, pour nous, les élus désignés pour élaborer une Constitution doivent être désignés sur la base de leurs positions par rapport à ces questions. Nous aurons alors à faire pression, lors de leur élection, pour qu’ils soient élus sur ces bases. Pour ma part, j’estime les citoyens assez majeurs et responsables pour savoir choisir. Le tout est que les conditions historiques aient permis de bouleverser le monde qui nous est imposé jusqu’alors. C’est cela qu’on appelle agir et non subir.

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    • Le paradis du hasard

      Le 31 mars 2010 à 00:03 par Robert HADJADJ

      Décadi 10 Germinal CCXVIII
      Au cercle de Montpellier, nous avons un débat sur le Tirage au sort. La presque unanimité de nos participant demeurent convaincue que seul le suffrage universel direct garantie au peuple la démocratie et la possibilité de maitriser les affaires publiques
      Un peuple qui s’en remet au hasard pour le conduire, demissione de ses droits de citoyen. Il joue sa liberté à la roulette.
      Restons sérieux, arrétons et débatons des vrais problèmes qui se posent, comment élire une Assemblée Constituante libre et indépendante des actuelles formations politique .
      Je suis entièrement d’accord avec l’analyse d’André Bellon concertant la question évoquée plus haut.
      Salut et fraternité
      Robert HADJADJ (Cercle de Montpellier)

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