Lettre du cercle de Nantes au sujet de l’aéroport de Notre dame des Landes
Mercredi 10 avril 2013, par
Le cercle de Nantes a déjà publié plusieurs analyses du projet d’aéroport de Notre dame des Landes. Vous trouverez ci-dessous la lettre qu’il adresse à Christophe PRIOU, Député de Loire-Atlantique
Monsieur le Député,
Le Cercle Nantais de l’Association pour une Constituante vous a transmis, fin décembre 2012, la copie de la doléance émise à l’adresse du Président de la République ainsi qu’à différentes autorités et personnalités publiques concernées par le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes.
Nous avons bien reçu votre réponse. Nous ne polémiquerons pas sur le ton utilisé qui nous semble marquer un certain mépris vis-à-vis des citoyens que nous sommes, nous assimilant in fine à de dangereux perturbateurs de l’ordre républicain. La libre expression des citoyens est la condition absolument nécessaire d’une démocratie digne de ce nom et les représentants de la Nation se doivent de la respecter y compris entre deux séances rituelles de passage aux urnes.
Il est par ailleurs pour le moins surprenant de voir votre alignement complet sur les positions du Président de Région, ce qui prouve que dans ce dossier, comme dans bien d’autres et malgré les envolées lyriques de vos leaders respectifs, il n’y a guère de différences entre l’UMP dont vous êtes et le PS dont le Président de Région est. D’ailleurs, à entendre votre actuel président de parti défendre lors d’une énième motion de censure la nécessaire rigueur dans les dépenses publiques, nous aurions pu penser que vous examineriez avec attention les questions sérieuses que nous vous avions soumises, Mais au lieu de cela vous préférez faire du copié-collé des arguments du Président de Région.
Entre autres, vous évoquez le fait que ce projet a été élaboré il y a 42 ans, comme si la situation de la France, de l’Europe et du Monde en était restée à ce stade. Certes, nous pouvons comprendre et partager avec vous une certaine nostalgie de jeunesse, mais comment peut-on en un seul paragraphe prétendre avoir préservé pendant 40 ans, grâce à la création de la ZAD destinée à cet aéroport, des espaces naturels et agricoles et vouloir maintenant les détruire avec la construction de cet ouvrage ? Nous supposons que dans vos interventions à l’Assemblée Nationale, dont nous n’avons pas cherché à connaître l’ampleur, vos talents oratoires sont un peu mieux étoffés.
Donc, comme vous semblez ignorer nos questions nous vous les rappelons bien volontiers, en vous invitant à relire notre doléance même si nous sommes à peu près certains que vous n’y répondrez guère pas plus que vos distingués collègues de l’UMP ou du PS, tant vous êtes désespérément accrochés à un modèle de société qui a fait de la croissance perpétuelle et entropique un succédané d’un prétendu progrès économique, dont nous entrevoyons aujourd’hui les limites incontournables, essentiellement physiques, géologiques et écologiques.
Si nous avons tardé à vous répondre, c’est que, outre le fait d’être choqué par votre manière de traiter les citoyens qui osent poser des questions, des éléments nouveaux sont apparus dans ce dossier. Le premier élément est l’aggravation de la situation économique en France qui nécessiterait un peu plus de rigueur dans le choix des grands investissements nationaux et régionaux d’infrastructures notamment de transport qui semblent de moins en moins se justifier, Vous conviendrez avec nous que l’OCDE n’est pas une Organisation de casseurs déchaînés et énergumènes, comme certains jugent les occupants de la ZAD de Notre Dame des Landes et par extension ceux qui partagent leur opposition au projet. Mais, sans que nous y soyons pour quelque chose, l’OCDE écrit page 27 dans son bulletin « Études Économiques de l’OCDE, France 2013 » OECD Publishing, (nous citons) :
« La France étant dotée d’infrastructures de réseau et de transport bien développées, certains investissements supplémentaires ont probablement un rendement relativement faible. Certaines lignes de TGV ne seront sans doute jamais rentables et des projets prestigieux notamment de construction du nouveau siège de la Défense, de stades et d’aéroports régionaux (nous soulignons), risquent de représenter une charge pour les générations futures. De même, certaines dépenses d’investissement au niveau local n’auront qu’un effet négligeable sur la croissance future (NDLR, si tant est qu’elle soit encore possible au vu du mur énergétique à plus ou moins court terme). Par conséquent la rentabilité des projets d’investissement public devrait être évaluée avec soin, (...) »
Cela semble avoir bien été le souci du préfet de Haute-Garonne qui a décidé l’abandon définitif du projet de transfert de l’aéroport de Toulouse Blagnac Il est vrai qu’en Loire-Atlantique, un ancien préfet n’a pas hésité à sauter le pas en acceptant de poursuivre sa carrière en entrant chez Vinci...
Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que le Parlement Européen a jugé recevable les pétitions des opposants à l’aéroport : « le projet contreviendrait potentiellement au droit de l’environnement mais aussi au droit de la concurrence, à cause des subventions publiques dont il bénéficie sans que la Commission en ait été informée à temps. Concernant la protection de l’environnement, les points potentiellement litigieux concernent les mécanismes d’étude d’impact, la protection des espèces et de leur habitat ainsi que le respect de la directive habitat-oiseaux. La France doit répondre à une série de questions que lui a adressées Bruxelles, ce qu’elle n’a pas encore fait. Le délai pour s’exécuter court jusqu’à la mi-avril. Aucun représentant de l’État français n’était présent lors de l’audition »
Voilà où nous en sommes, et certes nous comprenons que cela puisse motiver chez les défenseurs du projet certaines rancœurs. Nous ne savons pas si le projet se réalisera, mais il est désormais certain que plus jamais les grands projets inutiles ne seront imposés sans la résistance des citoyens et il faudra bien un jour en tenir compte en redonnant au travers de la convocation d’une Assemblée Constituante la possibilité de reconstruire une République digne de ce nom, face au déclin inexorable de la Cinquième, qui se perd dans la confusion entre le bien public et les intérêts privés d’une caste au pouvoir, incapable de penser l’avenir et de faire ainsi face aux multiples défis dont les crises financières et économiques à répétition ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
Veuillez agréer, Monsieur le Député, nos salutations citoyennes.
Pour le Cercle Nantais de l’Association pour une Constituante,
Daniel LEPAGE
Président