La paille des mots, le grain des choses
Dimanche 15 juin 2014, par
Dans le texte ci-dessous, Christian Berthier commente l’actualité de la Constituante au regard des coups de force menés par le pouvoir contre la démocratie locale.
La paille des mots, le grain des choses (Leibnitz, 1646-1716)
Il faudrait de plus en plus oublier le mot « quotidien » et le remplacer par celui de « écume des jours ».
Exemple : les commentaires des dernières élections municipales et européennes.
En tirer honnêtement les leçons aurait été que les programmes des partis et les partis eux même étaient désavoués par une majorité importante des électeurs et qu’il leur fallait au moins changer de programmes pour que ceux-ci soient plus largement soutenus par les électeurs à de prochaines élections.
Il faut en effet des raisons importantes pour détourner des urnes un peuple qui a l’expérience de deux siècles de suffrage universel.
Au lieu de cela, nous subissons un déluge de mots parmi lesquels très peu proposent un programme ou même quelques humbles mesures pour combattre ce qui accable les électeurs et les familles : la dépression, le chômage, le repli des services publics et de la protection sociale.
Ces mots sont d’autant plus nombreux qu’ils ont moins de prise sur le « mouvement des choses », c’est à dire pour moi la réalité du peuple dans sa diversité et ses relations.
J’estime qu’au cours de l’année 2013 le fossé entre le mouvement du peuple, de ses besoins, de ses aspirations, et une « France d’en haut » économique, politique et médiatique se creuse chaque jour. Ce fossé se creuse de plus en plus vite. C’est ce que montrent les résultats électoraux. Une énergie considérable s’accumule au sein du peuple mécontent.
L’histoire de France, mais aussi celle d’autres peuples, enseigne que cette énorme énergie vitale peut déferler à tous moment et se saisir des plus modestes organes de représentation et de démocratie associative, syndicale ou politique pour mettre en forme et porter les exigences du peuple a un niveau qui permette leur satisfaction.. C’est à dire à tous les niveaux existants de l’Etat. Concrètement : de la commune au département et de celui-ci au gouvernement.
C’est ici que la guerre aux assemblées locales déclarée de toute urgence par François Hollande apparaît comme une sorte de coup d’état préventif : tenter de retirer au peuple en mouvement les échelons de la légalité vers la reprise en main de la République.
C’est moins question de légitimité formelle que de pouvoir réel. Un combat réel et concret, économique, monétaire, administratif.
Complexe, car toujours coexistent assemblées locales, nationale, Constituante d’une part et, d’autre part, pouvoirs de l’Etat, du gouvernement et de multiples lobbies économiques privés. Ces derniers, bien concrets, bien organisés et bien représentés.
Ils ne resteront pas inactifs. Ils ne doivent être ni occultés, ni oubliés.
Pour nous, l’élection d’une Assemblée Constituante souveraine pourrait contribuer à ordonner le jeu des intérêts concurrents et redonner une base stable à l’expression de la souveraineté du peuple à tous les niveaux.
Elle le peut, mais l’Histoire reste à écrire. Celle de la maîtrise du peuple sur les choses.
Paris, Juin 2014