La crise de régime se poursuit - Le député Pouria Amirshahi vote contre le budget et appelle à un mouvement
Samedi 31 octobre 2015, par ,
Le député PS Pouria Amirshahi a voté -seul de son groupe- contre le budget du gouvernement. 18 députés PS se sont par ailleurs abstenus. Pouria Amirshahi appelle à constituer, en dehors des partis, un mouvement de réflexion et de clarification des enjeux. Nous publions ci-dessous sa tribune appelant à ce mouvement.
Ensemble, lançons un Mouvement Commun
La France étouffe de cette ‘économie’ qui – comme ailleurs dans monde – enrichit une poignée et relègue tous les autres au rang de consommateurs moyens ou de pauvres et précaires. Ces possédants qui hypnotisent nos élites, jusqu’à obtenir d’eux une servitude volontaire humiliante. La droite n’a plus rien du génie de ses penseurs ou des quelques grands hommes et femmes du passé ; le centre ne compte plus quelques bonnes volontés, minoritaires ; la gauche est en deux : une partie se fracasse sur ses propres renoncements ; une autre partie résiste aux dérives libérales et sécuritaires d’une social-démocratie sans imagination, mais se divise, sans souffle et parfois prisonnière elle aussi des mêmes mots… que plus personne n’écoute vraiment.
Des transgressions politiques audacieuses et positives sont nécessaires : je propose que toutes celles et ceux qui veulent fonder un nouveau projet progressiste pour la France d’après – quelles que soient leurs appartenance partisanes, leurs espoirs et leur doutes – se réunissent pour en poser les jalons dans les tous prochains mois. Ce mouvement commun des bonnes volontés ne doit pas être prisonnier du poison présidentiel de 2017. Certes, il faudra choisir. Mais d’abord, mettons dans le débat public quelques questions essentielles à un projet de société aussi émancipateur que crédible, c’est-à-dire réalisable et qui renoue avec le sens du progrès perdu. Bien sûr, il est tout à fait honorable de militer dans des partis ; j’assume pour ma part tout à la fois d’être Socialiste, Républicain et frondeur comme d’autres assument leurs parcours et s’engagent avec sincérité.
C’est pourquoi il est indispensable pour notre démocratie d’engager dès maintenant un mouvement national citoyen de type nouveau, qui ne se résume pas à la résistance nécessaire aux graves dangers qui menacent l’humanité et le vivant. Construire dès maintenant une pensée positive, qui fait le pari que la mise à disposition, au service du genre humain, des connaissances acquises par 6.000 ans de civilisations humaines, est possible. Cette démarche ne peut être que collective et partant de la France réelle, sans sectarisme. Les germes sont là , partout dans le monde ces alternatives existent, que beaucoup portent avec générosité, quels que soient leur statut social et leur niveau culturel : dans l’économie circulaire, sobre et solidaire, dans les pratiques artistiques et culturelles, dans l’agriculture comme dans la citoyenneté urbaine, dans le sport et l’éducation, en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire, dans les sciences et les médecines … le tout comptant parfois sur des technologies numériques ou nano de toutes sortes qui laissent entrevoir aussi de grands progrès.
Voici les enjeux : la réappropriation publique des biens communs : essentiels à la vie sociale comme à la vie sur terre ; l’égalité réelle entre les Français de toutes consciences et provenances, et d’abord l’égalité entre les femmes et les hommes ; la raison et la morale en économie : au salaire minimum doit s’ajouter un salaire maximum – car rien ne justifie qu’une poignée d’individus gagne, en commandant tous les autres et parfois même grâce à l’argent public , ce que ces derniers ne gagneront pas en une seule vie ; une autre stratégie dans la mondialisation, qui fait de la francophonie non pas la fin rance d’une vieille Françafrique, mais une belle alliance entre noirs et blancs, Américains (Québec) et Européens, latins et maghrébins, unis sur des programmes scientifiques, universitaires, économiques etc, bref une géopolitique de la langue, comme le font les hispanophones, les arabophones, les lusophones et bien d’autres face à l’hégémonie d’une seule langue ; une autre approche internationale qui passe par l’alliance des démocraties plutôt que de s’allier avec des émirats et autres régimes indéfendables .. Bien d’autres sujets encore viendront nourrir ce nouvel imaginaire, nos utopies concrètes.
Dépassons les poids morts qui empêchent d’agir et qui figent la pensée.
Même ceux qui vantent à raison la ‘France qui marche’ ont réduit leurs discours à de la pure com’. Et, pendant ce temps, la pauvreté augmente, le chômage grandit mais la souffrance au travail aussi, les discriminations progressent, les guerres d’identités nourries par l’extrême droite, et même parfois au nom d’une laïcité trompée, veulent l’emporter sur la République métissée. Qui plus est, notre pays, pourtant encore dans les cœurs de beaucoup, n’est plus compris dans le monde. Un voile de tristesse l’a enveloppé ; c’est ce voile qu’il faut lever.
Par cette invitation, dont j’attends le retour de celles et ceux qui l’auront lue et approuvée, je propose que nous nous engagions, dans les formes comme dans le contenu. On parle beaucoup de révolutions citoyennes, de Barcelone à Athènes, de New-York à Tunis, de Dakar à Porte Alegre ; nous la ferons « à la française », c’est-à-dire procédant de la République (celle des Lumières et non de l’ordre sécuritaire), approfondissant la démocratie et s’engageant véritablement dans l’écologie.
A toutes et tous, je donne rendez-vous le 8 novembre, à 14h à la Parole errante (Montreuil), pour lancer ensemble le mouvement commun.
Pouria Amirshahi.